41. Lana

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Couchée dans le lit d'enfance d'Ethan, mon regard est perdu dans l'espace de sa chambre. Tout est rangé correctement, rien ne semble avoir bougé depuis des années et pourtant, il ne semble pas y avoir une once de poussières. Comme si cet endroit été entretenu chaque jour, comme si quelqu'un vivait dans cette pièce. Et pourtant, c'est l'odeur de Ethan qui flotte dans l'air. C'est son parfum, son aura. C'est lui ! Ça fait bizarre de voir une chambre d'enfant ainsi alors que leur fils est toujours là. Vivant et emmerdeur. Oh oui, emmerdeur mais bienveillant !

Alors que je suis toujours en pleine analyse de sa chambre malgré l'envie de dormir et de m'enfuir sous les draps jusqu'à ce que cette période passe et me laisse en paix, je vois la clinche de la porte s'abaisser. Je sais que je devrais moi-même me battre pour que ça passe mais je n'en ai pas la force. Mon regard reste sur la porte qui laisse apercevoir Sabrina qui entre comme si elle voulait faire le moins de bruit possible. Elle s'avance vers moi, d'un pas délicat et prudent.

- Bonjour, Lana, comment vas-tu ?

Est-ce que Ethan lui a expliqué ma mauvaise période ? Sûrement parce qu'elle agit comme lui il a agi avec moi toute cette semaine. Avec prudence et délicatesse, comme s'il ne voulait pas me brusquer alors que j'avais envie de m'enfuir encore plus profondément. J'avais envie de tout laisser tomber, de tout perdre. Encore et encore. Une fois de plus, une fois de moins, qu'est-ce que ça change ? J'ai même l'impression de toucher le gouffre, de toucher le fond. De partir aussi loin, dans mes abysses les plus profonds.

- Si tu ne veux pas parler, je n'y vois aucune objection mais j'ai besoin de comprendre certaines choses. Lana, hoche simplement de la tête si tu es prête à me dire tout ce qui ne va pas, continue-t-elle sans prendre véritablement en compte mon silence.

Contre toute attente, je hoche de la tête parce que la colère que j'ai tout au fond de moi commence à prendre beaucoup trop d'ampleur en moi. Elle commence à me bousiller et malheureusement, je n'ai pas ma mère à mes côtés pour me reprendre en main. Elle est la seule qui sait trouver les mots corrects, ceux qui vont me faire réagir. Ceux qui vont me toucher et qui m'aideront à aller de l'avant et à laisser mon passé derrière moi. Ceux qui me pousseront à la surface pour reprendre une bouffée d'air et de courage. De force.

- Bien, bien... Est-ce que tu veux bien me dire ce que tu ressens à l'instant présent ?

- De la colère, de la tristesse et... je ne sais pas, quelque chose de bizarre.

Ma voix est tremblante, rauque. Ça fait si longtemps que je ne l'ai plus entendu. Que je n'ai plus prononcé un mot. Sabrina hoche de la tête et s'assoit à mes côtés, mais elle instaure une distance entre nous, comme si elle voulait mesurer les conséquences de ce qui se passe en moi.

- On va commencer par ce quelque chose de bizarre, tu veux bien ? Est-ce que tu peux me décrire ce que tu ressens réellement ?

Afin d'être un peu mieux pour parler, je me redresse et me pose contre la tête de lit, le coussin d'Ethan entre mes bras. Il me rassure, comme si je savais Ethan à mes côtés. Avant de parler, je regarde avec minutie la personne qu'est Sabrina. Elle est peut-être psychologue mais j'ai besoin de voir si je suis vraiment en confiance avec elle. Son regard est doux, ses mains sont posées de part d'autres d'elle et un petit sourire rassurant s'affiche au coin de ses lèvres.

- J'ai l'impression de toucher le fond de quelque chose, je ne sais pas comment expliquer ça, commençais-je d'une voix tremblante. Mais parfois, j'ai un regain d'énergie et je ne sais pas comment l'expulser. Ni comment le maîtriser.

- Mon frère m'a expliqué ta semaine, de ta phase maniaque à ta phase dépressive comme on dit chez les bipolaires. Ethan reste sur son idée que tu en es un. Mais mon avis sur la question ne change pas complètement.

An endless fightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant