N°1203

Chapitre 24 : BISCUIT

« Biscuit »

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Les yeux rivés sur l'homme qui se tenait devant nous, je me tenais près. Kuro resserra sa main sur la mienne, il n'attendait plus que mon signal. D'un moment à l'autre, cet homme ouvrirait la porte. D'un moment à l'autre, la course reprendrait. Ce n'était plus qu'une question de temps.

Mais comme pour jouer avec mes nerfs, l'homme devant la porte restait parfaitement immobile. La main sur la poignée, il n'avait plus dit un mot. Pour une raison qui m'échappait encore, il était attentif à ce qu'il se passait à l'extérieur. Aller... Ouvre-la. Ouvre cette porte.

Brusquement, il se redressa et tira la porte vers lui. C'est maintenant ! Je me précipitai vers la sortie en tirant Kuro avec moi. Mais je n'avais pas prévu qu'au même moment, quelqu'un se jetterait à l'intérieur et nous bloquerait le passage. J'avais tout juste eu le temps de l'éviter avant que la porte ne se referme de nouveau. La personne qui venait d'entrer s'était écroulée au sol presque aussitôt. Je n'aurai pas pu passer, leur timing était parfait.

Kuro n'avait pas eu le temps de bouger non plus. Il avait également été surpris par ce garçon qui avait presque enfoncé la porte. Il l'enjamba tout de même pour courir sur la poignée et tenter de l'ouvrir une nouvelle fois. Il ne lui fallut pas longtemps avant de comprendre que nous ne pourrions finalement pas sortir maintenant. Il jeta un bref regard vers le garçon au sol, puis abandonna la porte pour revenir se cacher derrière moi.

L'inconnu gisait au sol, juste devant moi. Il essayait bien d'articuler des mots, mais à cause de sa respiration saccadée, je ne parvenais pas à saisir le moindre mot. L'autre homme fini par s'approcher de lui et le tirer par le bras pour le redresser. Ce n'est qu'à ce moment que je remarquai que ce dernier portait la veste qui m'avait été volée un peu plus tôt.

« J'te pensais plus endurant gamin. »

« Ch- Chiens.... Ils avaient des chiens ! »

Il parlait des chiens de la milice ? Alors lui aussi avait eu affaire à eux ? ...Et il avait pu les semer ? Mais ce garçon portait ma veste alors que c'était moi que ces chiens poursuivaient. Il s'était fait passer pour moi pour détourner leur attention ? C'était l'explication la plus logique, mais pourquoi aurait-il risqué sa vie pour nous aider Kuro et moi ? Qui étaient ces gens ? Je doutais désormais qu'ils fassent réellement partie de la milice. Mais est-ce que je pouvais leur faire confiance pour autant ? Ils venaient peut-être de nous sauver, mais ça ne signifiait pas que nous étions en sécurité.

Après avoir repris ses esprits, le garçon s'assit et releva la tête, laissant tomber sa capuche. Il jeta furtivement un regard vers Kuro avant de reporter son attention sur moi. Il leva péniblement la main pour me saluer, un sourire sur le visage.

« Yo Sakuyama, ça fait longtemps ! »

Hiro.

Le nom du garçon qui se tenait devant moi, je le connaissais déjà. Hiro Otarawa. J'étais moi-même étonné de ne pas avoir oublié son existence et de me souvenir de son nom. Ce n'était pourtant pas quelqu'un d'important. Ça ne l'avait jamais été. 

Hiro était un garçon qui fréquentait la même école que moi à l'époque. Après toutes ces années, j'avais du mal à croire qu'il se tenait réellement devant moi. Comment était-ce seulement possible ?

« Tu t'souviens d'moi, Shin ? ...pas vrai, hein ? »

Dans mes souvenirs, Hiro était ce genre de garçon populaire, hyperactif et drôle. Celui que tout le monde apprécie... Personnellement, je l'avais toujours trouvé un peu trop extravagant. La seule chose qui semblait lui importer à l'époque était de s'amuser. Il n'était pas méchant, loin de là, mais il avait toujours la fâcheuse tendance d'embarquer les autres dans des aventures assez désastreuses.

Je me souviens aussi qu'il répétait à qui voulait bien l'entendre, qu'il faisait exprès d'avoir de mauvais résultats, qu'il s'en moquait puisqu'il était de toute façon destiné à reprendre le restaurant familial après le lycée. Nous n'avions jamais été amis, mais voir un ancien camarade de classe, là, face à moi, était en quelque sorte... rassurant.

« Oh ! J'peux en avoir un ? »

Voyant que je ne lui répondais pas, Hiro avait vite porté son attention sur Kuro. Il s'était approché de lui et tendait à présent la main vers le garçon. Je me retournai vers Kuro qui grignotait effectivement un biscuit. Il serrait contre lui une boîte de gâteaux, sûrement trouvée dans l'un des cartons qui jonchaient le sol. Il essaya d'abord de la cacher puis se mit à grogner pour protéger son repas.

« Hey ! C'est méchant, j'viens d'te sauver la vie ! Allez, sois sympa... ! Juste un ! ... Un demi ? »

Le garçon le fixa un moment, puis face aux supplications de l'autre, il soupira et finit par lui tendre la petite moitié du biscuit qu'il était déjà en train de manger.

« Oh, qu'il est gentil ! Merci beaucoup ! »

Je ne pus m'empêcher de soupirer face à son enthousiasme exagéré. Il n'avait pas changé. Il ébouriffa les cheveux de Kuro, qui grogna instantanément, puis il se redressa.

Après avoir obtenu ce qu'il voulait, Hiro se tourna vers l'homme qui était resté silencieux jusqu'à maintenant. Tout deux échangèrent un bref regard puis Hiro hocha la tête avant de retourner vers moi. L'air plus sérieux.

« On va s'occuper de la suite, Shin. C'est plus sûr pour vous de rester là pour le moment, alors fais-nous confiance et profites-en pour te reposer. Tu fais peur à voir. »

Il m'adressa un clin d'œil complice avant de sortir en suivant l'homme. Avant que je n'aie pu donner mon avis, ils étaient déjà sortis en refermant bien entendu la porte derrière eux.

Je rebaissais la tête vers Kuro. Nous nous retrouvions seuls, de nouveau. Je ne savais pas vraiment quoi penser de ce qu'il venait de se passer. Je ne savais pas si je pouvais vraiment leur faire confiance. Je n'étais même pas sûr d'en avoir envie.

Mais Hiro avait raison sur un point, je devais reprendre des forces. Je ne pourrais rien faire dans cet état. Je retournais donc m'asseoir contre le mur. Kuro ne tarda pas à me rejoindre pour venir s'adosser contre moi. Après m'avoir fixé un moment, il avait déposé le dernier biscuit de la boîte dans ma main.

Il acceptait de partager son goûter pour m'aider. Je ne pouvais que saluer son geste.

« Merci, Kuro. »