Chapitre 26

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PDV CLEO 

- Pourquoi ? 

Ma voix tremblait.

Elle me regarda dans les yeux, pas la moindre trace de culpabilité ou de remords dans son regard. Juste sa fierté. Elle était fière de me voir dans cet état-là. Meurtrie, trahie, alors même que je n'avais aucun droit de l'être. 

- Putain, réponds-moi Déva, arrête de me regarder comme ça et explique toi bordel ! Qu'est-ce qui t'as pris de l'embrasser ? criai-je de fureur. 

Elle ne répondit pas. Son petit corps fragile que je connaissais si bien semblait receler tout ce que j'avais toujours haï. Je ne pouvais pas dire que je ne la reconnaissais pas. Au contraire, c'était en adéquation parfaite avec ce qu'elle était. 

- Je ne l'ai pas embrassé Cléo. 

- Fous-toi de ma gueule ! Je vous ai vues ! hurlais-je à nouveau, folle de rage et de douleur.

- Non Cléo. Ce n'est pas moi qui l'ai embrassé, c'est elle. 

Elle sourit. Fière. Satisfaite de ce regard désespéré que je devais arborer à l'instant même. Hélia n'avait pas pu faire ça.... Non... Elle n'était pas comme ça... Elle n'était pas comme moi ou comme Déva... 

- Tu ressens ça ? Cette douleur, ce sentiment d'abandon, de trahison. Comment le ressens-tu quand tu sais que tu n'y as aucun droit ? Tu l'as trahie en première. C'est toi qui t'aies jouée d'elle. Alors Cléo, ça fait quoi d'aimer ? 

Goguenarde, elle sourit de son sourire de fauve. 

Un silence pesant envahit ma boîte crânienne. Cette absence de pensées et de sensations aurait dû me faire peur, mais non, ce n'était pas le cas. Au contraire même, je jouissais de ce silence. Il me semblait alors que tout était mieux dans les non-dits, les secrets. Si les mots n'existaient pas, ils n'auraient pas fait si mal. Elle reprit, d'un ton badin : 

- Dis moi, ça m'intéresse. Est-ce que tu sens ton ventre se tordre dans tous les sens ? Est-ce que ton coeur se serre ? Bat il douloureusement contre ta poitrine ? Est-ce que ta gorge est serrée, étreinte par un trop plein d'insultes, de cris, de hurlements que tu te targues de pouvoir retenir ? Est-ce que ce silence dans ta tête est à la hauteur du silence dans ton coeur ? Est-ce que cette sensation, celle d'être morte à l'intérieur, incendie également tes veines, te poussant toujours plus vers le supplice d'être en vie ? Est-ce que tes mains te démangent de me frapper, toi qui n'a jamais touché personne ? Est-ce que ce regard de pitié que j'ai à ton égard te réduis, toi, la grande Cléo Hermans, à la pathétique émotion qui régit désormais ta vie ? Regarde moi dans les yeux, et dis moi que tu te sens faible, Cléo. Regarde moi et dis moi que tu n'as jamais autant souffert. Que je suis la cause de toutes tes douleurs. Dis moi que tu veux mourir, là, maintenant, devant moi. Dis moi que tu es devenue aussi faible que ces gens dont nous nous jouons depuis tant d'années. 

Mon regard se chargea de colère en l'entendant parler. Mes poings se serrèrent, mes mâchoires se contractèrent mais aucun coup ne vint. Aucune de mes mains ne vint entacher son maquillage parfait. Aucune de mes insultes ne vint détruire son masque de joie malsaine de voir sa meilleure amie souffrir. 

- Tu n'as rien Déva. 

Elle perdit immédiatement son sourire, un air d'incompréhension éclatant ses traits. Je me redressai. 

- Tu n'as rien. Tes coups bas, tes mauvaises actions ne sont là que pour te protéger de la vérité. Cette vérité que tu fuis depuis tellement d'années. Tu es seule, Déva. Je suis la seule qui sois restée depuis le tout début, mais c'est terminé. Tu as beau te persuader que tu es au dessus de tout le monde, ta fâcheuse habitude de vouloir me voler tout ce que j'ai, dit tout. Ta jalousie n'est que le résultat de ton manque de confiance et de ta peur de l'abandon. Peut-être que tu es belle et bien invisible... Aux yeux de tes parents d'abord et aux miens ensuite. Tu es peut-être capable de séduire n'importe qui Déva, mais à quoi bon, quand tes propres géniteurs ne te regardent même pas ? 

Silent voicesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant