27. Ethan

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J'ai l'impression que je vais m'endormir. Les cours, c'est bien. Les professeurs et les philosophies farfelues, c'est l'horreur. Commencer un lundi matin avec deux heures de Modern British Literature, c'est vraiment la poisse. Certes, j'aime les études que je fais mais là, j'ai l'impression que notre professeur s'est transformé en philosophe alors que nous sommes censés faire des textes littéraires britanniques représentatifs qui représentent les développements culturels et littéraires du XXe et du XXIe siècle. Là, je ne sais même pas ce qu'on fait. Tout ce que j'arrive à comprendre, c'est que ça a l'air intéressant puisque Lana note comme une acharnée sur une feuille auparavant vierge.

Ce matin, j'ai eu la surprise de me réveiller sans Lana à mes côtés. En fait, elle était déjà en bas en train de faire un petit déjeuner avec Charline. Il n'y avait qu'elles de réveiller, tout le monde dormait encore bien profondément. Enfin, ça c'était avant que j'aille dans le couloir du haut et que je tape sur une casserole avec une spatule. Je me suis bien fait engueuler mais ça valait le coup de voir leur tête d'endormi. Surtout celle de Rackel. Les cheveux en pétard, un peu de maquillage sous les yeux et surtout, surtout un gros suçon dans le cou. J'avoue que j'ai cru qu'elle allait me tuer avec son regard.

Mais au final, tout le monde avait fini par oublier mon boucan et moi puisqu'ils se régalaient tous comme des bouffons autour du plan de travail. Tout le monde mangeait sauf une personne. Lana. C'était la seule à ne pas avoir mangé, elle a juste bu un verre de jus. J'ai eu un froncement de sourcil parce que je ne trouvais pas ça normal. Du coup, j'ai été près d'elle pour savoir et en fait, elle m'a juste dit qu'elle n'arrivait pas à manger le matin.

C'est au-dessus de ses forces, m'a-t-elle dit en m'offrant un doux sourire.

Ensuite, pendant que les autres mangeaient comme des ogres, je me suis tourné vers elle et je l'ai coincé contre un meuble. Mes mains sur ses hanches, je faisais tout pour la garder contre moi. Ses mains étaient posées contre mon torse, comme pour garder une distance entre nous. Elle avait l'air nerveuse et perdue, totalement perdue. Je lui ai demandé ce qui n'allait pas mais elle m'a affirmé qu'elle se sentait bien mais qu'elle avait besoin d'air. Qu'elle avait besoin d'être seule.

Alors que je me souviens de tout ce qui s'est passé, quelque chose me vient en tête. Ma sœur m'a obligé à lui faire réciter cette matière quand elle était encore à l'université. Prenant une feuille de bloc et faisant abstraction des explications du professeur, je note tout ce qui me vient, toutes les choses que j'ai remarquées : baisse de moral, humeur frôlant la dépression, agitation et lenteur, auto-critique et auto-accusation, insomnies fréquentes... Tout ça ne mène qu'à une chose, qu'à une maladie : la bipolarité. Et encore, tous les facteurs ne sont pas là pour prouver que c'est bien ça.

Relevant mon regard de ma feuille, je regarde Lana qui s'active avec énergie sur ses feuilles et je remarque aussi qu'elle s'agite sur sa place, bougeant sans arrêt. À la fin de la journée, il faut que j'aille voir ma sœur. Je n'ai pas vraiment envie de la voir mais il le faut. Si Lana est bipolaire, il faut que j'agisse vite. Les bipolaires ont des envies suicidaires, Lana n'a pas l'air d'avoir des envies suicidaires mais je préfère prévenir plutôt que guérir. Mais une question me taraude : est-elle consciente qu'elle pourrait être bipolaire ? Je n'en suis pas sûr.

***

À mon grand bonheur, la journée passe relativement vite et la fin des cours est approchée plus vite que je ne l'aurais cru. C'est presque en courant que je sors de la salle de cours. Si je ne veux pas perdre de temps, il faut vite que je parte au cabinet de ma sœur qui se trouve à la maison, à 25 minutes de l'université. Ma sœur pouvait s'ouvrir son propre cabinet – en dehors du domicile familial – mais il y avait énormément de place lorsque nous sommes tous les trois partis, laissant trois chambres vides et une chambre d'amis que ma petite sœur utilise aujourd'hui comme salle de jeux. Cependant, Sabrina ne vit plus chez nos parents, elle a son propre appartement. Allez comprendre ! Arrivé à ma voiture, je remarque que Dean m'attend déjà.

An endless fightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant