OakDeath Club T1 - Jason [TERMINÉE]

Chapitre n°7

Charlotte peinait à rester éveillée.

Elle sentait ses bras endoloris lâcher peu à peu prise. Le buste de Jason était immense, trop large pour ses membres. Elle n'arrivait pas à faire le tour complet. De plus, ses poignets meurtris frottaient constamment contre le cuir de l'homme et elle grimaçait de douleur.

Au plus profond d'elle, pourtant, Charlotte se sentait si bien. Comme si sa mémoire lui renvoyait des sensations d'elle déjà sur une moto. Peut-être en tant que conductrice ? Elle avait tellement de mal à se tenir à Jason qu'elle doutait d'avoir déjà été passagère... Surtout que le motard conduisait assez doucement, il avait dû percevoir sa détresse et avait ralentit la vitesse.

- On va s'arrêter au prochain point de restauration, hurla-t-il en tournant la tête vers elle.

Charlotte acquiesça, elle n'avait pas entendu grand chose à cause de l'air qui s'engouffrait dans ses oreilles mais le verbe "arrêter" était bien parvenu jusqu'à elle. La jeune femme était soulagée de faire une petite pause. Elle vit le panneau annonçant le prochain restaurant à 10 kilomètres. Charlotte serra les dents et essaya de se concentrer pour maintenir encore sa prise.

Qui étaient ces hommes qui avaient débarqué devant l'hôtel ? Son instinct lui avait murmuré qu'ils étaient là pour elle. La jeune femme n'en avait pourtant reconnu aucun. C'est par réflexe qu'elle s'était plaquée au sol. Pourquoi ? Elle aurait très bien pu les rejoindre... après tout ils étaient peut-être venus la chercher ? Si ça se trouvait, elle venait de louper la police !

Elle se mordit la lèvre inférieure, avait-elle fait une erreur de jugement ?

Pourtant la jeune femme était certaine d'avoir prit la bonne décision en attrapant la main de Jason.

Qu'allait-elle devenir maintenant ?

Charlotte se concentra encore plus pour chercher dans sa mémoire un nom ou un prénom qui pourrait l'aider à retrouver ses marques. Elle n'avait aucun autre souvenir de son frère Matthias que cette vision de son tee-shirt orange, de son doudou Kipu et cette posture tournée de dos. Elle regarda le dos de Jason et tenta une autre piste : ses deux amies qui étaient avec elle avant que tout ne commence, Charlotte était sûre de ne pas avoir été seule à ce moment là. Cependant, elle avait beau réfléchir, fermer les yeux, inspirer calmement, aucun visage ne lui parvenait, seules deux ombres dansaient devant elle.

Une boite de nuit.

Voilà tout ce dont Charlotte se souvenait. Rien de plus. Aucun détail, seul de la musique sourde, sans parole, de la techno ? Dans une boite de nuit, quoi de plus logique après tout ?

Elle était désespérée.

Sans qu'elle ne s'en rendit compte, Charlotte grelottait violemment. Jason posa alors sa main sur l'une de Charlotte, sans lui jeter un regard. Elle apprécia son geste, même si elle ne sut pas trop comment l'interpréter.

Puis elle se revit dans la glace, après sa douche, la pommette gonflée, bleutée. Qui avait pu lui faire ça ? Sans parler des innombrables autres blessures qu'elles avaient sur le corps et certainement dans le corps. Quel homme - parce qu'elle doutait d'être lesbienne - pouvait lui avoir fait ça ? Et surtout : pourquoi ? Était-elle dans ce genre de délire SM plus M que S ?

Charlotte refusait de le croire.

Un kilomètre.

Le fait d'être amnésique était une sacrée contrainte. La sensation qui l'accompagnait était douloureuse : la peur. Elle n'avait plus d'identité, elle n'était personne. Charlotte, voilà tout ce que son cerveau avait réussi à lui donner en se réveillant. Charlotte.

Quoi de plus angoissant que de ne rien savoir sur soi-même ? Ne lui restait plus que l'imagination.

Charlotte qui ? Quel nom pouvait-elle avoir ? Smith ? Lark ? Son prénom avait des connotations française, elle ne pouvait le nier. Était-elle canadienne d'origine ? Québécoise plus précisément ? En tout cas elle parlait correctement anglais, aucun accent ne lui avait donné la preuve qu'elle était étrangère. Jason l'avait comprit et elle également.

Cinq cent mètres.

Comment s'était-elle retrouvée dans cette galère ? En cavale avec un inconnu, distant et baraqué comme jamais. Au vue de l'immense patch qui ornait le dos de son blouson, elle pouvait affirmer qu'il appartenait à un gang de motards.

OakDeath Club.

Le symbole était très étrange : elle reconnaissait l'arbre de vie, le fameux chêne, sauf qu'il était retourné, ses branches sans feuilles semblaient s'enraciner dans la terre et ses racines crochues sortaient du sol. Quelques gouttes de sang rouges étaient brodées sur les extrémités des branches dans la terre.

Charlotte n'essaya pas d'interpréter ce blason.

Elle déglutit. Jason était peut-être un tueur recherché.

Il ne valait sûrement pas mieux que les quatre hommes descendus de la voiture noire sur le parking de l'hôtel miteux.

Son œil fut quand même attiré par les dernières lettres sur le blouson.

Motorcycle

Aims - Oregon

Charlotte regarda au loin, les yeux plissés à cause du vent. Elle n'avait aucune idée d'où pouvait se trouver Aims. Sa mémoire lui indiquait que l'Oregon était au nord ouest des Etats-Unis et c'était tout.

Deux cent mètres.

Qu'allait-elle faire maintenant ?

Elle avait dit à Jason qu'elle voulait rejoindre ses proches et porter plainte à la police. Comment expliquer à un agent qu'elle s'était réveillée nue, attachée et parsemée de sperme dans une chambre d'hôtel ? Sans aucun souvenir ? Il ne la croirait pas, ou alors ne pourrait pas beaucoup l'aider avec des informations aussi vagues.

Et puis, elle avait mentit : elle ne se souvenait de personne, aucun "proche" ne lui venait en tête, comme si sa vie commençait aujourd'hui. Seul son petit frère Matthias lui revenait, toujours dans cette même position. Aucun moyen de décrire son visage, elle n'arrivait pas à s'en souvenir.

Plus elle réfléchissait, les sourcils froncés, plus Charlotte doutait d'avoir été accompagnée d'"amies" en boite de nuit, les formes se confondant désormais aux autres personnes floues sur la piste de danse. Et si elle avait été seule ? Jusqu'à un certain moment de la soirée ? Ce moment où elle aurait dû être accompagnée pour ne pas tomber dans le piège qui était tendu devant elle ?

La motard commença à ralentir, s'engagea sur le parking du restaurant et regarda dans son rétroviseur pour s'assurer que Charlotte était toujours derrière lui.

Venait-elle de lire de la déception dans ses yeux dorés ?

Oui Jason, j'ai mentis : je ne me souviens de personne.

Il ne me reste que toi.

Aide-moi.

Pitié.