Chapitre 11 : DERNIÈRE CHANCE

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« DERNIÈRE CHANCE »

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J'avais traversé le couloir dans l'espoir de trouver une trace des démons, mais je ne pus rien trouver. J'étais seul. Après des mois à me préparer pour ce moment précis, ce moment où je devais tenir ma promesse, je me retrouvais seul face au vide. J'avais passé des mois à imaginer tous les scénarios possibles, mais je n'avais pas prévu cette situation.

Que s'était-il passé durant ces derniers mois ? Où étaient 1203 et les autres ? Que leur était-il arrivé ? Je ne pouvais pas croire qu'ils étaient morts. C'était impossible. Dan et Isaac n'avaient pas pu tous les tuer. Je ne les appréciais pas, mais ce n'étaient pas des monstres. C'était tout simplement impossible.

Posant ma main contre le mur pour ne pas m'effondrer, je réalisai que j'étais le seul responsable. J'avais promis de revenir et je l'avais fait, mais j'avais attendu bien trop longtemps. Naïvement, j'avais pensé que rien n'aurait changé en revenant ici six mois après. J'avais voulu être trop prudent et j'avais tout perdu. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire maintenant ?

Mais Dan et Isaac continuaient de travailler ici. Comment pouvaient-ils faire leurs recherches s'il n'y avait plus de démons à étudier ? Je les avais pourtant bien vu se rendre au laboratoire durant ces derniers jours. Quelque chose clochait. Je ratais forcément quelque chose. Il restait forcément des enfants quelque part. Me rendant compte qu'il y avait un endroit que je n'avais pas encore vérifié, je me redressai pour courir jusqu'aux salles d'analyses. Si mes collègues avaient utilisé des démons juste avant de partir, c'était le seul endroit où les enfants pouvaient être. C'était ma dernière chance alors aussi maigre pouvait-elle être, je voulais y croire. Je voulais m'y accrocher.


Tout comme le reste du sous-sol, la première salle était désespérément vide, mais ce n'était pas le cas de la suivante. Deux démons étaient là, toujours attachés sur leur chaise. Dan et Isaac les avaient laissés là, attachés durant toute la nuit ... Ils ne prenaient même plus la peine de les ramener dans leur chambre pour qu'ils puissent se reposer. Quel genre de personne étaient-ils ?

Ce n'était pas le moment pour leur faire des reproches, je n'en avais plus rien à faire.

J'étais au moins soulagé de voir que je n'étais pas revenu pour rien. Enfin, c'est d'abord ce que j'avais pensé, mais il n'était pas évident de savoir si ces enfants étaient vivants ou non. Ils étaient tous les deux livides et leur regard était fixé dans le vide. Aucun d'eux n'avait montré de réaction à mon arrivée et c'était inquiétant. J'essayais de me convaincre que c'était seulement parce qu'ils étaient trop fatigués pour réagir, mais je ne pouvais m'empêcher de craindre le pire.

Le démon qui se tenait sur la première chaise était une des jeunes filles dont j'avais eu la garde à l'époque. Le second démon était ce garçon, 1203.


Je me précipitai vers eux, priant pour qu'ils ne soient pas morts. Je m'occupais d'abord de détacher la fille. Je lui répétai de tenir bon et qu'elle n'avait plus à s'en faire, mais à l'instant où j'avais retiré ses chaînes, elle s'était écroulée heurtant lourdement le sol. C'est en voulant la relever que je remarquai qu'elle ne respirait pas. Son corps glacé avait pris cette légère couleur bleutée... Je compris que c'était fini pour elle.

J'en tremblais. Si seulement j'étais revenu plus tôt. Si seulement je n'avais pas attendu si longtemps, elle aurait pu survivre. Elle était si jeune. Mon cœur se resserrait. Elle était morte par ma faute, je l'avais tuée. Mes jambes flanchèrent et je me retrouvai au sol, à genoux face au petit corps sans vie de ce démon. A ce moment, l'idée que je n'étais pas assez fort, que je ne servais à rien et qu'il valait mieux ne rien faire revint me frapper violemment. Mais il restait 1203.


Il était là et il comptait toujours sur moi. Je ne devais pas abandonner. Pas maintenant. Je me relevai et dirigeai rapidement vers le deuxième démon suppliant pour qu'il soit toujours vivant. Posant mes mains sur ses joues, je relevai sa tête pour l'observer. Malgré l'absence totale de réaction, il était toujours en vie. C'était faible, mais je pouvais le voir dans ses yeux.

" Hey, ne meurs pas. Tu m'entends ? Accroche-toi. "

Je m'empressai de le défaire de ses liens et de retirer tous les fils auxquels il était relié. Je dus le retenir avant qu'il ne s'écroule lui aussi sur le sol.

Il trouva finalement la force de relever la tête vers moi. Après avoir subi tant d'expériences, son regard autrefois rempli de volonté, ne reflétait aujourd'hui plus rien. Il ressemblait à n'importe quel autre démon que j'avais pu croiser avant lui. Il était vide.


Je le pris dans mes bras et sortis de la salle sans attendre, me résignant à laisser l'autre démon sur le sol. Je traversai les couloirs marchant aussi rapidement que je le pouvais, je n'en pouvais plus de cet endroit. Resserrant mes bras autour du démon, je refusai de le perdre lui aussi.

Il avait laissé tomber sa tête contre mon épaule. Il n'avait plus aucune force et était tout juste conscient. Maintenant qu'il était dans mes bras, j'en étais persuadé, c'était un enfant normal, vraiment. Un enfant qui avait subi bien trop de choses pour son jeune âge.

Pour la première fois, j'avais le sentiment de faire quelque chose de bien. Je savais que je mourrais sûrement pour ça, mais je ne pouvais plus rester sans rien faire.

Ce n'était pas moi le fou.

Il était tard et la nuit était déjà tombée depuis plusieurs heures. Je sortis du laboratoire après avoir récupéré le sac que j'avais préalablement rempli des dossiers et des quelques preuves que j'avais pu rassembler. Je m'empressai alors de rejoindre ma voiture qui m'attendait près de l'entrée. Bien qu'il n'y ait personne, j'avais peur d'être suivi. Peur que quelqu'un ne m'arrête.


Arrivé à la voiture, j'installai le démon sur la banquette arrière et le recouvris avec ma veste. Il tremblait comme une feuille et j'étais terrifié en pensant qu'il pouvait mourir de froid. Plus personne ne devait mourir. Je ne laisserais plus jamais ça arriver.


" Je t'en supplie, ne me laisse pas. "

N°1203Où les histoires vivent. Découvrez maintenant