PROLOGUE

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« Je veux partir d'ici. »

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1203. C'est comme ça que tout le monde m'appelle aujourd'hui. C'est le nom que les grands m'ont donné. Ça fait maintenant presque six ans que je suis arrivé ici. Je ne me souviens plus vraiment d'avant. J'ai tout oublié, ma famille, ma maison et mon prénom. Même si j'essaye, je n'arrive plus à me souvenir.

« Ici » c'est le centre où doivent vivre tous les enfants comme moi. Les enfants étranges comme moi. Les grands nous appellent « démons ». Je ne sais pas trop pourquoi ils nous donnent ce nom-là, ils disent que c'est parce que nous avons les yeux rouges... Enfin, moi, je ne comprends pas vraiment pourquoi je dois continuer à vivre ici. Je n'aime pas cet endroit.

Personne ne veut me dire quand j'aurai le droit de sortir d'ici. J'espère que je pourrais bientôt rentrer chez moi. Je sais, c'est vrai, je devrais être reconnaissant parce qu'ils me donnent souvent à manger, mais c'est juste que c'est vraiment difficile parfois... C'est juste que parfois, j'aimerais courir loin d'ici.


Tous les jours, les grands choisissent l'un d'entre nous pour participer à des « séances expérimentales ». Les adultes ici sont tous des gens grands et forts, ce sont des docteurs. Eux, ils n'ont jamais peur de rien. Eux, ils n'ont jamais mal. J'aimerais être aussi fort qu'eux un jour.

J'aimerais bien leur ressembler et pourtant, je les déteste. Je les admire, mais quand ils viennent me chercher, j'ai peur. S'ils n'étaient pas si grands et si forts, peut-être que papa et maman seraient déjà venus me chercher. Je pense qu'ils l'auraient fait. Je pense qu'ils ne m'auraient pas laissé vivre ici. Ils me manquent.


Lorsque c'est mon tour de participer à une « séance », un adulte vient me chercher. Je dois le suivre jusque dans une grande salle toute blanche. Là-bas, c'est comme si la lumière y était beaucoup trop forte. Elle l'est beaucoup plus que derrière les barreaux de ma chambre, alors elle me brûle toujours un peu les yeux au début. Après, tout ce que j'ai à faire, c'est de rester sage et assis sur une chaise pendant de longs moments. C'est pour la science et si je fais bien tout ce qu'on me demande, je sauverai des vies. Je ne comprends pas trop comment, mais c'est ce que les adultes ont dit.

« Ne crie pas. Tiens-toi tranquille et ça passera vite. »

C'est toujours ce que le docteur me dit avant de commencer une séance. Alors même si parfois ça brûle, même si parfois ça fait mal à cause des produits des piqûres, j'obéis. Je me tiens tranquille et je ne crie pas. Mais je ne crois pas que ça passe vraiment plus vite comme ça.

De toute façon, ça ne sert à rien de crier. Avant, je n'arrivais pas à rester sage et je pleurais un peu... Des fois, beaucoup. Ça mettait les docteurs en colère alors j'ai arrêté. Mais même si c'est pour la science, même si c'est pour aider beaucoup de gens, je veux partir d'ici.


Tous ces adultes, même si je fais tout ce qu'ils me demandent, même si je ne crie plus beaucoup, je crois qu'ils me détestent. Je ne comprends vraiment pas ce que je fais de mal, mais quoi que ça puisse être, je suis désolé.

Je suis vraiment désolé.

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« Faites qu'un jour quelqu'un puisse me pardonner d'être né. »

N°1203Où les histoires vivent. Découvrez maintenant