Chapitre 2 : PREMIER JOUR

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« PREMIER JOUR »

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Je venais tout juste d'arriver dans ce nouveau service et j'avais déjà envie de le quitter. De toute évidence, mon tuteur avait facilement deviné mes appréhensions et pour m'aider, il avait décidé de me montrer à quel point ces enfants étaient différents. Il pensait sûrement qu'en me prouvant qu'ils étaient dangereux, je pourrais me sentir mieux.


Il m'avait donc demandé de le suivre afin de me présenter les enfant-maudits du service. En traversant le couloir des chambres, je remarquai que les portes avaient toutes été remplacées par des barreaux pour nous permettre de les surveiller plus facilement. Alors, bien que je marchais tête baissée, je ne pouvais pas m'empêcher de relever de temps en temps les yeux pour les observer. Comme lors de la première fois où j'étais passé ici, la plupart des enfants étaient recroquevillés dans un coin de leur chambre. Leur visage ne montrait toujours aucune once d'expression. Pas de tristesse ni de crainte, rien. On m'a souvent répété que leur principale différence résidait dans leur incapacité à ressentir des émotions. C'était sûrement pour cette raison qu'ils me semblaient si vides. Peut-être n'étaient-ils réellement que de simples armes dénuées d'émotion et de sentiment finalement.

Enfin, je ne les avais pas encore suffisamment étudiés pour pouvoir émettre de telles hypothèses. Je n'ai jamais aimé baser mes idées sur de simples impressions, j'aurai tout le temps de me faire une idée plus tard. 


" Ne vous en faites pas Sakuyama, c'est tout à fait normal de vous sentir perdu pour le moment. Quand on ne les connaît pas, il est difficile de voir autre chose que de simples enfants. C'est le cas de tout le monde au début, mais vous finirez par vous habituer. Vous comprendrez vous aussi. " Faisant de son mieux pour me rassurer, mon collègue ajouta en souriant. " Allez, ne vous en faites pas, si le service a jugé bon pour vous de travailler ici, c'est que c'est votre place. Ne doutez pas, vous serez un excellent élément. J'en suis persuadé. "

J'ignorais pourquoi ils semblaient tous avoir autant confiance en mes capacités et j'avais toujours du mal à comprendre ce que je faisais ici. Mais puisque mon tuteur avait pris le temps de me rassurer, je lui répondis par un sourire et hochement de tête. Cette réponse sembla lui convenir puisqu'il reprit son chemin d'un pas assuré. Je crois qu'il s'était ensuite mis à m'expliquer le fonctionnement du laboratoire, ou bien qu'il se vantait du système de sécurité, mais je n'en suis plus certain. 


Sakuyama. Vous êtes toujours là ?  " 

Une fois arrivé, mon collègue avait dû répéter mon nom à plusieurs reprises afin de récupérer mon attention. Il poussa un léger soupir, réalisant que je n'avais pas écouté son discours. Je m'excusais à nouveau par un sourire. Sourire qu'il ignora en passant rapidement à autre chose.

" Bien, alors le démon que vous voyez ici est arrivé cette semaine. Est-ce que vous connaissez le protocole à suivre ?  "

Je remarquai que nous nous étions arrêté devant la porte de l'une des chambres. Je m'approchai pour regarder à travers les barreaux afin d'observer le jeune garçon qui occupait la pièce. A y regarder de plus près, il s'agissait peut être d'une fille. Difficile à dire. Tous les enfants qui résidaient ici se ressemblaient. Les cheveux courts, coupés grossièrement, sûrement plus pour des raisons sanitaires qu'esthétiques, et tous vêtus de la même tunique blanche trop grande. Il m'était difficile de les différencier.


" Est-ce que vous savez quelle est la première chose à faire lorsque l'un d'eux nous est livré ?  " 

Voyant que je ne répondais toujours pas, mon collègue, qui commençait à désespérer de parler à un mur, décida de répondre lui-même à sa question. Il m'expliqua alors que lorsque " l'un d'eux " arrivait, la première des choses à faire était de lui attribuer un numéro et de l'inscrire dans le registre du laboratoire. 

Jugeant ensuite que j'avais besoin d'être un peu secoué, il me demanda d'entrer seul dans la chambre pour récupérer l'enfant. Sans me donner plus d'explications sur la marche à suivre, il déverrouilla la porte et s'écarta pour me laisser passer. Je relevai alors les yeux vers l'enfant qui fixait toujours le sol sans prêter attention à nous. Après une légère tape d'encouragement de mon collègue, je poussai la porte pour entrer dans la chambre. Si cet enfant était réellement aussi dangereux, comment étais-je censé l'approcher sans risquer d'être blessé ? Non, c'était ridicule. Je ne devrais même pas avoir à me poser ce genre de question. Ce n'était qu'un enfant. Un enfant seul.


Je m'étais lentement avancé jusqu'à lui et me retrouvais désormais accroupi à ses côtés. Il était exactement comme on nous l'avait décrit. Des cheveux blancs et une peau extrêmement pâle contrastant avec la couleur rouge de ses yeux. A première vue, cet enfant devait avoir environ cinq ans. A cet âge, il devrait avoir la vie devant lui et pourtant même en étant aussi près, je ne parvenais à voir aucun signe de vie dans son regard. Il était là physiquement, mais il donnait l'impression d'être vide de l'intérieur. 

Alors que je cherchais un moyen de lui demander de me suivre, il sembla brusquement reprendre conscience. En réalisant qu'un adulte se tenait à ses côtés, l'enfant sursauta et se recula un peu plus contre le mur. Sa réaction ne me sembla pas vraiment déplacée. C'était lui qui avait peur de moi, pas l'inverse. Je lui tendis alors la main pour l'inviter à me suivre. L'enfant baissa les yeux sur ma main, l'observant sans réagir, méfiant.

" Tu dois me donner ta main maintenant.

Je lui soufflai la réponse en souriant. Je n'étais pas certain qu'il comprenne réellement le sens de mes mots, mais je faisais de mon mieux pour le rassurer et je pense que j'y serais arrivé. Je pense sincèrement que si j'avais eu un peu plus de temps, il aurait accepté de me prendre la main pour me suivre hors de sa chambre. Mais mon supérieur, jugeant que je prenais un peu trop de temps pour une tâche aussi simple, entra à son tour. Sa méthode était effectivement bien plus rapide et efficace que la mienne. Il empoigna fermement le bras de l'enfant pour le relever et le traîner dans le couloir. 


Déçu de ne pas avoir réussi la toute première mission que l'on m'avait confié, je me relevai à mon tour pour sortir de la chambre. J'en étais pour le moment incapable et pourtant, je savais que dans quelques mois, peut être même quelques semaines, je devrais être capable d'agir de la même manière.

N°1203Où les histoires vivent. Découvrez maintenant