Chapitre 16 : ATELIER CUISINE

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« Atelier cuisine »

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Après plusieurs heures de marche, nous arrivions enfin à la sortie de la forêt. Je reconnaissais le village dans lequel vivait mon oncle. Rien n'avait changé. Nous avions de la chance, à cette heure les rues étaient désertes. Il devait être aux alentours de huit heures et même les petits vieux d'ordinaires si matinaux, n'étaient pas encore de sortis. Merci au froid de Novembre.

Je m'avançai donc calmement à travers les allées jusqu'à rejoindre la maison de mon oncle. Rien ne servait de courir, tant que Kuro portait une capuche, il n'y avait aucune raison que quelqu'un ne s'alarme.


J'ouvrai prudemment la porte. Les lumières étaient éteintes et la maison semblait baigner dans un profond silence. A première vue, il n'y avait personne. Mon oncle ne devait pas être là. J'entrai et m'empressai de refermer la porte derrière moi. Ça y est, j'avais réussi. Ici, nous étions en sécurité, nous pourrions nous reposer quelque temps. Si la pression retombait enfin un peu pour moi, je compris que ce n'était pas forcément le cas pour le garçon sur mon dos. Dès l'instant où nous avions passé la porte, j'avais senti ses bras se resserrer un peu plus.

" ... Ne t'inquiète pas, il n'y a personne d'autre que nous. Tu ne risques rien ici. "

Avant de finir étrangler, je desserrai les bras du garçon. Il avait désormais assez de force pour tenir sur ses jambes, alors j'en profitais pour le reposer par terre et étirer mon dos. Il jeta de rapides coups d'œil autour de lui et décida que l'option la plus sûre était encore de se raccrocher à moi. Bien que bancal, j'étais pour le moment, son seul repère. Pour le rassurer, il fallait lui montrer qu'il n'avait rien à craindre ici. Je baissai donc la tête vers le garçon qui se cramponnait à ma veste.

" Mhhh... qu'est-ce qu'on devrait faire en premier ? " Kuro leva les yeux vers moi, je lui souris. " Que dirais-tu d'un repas chaud ? Je commence à avoir faim, et je pense que toi aussi. Comme ça je vais pouvoir te montrer qu'en plus d'être super mignon, je suis aussi un excellent cuisinier !

Je ne me considérais ni comme « super mignon », ni comme un « excellent cuisinier », j'essayai seulement de détendre l'atmosphère. Pourtant le silence et le regard de Kuro étaient vite devenus gênants. Je m'empressais donc de passer à autre chose et de me dirigeait vers la cuisine. 


Pour pouvoir cuisiner plus tranquillement, j'avais aidé le garçon à grimper sur une chaise. Je m'étais dit que ce serait mieux pour lui, mais il s'était braqué presque instantanément. Il s'était cramponné à moi, secouant frénétiquement la tête. La scène de panique de la voiture semblait se reproduire. Je compris finalement assez rapidement ce qui lui faisait peur. La chaise. Je n'y avais pas pensé. Au laboratoire, les seuls moments où il se retrouvait installé sur une chaise, c'était lors de nos expériences. 

" Kuro, Kuro ! C'est rien. Regarde, tu n'es pas attaché. Tu n'es pas attaché, tu peux bouger, il n'y a rien à craindre. Kuro... je "

Malgré tout ce que je pouvais lui dire, il s'était jeté sur moi, refusant catégoriquement de rester assit. Comprenant sa peur, je n'insistais pas plus longtemps et le repris dans mes bras. Il ne tarda pas à passer ses bras autour de mon cou pour se raccrocher à moi avec toute la force qu'il avait. J'avais dû encore une fois écarter ses bras par peur qu'il ne serre trop. Les démons ont plus de force que les enfants normaux et Kuro n'avait pas l'air de s'en rendre compte.


C'était donc avec un enfant dans les bras et à moitié étranglé que je devais prouver mes talents de cuisinier. Je m'approchai des placards pour fouiller à la recherche de quelque chose de pas trop compliqué à préparer.

" Mmh alors ... qu'est-ce qu'on pourrait manger ? "

Kuro releva la tête pour regarder à l'intérieur du placard, comme pour chercher avec moi. Il sursauta en entendant le grondement de mon ventre désespérément vide. Je mourrais de faim.

J'optai pour une valeur sûre et rapide. L'ultime solution. Elles qui ne m'avaient jamais abandonnée ; Elles qui avaient toujours été là même dans les moments les plus difficiles : Les nouilles instantanées. Mon oncle connaissait leur importance aussi bien que moi et il en gardait toujours une réserve. Je mis donc l'eau à bouillir et les pâtes à cuire, toujours sous le regard du garçon.


Trois minutes plus tard, notre repas était prêt. Je dressais deux assiettes avant de les poser à table. Me voyant approcher des chaises, le garçon s'était de nouveau mit à paniquer. J'avais de toute façon bien compris qu'il refuserait de manger sagement assis sur sa chaise. Je m'étais donc assis pour l'installer sur mes genoux. Il avait l'air d'accepter de rester sur la chaise s'il n'était pas seul. J'estimais pouvoir laisser passer ses caprices pour aujourd'hui.

" C'est une de mes spécialités. C'est très bon, tu vas voir. "

Je tirais les assiettes pour les mettre devant nous. Le garçon baissa les yeux sur son plat pour l'examiner. Lui qui n'avait jamais rien mangé d'autre que du pain ou de la purée ne savait pas trop comment se comporter face à ce que je lui présentais. 

" Tu sais, avant de commencer un repas, il faut que tu remercies la personne qui l'a préparé. C'est à dire moi ... Tu dois dire "merci Shinto". "

Peu importe ce que je pouvais lui dire, il ne m'écoutait pas. Après avoir humé l'assiette face à lui, le garçon décida de plonger sa main dans l'assiette, sûrement pour tester la texture des pâtes, ou je ne sais pas... Mais il la retira vite en couinant à cause de la température du bouillon. 

" Ah! Non ! ...N-Ne met pas tes bandages dans la soupe, s'il te plait. Arh... Kuro... "

Vu tout ce qu'il avait subi jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'il se soit réellement fait mal, mais par principe j'avais pris sa main dans la mienne pour souffler dessus. Exactement comme ma mère le faisait avec nous lorsque nous étions petits. J'avais déjà des réflexes de vieux, super...


Ayant abandonné l'idée qu'il ne mange seul avec sa fourchette, je l'avais aidé. Je ne sais pas s'il appréciait ma cuisine ou s'il mourrait de faim, mais il avait mangé une bonne partie de son assiette.

Alors que je terminai mon propre repas, le démon souffla un " Merci " quasi inaudible. Je manquai de m'étouffer et relevai vivement la tête pour le regarder. Je n'avais pas rêvé, sa voix était certes faible, mais il avait réellement parlé.


Je souris en hochant simplement la tête.

" Merci à toi, Kuro. " 

N°1203Où les histoires vivent. Découvrez maintenant