La dépression, l'envie de partir loin est revenue en puissance. Il a fallu que mes yeux se posent sur cette petite photo de mon écran pour que tout refasse son apparition, je veux l'oublier. Je veux à tout prix l'oublier, mais c'est tellement compliqué ! Il faut que je passe à autre chose, il le faut absolument. Chaque jour, je me bats contre moi-même pour ne plus penser à tout ce qu'on a vécu, aux quatre cent coups qu'on a faits ensemble. Depuis plus de 1095 jours maintenant, je me dis que je dois changer mon fond d'écran mais lorsque je suis sur le point de le faire, quelque chose m'en empêche. Comme si une main tirait la mienne en arrière afin que je n'aille pas au bout de mon geste.
Il faut que mon esprit tourne la page, que cette dure réalité ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Cela fait trois ans que je me dis qu'il faut que j'ouvre une nouvelle page blanche et que je commence à écrire mon avenir mais cela est impossible. Elle m'a marquée, ses mots si blessants m'ont atteint et il est désormais impossible de m'en défaire.
Parfois, j'ai l'impression que mes poignets sont liés par des lianes et qu'il m'est impossible de changer de direction, de voie. De vie. Alors, à bout de forces et totalement vide moralement, je referme mon ordinateur et je me dis que cela sera pour une prochaine fois sauf qu'elle n'arrive jamais, cette prochaine fois. Le courage que mon esprit cherche n'est pas dans mon corps, il s'est envolé quand elle est partie en me brisant. Le courage que j'aurais aimé garder m'a abandonnée lâchement. Enfin, je l'ai plutôt laissé partir.
Je pensais qu'elle avait tout prévu, qu'elle savait ce qu'elle faisait mais ce qui lui est arrivé n'était pas au programme. L'éloignement qu'elle a instruit entre nous, l'était. Chaque jour depuis ça, je me demande ce que j'ai pu faire pour mériter autant de souffrance et d'abandon. Peut-être que ma vie doit se résumer à ça ou peut-être que quelque chose de joyeux va m'arriver, je n'en sais rien mais je l'espère. J'en ai marre de souffrir pour les autres, de me détruire intérieurement. J'en ai marre de devoir me battre pour récupérer tout ce que j'ai perdu à cause de ça. Parfois, je suis à bout. Parfois, je veux simplement que le temps s'arrête. Parfois, je veux juste respirer et souffler. Rien que ça. Juste ça.
Marchant à travers les couloirs de la grande bâtisse, je ne fais pas attention à mes pas. Des mains se posent sur mes épaules, je recule instinctivement avant de relever le regard pour tomber sur les iris bruns de Charline. Ses mains toujours sur mes épaules, elles les pressent légèrement avant de prendre la parole d'une voix douce :
- Hé, je t'ai appelée mais tu ne m'as pas entendue, me dit-elle en enlevant ses mains de mes épaules.
- Désolé, dis-je, confuse. J'étais dans mes pensées, je ne t'ai pas entendu.
- J'ai vu ça. Est-ce que ça te dit de venir avec nous regarder l'entraînement de football des garçons ? Comme nous avons un temps libre jusqu'à midi, nous avons trouvé que c'était une bonne idée, histoire de faire passer le temps et d'apprendre à se connaître.
Je réfléchis à sa proposition. Si regarder des garçons s'entraîner peut me faire oublier mes tristes pensées, je ne suis vraiment pas contre. Pourtant, j'ai une furieuse envie d'être seule dans un coin et d'écrire tout ce qui me passe par la tête. Je suis en totale contradiction avec moi-même et il faut que je me décide vite car Charline me fixe, attendant une réponse. La pauvre, elle ne doit pas comprendre pourquoi je ne lui réponds pas aussi rapidement.
- D'accord, finis-je par dire dans un souffle. Je vous retrouve dans les gradins, je passe d'abord au petit coin.
Elle acquiesce et rejoint les filles, puis elles sortent du bâtiment et moi, je pars au petit coin comme prévu. Mon affaire faite, je me lave les mains et sors des toilettes en poussant la porte avec mes coudes. Je déteste les portes des toilettes d'école, elles sont toujours sales et pleines de microbes. On dirait que certains étudiants oublient que les gestes de propreté s'appliquent partout où nous allons. Pour le bien de tous et de soi. Il est juste question de respect, c'est tout.

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An endless fight
RomanceÀ contre cœur, Lana Rivera, âgée de 18 ans, s'oblige de quitter sa ville. Elle trouve cette opportunité lorsque ses études à l'Université débutent. Quitter le grand soleil de Miami pour aller à Charlotte, c'est le choix qu'elle a décidé de faire pou...