N°1203

Chapitre 18 : VERITE

« Vérité »

~~~

" L'annexe ARES A a subi une attaque la nuit dernière.

Les corps des agents Isaac Gomes et Dan Anderson ont été retrouvés sans vie dans la matinée. Ils étaient tous deux de grands Hommes qui avaient choisi de consacrer leur vie à la science. Nous présentons nos plus sincères condoléances à leur famille. Un deuil national sera organisé dans les prochains jours.

Il ne s'agit malheureusement pas des seules victimes de l'attaque de cette nuit. Les enfant-maudits qui étaient hébergés au centre ont également été assassinés. Afin de préserver la sensibilité des plus jeunes, nous avons choisi de ne pas diffuser les images.

Si les circonstances du drame restent encore floues, les regards se tournent aujourd'hui vers le troisième employé d'ARES-A, Sakuyama Shinto. Connu pour avoir des problèmes psychologiques, il reste introuvable depuis le drame. Si vous avez des informations le concernant, veuillez contacter au plus vite les autorités compétentes. Nous reviendrons plus en détails sur cette affaire en fin de journal.

Autre information importante de la journée. L'épidémie atteindra son pic en fin de semaine, nous vous recommandons donc de rester extrêmement prudent. Nous comptons sur vous pour vous rendre aux séances de vaccina- "

Les mots prononcés par le présentateur n'avaient plus aucun sens. Les images du poste de télévision devenaient floues... Dan et Isaac, morts ? Ils auraient été assassinés ? 

C'était impossible. Ils ne pouvaient pas être morts. Lorsque je les avais quittés la veille, ils allaient pourtant bien. Pourquoi seraient-ils morts maintenant ? C'était insensé. Qui aurait pu attaquer le laboratoire ?  Un cambriolage ? Un acte terroriste ? Qui aurait intérêt à faire une chose pareille ?

Je refusais d'y croire. Dan et Isaac n'étaient pas morts... Ils n'étaient même pas censés être au laboratoire ce soir-là. Comment pouvaient-ils être morts au laboratoire alors qu'ils étaient à la capitale avec le directeur ? S'il y avait des corps, ça ne pouvait pas être eux... . Pourquoi racontaient-ils de telles idioties à la télévision ? Pourquoi ne prenaient-ils pas le temps de vérifier leurs informations ? 

Les questions se bousculaient dans ma tête, mais je restais incapable de réfléchir correctement. Pourquoi avaient-ils cité mon nom ? ...Pourquoi moi ? Me pensaient-ils réellement capable de faire une telle chose ? Ils avaient parlé de mes problèmes psychologiques, mais quels problèmes...? Pourquoi mentaient-ils si ouvertement ? La télévision n'était-elle pas censée ne transmettre que la vérité ? ...  Qu'allait-on penser de moi maintenant ? Mes anciens collègues, mon oncle, mes anciens camarades de classe, tout le monde, est-ce qu'ils me croiraient fou ?

J'avais certes fait quelque chose de mal, mais je n'avais tué personne. Je n'avais tué personne, pas vrai ? ... Si c'était le cas, je m'en souviendrais. Forcément. Baissant les yeux sur mes mains tremblantes, j'essayai de me rassurer en me disant que si c'était le cas, elles seraient recouvertes de sang. Mes mains n'ont jamais été couvertes de sang, pas vrai ? Mes propres souvenirs devenaient flous. Est-ce que j'étais réellement seul au laboratoire ce soir-là ?... Et si Dan et Isaac avaient réellement été là, et s'ils avaient essayé de m'arrêter ? Est-ce j'aurais pu... ?

" Shinto ! "

Mon coeur manqua un battement alors que je me retournai vivement vers le couloir. Heureusement, ce n'était que Kuro. Le garçon se tenait dans l'encadrement de la porte, frottant lascivement ses yeux fatigués. Perdu dans mes pensées, je ne l'avais pas entendu m'appeler. 

