An endless fight

45. Lana

J'avoue que je n'avais pas prévu de tomber sur mon père tout de suite, j'aurais cru qu'il serait au boulot ou quelque part ailleurs. Qu'il ne serait pas là. Que j'aurais eu le temps de tout expliquer à ma mère, de lui dire pourquoi je suis revenue et ce que je compte faire en revenant : parler à mon père et aller sur la tombe dans mon ancienne meilleure amie. Rester une petite semaine avant de repartir en Caroline du Nord.

- Bonjour papa ! dis-je en prenant la main d'Ethan dans la mienne. Je te présente Ethan, mon copain. Ethan, voici mon père, Jim.

- Bonjour, monsieur, dit poliment Ethan en tendant sa main libre en direction de mon père.

Ce dernier arbore un visage que je ne saurais décrire, ni déchiffrer. Je ne sais pas à quoi il pense, je ne sais pas s'il va être poli et tendre lui aussi sa main en direction de mon copain. Je ne sais pas du tout ce qu'il compte faire. J'espère juste qu'il ne va pas me faire une scène, qu'il va rester calme et ne pas juger Ethan parce qu'il a cette attitude nonchalante que j'aime chez moi. Parce que, si on apprend à connaître Ethan plus en profondeur, on sait que ce n'est pas un mec mauvais. Il a ses qualités et ses défauts, comme tout le monde sur Terre. Fort heureusement, mon père accepte la poignée de main d'Ethan mais ce n'est pas pour autant qu'il desserre la mâchoire. Leur poigne est très droite, remplie de message venant de la part de mon père. Voir sa plus jeune fille en compagnie d'un garçon alors qu'elle devrait être en Caroline du Nord, je comprends que ça invite à se poser des questions.

- Mais, qu'est-ce que tu fais là, ma chérie ? me demande ma mère en s'approchant de moi, gardant un œil sur Ethan et mon père qui reste muet l'un à côté de l'autre. Il y a un problème ?

J'attrape le coude de ma mère et la tire vers la cuisine, nous éloignant de l'oreille indiscrète de mon paternel.

- J'ai été voir une psychologue, là-bas, commençais-je de but en blanc. J'en avais besoin, je voulais aller mieux et ne plus être dépressive.

Et je commence à tout lui raconter dans les moindres détails : ma rencontre avec mes colocataires, avec Ethan, l'université, mes insomnies, mes baisses de moral, ma grosse dispute avec Ethan – ce qu'elle savait déjà mais pas dans les détails –, notre réconciliation, ma rencontre avec sa famille et avec sa sœur, la psychologue. J'évite de lui raconter qu'Ethan et moi avons fait plus que se regarder dans le blanc des yeux. J'aime ma mère, elle est tout pour moi mais je refuse de lui expliquer ma vie sexuelle.

- Et du coup, me voilà, finis-je par dire en me triturant les doigts. J'ai suivi ses conseils et j'ai besoin de mettre les choses à plat et de faire mon deuil. J'ai besoin de passer à autre chose pour être heureuse et d'arrêter de ressasser ce foutu passé.

- Je n'ai pas les mots, renifle ma mère en prenant un mouchoir dans un petit panier. Je ne sais vraiment pas quoi te dire mais j'ai besoin de te prendre dans mes bras et de te dire que je suis fière de toi, de tout ce que tu fais. Tu peux être fière de toi, Lana !

Je prends ma mère dans mes bras en posant ma tête contre son épaule, regardant Ethan qui semble être mal à l'aise aux côtés de mon père. Je lui fais un bref sourire, le regarde avec amour. Parce que c'est ce que je ressens pour lui, de l'amour. Je ne sais pas encore si c'est le pur et le véritable amour mais je suis sûre d'une chose, c'est que je l'aime et qu'il me fait me sentir vivante. Qu'il me pousse dans mes retranchements, qu'il m'incite à aller de l'avant et à être heureuse comme j'ai toujours voulu l'être.

- J'ai besoin de parler à papa, de lui dire tout ce que je ressens. Et s'il ne veut pas m'écouter, s'il veut continuer à faire sa tête de mule alors je crois que moi, je continuerais mon chemin... sans lui.

Je me détache de ma mère et m'avance dans le salon, les mains moites et la posture tendue. Je suis stressée à l'idée de parler à mon père, de m'ouvrir à lui. Je ne l'ai jamais fait, c'est une grande première qui me stresse beaucoup.