Chapitre 21 : AIDE MOI

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« Aide-moi. »

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Mon oncle était la seule famille qu'il me restait. C'était un homme que j'admirais et que je respectais énormément, mais ce jour-là, je voulais juste qu'il me laisse. Ce jour-là, il ne pouvait ni m'aider, ni me comprendre alors je voulais juste m'enfuir.

Progressivement, j'étais parvenu à reculer jusqu'à la porte du salon avec Kuro. Le démon se cramponnait toujours à moi. Il ne disait rien, il ne pleurait pas, mais je pouvais le sentir trembler. Bien sûr, je ne pouvais pas simplement m'enfuir en courant avec lui, mon oncle me rattraperait aisément. Je devais trouver un moyen. Je devais le convaincre de me laisser partir sans me dénoncer. En attendant de savoir comment faire, je devais m'assurer que Kuro soit en sécurité.

" Kuro, va t'enfermer dans la chambre. Ne sors pas tant que j'te l'ai pas dit. "

Le garçon leva les yeux vers moi. Il hésitait et je sais qu'il ne voulait pas me laisser seul, mais il n'avait pas le choix. Comprenant que j'étais sérieux, il accepta de me lâcher et je l'entendis courir à travers le couloir. Le bruit de la porte de la chambre retenti dans toute la maison, je me retrouvais désormais seul face mon oncle.


" Kuro ? " Le visage de l'homme face à moi s'était assombri. " Oh, Shinto... Tu viens de l'appeler Kuro... "

Il s'était avancé pour poser ses mains sur mes épaules. Je n'avais pas reculé, j'avais seulement relevé les yeux vers lui. Un mélange de colère et de pitié, je n'aimais pas le regard qu'il posait sur moi.

" Shinto, ce garçon ... Tu trouves peut-être qu'il lui ressemble, mais il n'est pas ton frère... Je ne sais pas ce que ce démon t'a promis, mais ça ne ramènera pas ta famille. Je sais que ton frère te manque. Je sais que c'est toujours difficile pour toi. Ça l'est pour tout le monde, Shinto, crois-moi. Mais pense à Kuro, pense à ton frère ... "

J'étais déterminé à ne pas céder, mais face à lui, c'était difficile. Il savait que ma famille était mon point faible et j'étais convaincu que c'était pour ça qu'il parlait d'eux. Il avait raison. Sans que je ne puisse le contrôler, la culpabilité m'avait envahi de nouveau. Mon corps était devenu lourd, m'empêchant même de bouger. C'était le cas à chaque fois que je pensais encore à ma famille.

" Que ressentirait Kuro en apprenant que tu le remplaces par un démon ?  "


Incapable de réagir, j'étais à peine parvenu à articuler « ne parle pas de lui. ». Mais il ne semblait pas l'avoir entendu. Voyant que je ne réagissais pas, mon oncle me secoua en répétant un peu plus fort. Il voulait me faire prendre conscience de mes erreurs, sûrement. Il pensait que je ne savais pas ce que je faisais. Il pensait que je n'avais pas suffisamment réfléchi...

" Tu le remplaces par un monstre, Shinto ! UN MONSTRE ! "

" FERME-LA !

Sans l'avoir réellement contrôlé, mon corps s'était remis à bouger. Je l'avais repoussé de toutes mes forces en hurlant. 

" NE PARLE PAS DE MON FRÈRE ! "


Il avait tenté de s'agripper à un meuble, mais avait perdu l'équilibre et sa tête heurtée la table basse. Il se retrouva sur le dos, au sol, devant moi. C'était de sa faute. Il n'avait pas le droit de parler de mon frère. Il n'avait pas le droit de traiter 1203 de monstre.

" Ne dis pas que c'est difficile pour toi. Ne dis pas que tu sais ce que je ressens ! Personne ne le sait ! Comment peux-tu penser que j'essaye de remplacer mon frère !? Kuro restera toujours Kuro... Il est mort, il ne reviendra jamais. Je sais. Mais c'est juste que ... ce démon, il ne mérite pas... Il ne mérite pas ça. "


Alors que je savais qu'il ne m'aiderait pas, j'avais commencé à lui parler. Je ne voulais même plus qu'il m'aide. Je voulais seulement qu'il m'écoute, comme il l'avait toujours fait. ... Alors j'avais parlé.