En croisant mon regard, il lâcha la porte pour se rapprocher de moi. Bien qu'il ne parvienne toujours pas à s'exprimer correctement, je compris qu'il ne voulait simplement pas rester seul. Il jeta un bref coup d'œil vers l'écran de télévision avant de s'allonger sur le canapé, posant sa tête sur mes genoux. N'ayant ni la force de négocier, ni de le ramener dans la chambre, je le laissai faire. Je n'avais de toute façon, pas envie de rester seul non plus.

Les images du poste défilaient toujours, mais j'étais désormais incapable de suivre ce qu'il s'y disait. L'intervention du démon m'ayant aidé à reprendre mes esprits, je pouvais désormais affirmer qu'avant de quitter le laboratoire, je n'avais croisé personne. J'en été certain. Dan et Isaac n'étaient pas là. Avant d'aller chercher Kuro, j'avais seulement préparé mon sac. Seul.

J'y avais glissé tout un tas de documents du laboratoire, espérant que ces papiers pourraient me servir un jour. Et ils devaient me servir maintenant. Je me penchais donc pour attraper mon sac qui traînait près du canapé. Jugeant que je remuais un peu trop, le démon sur mes genoux grogna légèrement. Je sorti tout de même les documents de mon sac et après les avoir rapidement parcourus, j'avais fini par trouver ce que je cherchais : la convocation que mes collègues avaient reçue avant de partir à la capitale. C'était ça ! Je tenais là la preuve qu'ils ne pouvaient pas être au laboratoire ce soir-là.

Mais alors que je pensais tenir le document qui pourrait m'innocenter, le motif de la convocation attira mon attention. " Sanction disciplinaire". À nouveau, ma respiration s'arrêta. 

Il était écrit que Dan et Isaac étaient accusés d'avoir gaspillé inutilement la vie d'une dizaine de démons et qu'ils devaient se rendre à la capitale pour recevoir une sanction disciplinaire.

En lisant cette lettre, un terrible doute s'empara de moi. De quel genre de sanction était-il question exactement ? À cet instant, je doutais de tout et de tout le monde, alors penser qu'ils s'étaient fait tuer à la capitale ne me paraissait plus si insensé. De plus, s'ils m'accusaient, ce n'était plus un problème. Ils tuaient des enfants alors pourquoi pas leurs agents...

" Ah! Shinto ! "

Sursautant une nouvelle fois, je baissai les yeux vers le démon qui tendait le bras vers le poste de télévision. Ils reparlaient de moi à nouveau.

Cette fois, ils affichaient ma photo, expliquant comment j'aurais tué ces agents de sang-froid et comment je me serais ensuite échappé avec le seul démon encore viable. Évidemment, puisque j'étais un monstre, je m'étais débarrassé des autres enfants inutiles avant de prendre la fuite. Ils n'avaient aucune preuve, mais ils donnaient tellement de précisions et de détails que j'aurais pu y croire aussi. Selon eux, je sortais tout juste de dépression, j'étais fragile. Ils savaient aussi que je n'avais ni ami, ni famille donc personne pour prendre ma défense. C'était facile.

" Non ! "

Le garçon, qui n'avait visiblement plus aucune envie de dormir, s'était relevé pour hurler contre le présentateur de la télévision. 

" C'est faux ! C'est faux !! Shinto, c'est faux ! "

Il se retourna vers moi attendant une réponse de ma part. Il comprenait donc bien tout ce qu'il se passait et tout ce qu'il entendait. Je le pris dans mes bras pour le forcer à s'asseoir afin qu'il se calme.

" Je sais, Kuro c'est faux. Bien sûr que c'est faux. " Je forçai un sourire pendant qu'il se rallongeait et se couvrait avec ma veste. " Je vais m'occuper d'eux, alors tu dois juste essayer de dormir, d'accord ? "

J'avais fini par éteindre la télévision, je ne tenais pas à écouter leur vérité déformée plus longtemps. Maintenant, au moins, je savais que j'étais recherché... Pour vol et pour meurtre.