" Tu n'as aucune idée de comment je me sens... J'ai torturé des enfants, j'ai fait des choses horribles. Certains sont ... morts à cause de moi. Tout ça pourquoi ? ... Pour la science ? Pour le pays ? Non... J-Je suis désolé, je n'y arrive plus. Je peux plus. Je ne peux plus faire semblant. Je sais que tu ne me croiras pas, mais je ne suis pas fou. "

" Ma famille n'a rien à voir avec tout ça. Je n'essaye pas de les remplacer, je n'essaye pas de prouver quelque chose .... Le monde est juste devenu fou et... je ne peux plus rester sans rien faire. Je dois juste les aider. Peu importe ce qu'il m'arrivera, peu importe si je suis en danger. Peu importe si je suis seul. J'ai pris ma décision... Alors laisse-moi partir, s'il te plait. "

J'avais reposé mes yeux sur lui, craignant sa réaction. J'observai son visage afin de voir ce qu'il pensait de moi après tout ça, mais il resta immobile. Pas un seul mouvement de cils. J'attendais une réponse, mais la pièce resta plongée dans le silence. Seul le son de ma respiration que je ne parvenais pas à calmer me parvenait aux oreilles. Mon oncle ne se relevait pas.


Ce n'est qu'après coup que je remarquai la tâche rougeâtre qui s'élargissait lentement au pied de la table basse. Prit d'un mauvais pressentiment, je me rapprochai prudemment de lui. Ce n'est rien, pas vrai ? Il essaye de me faire peur, c'est tout ? Cette tâche était déjà là, ce n'est pas réellement du sang, ça ne se peut pas. Il vient seulement de tomber, ça ne peut pas être grave.

" Eh... j-je suis désolé. Je ne voulais pas... "

Mais la tâche continuait de grandir, et c'était bien du sang. Mon réflexe avait été de presser mes mains sur la blessure pour arrêter l'hémorragie. Mais c'était inutile, le sang coulait toujours et recouvrait mes mains. C'était de ma faute. ...Je l'avais poussé. 

Je secouai brièvement la tête, chassant cette culpabilité qui ne ferait que me ralentir. Si je voulais l'aider, je devais rester calme et garder les lamentations pour plus tard.

" D'accord, très bien. C'est rien, t'inquiètes pas, ça va aller. Je vais... Je... Je... "

Je vais appeler les secours ?


Non. Bien sûr que non. Je ne pouvais appeler personne. Si j'appelai, je serais arrêté. Si j'appelai, je perdrais Kuro.

Alors c'était ça ? .... Pour continuer, je devais accepter d'abandonner la seule famille qu'il me restait ?

C'était un choix si cruel qu'il m'arracha un sourire. Je retirai lentement mes mains de la plaie, elles étaient recouvertes de sang. Ils avaient raison finalement, j'étais bien un meurtrier.


C'était la dernière pensée censée que j'avais eue. Après ça, mon corps avait agi de lui-même. J'avais essuyé mes mains sur le sol puis je m'étais relevé. J'avais marché jusqu'à la chambre. Kuro était recroquevillé dans un coin, serrant ses genoux contre sa poitrine. Sans un mot, il avait relevé les yeux vers moi.

J'avais simplement eu à tendre la main vers lui pour qu'il se lève précipitamment pour me rejoindre. Je l'avais pris dans mes bras et j'avais marché jusqu'à la sortie.

Mes pas s'étaient arrêtés devant la porte. Mes mains avaient saisi mon téléphone, composé le numéro des secours, puis l'avaient jeté au sol. Après ça, j'avais quitté la maison avec le démon, marchant en direction de la forêt.

Cet appel était une erreur. Bien sûr. Mais je ne pouvais pas me résigner à abandonner cet homme. Puisque l'appel venait de mon numéro, les autorités le localiseraient rapidement. Ils seront là très bientôt.


Sauvez-le.

N°1203Où les histoires vivent. Découvrez maintenant