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Une forteresse de chaises.

C'est l'idée que m'a soufflé Vendelin il y a quelques minutes et que j'ai moi-même proposé par la suite à mes camarades de colle. Les deux garçons ont tout de suite trouvé l'idée absolument géniale et voulait le faire. La fille au hijab n'a rien répondu, mais j'ai pu deviner par son regard qu'elle était probablement trop gênée pour contester contre l'idée.

Donc les deux garçons et moi nous sommes mis au travail, suivis de près par Vendelin qui semblait mourir d'envie de nous rejoindre dans notre connerie.

Ils ont commencé par déplacer le bureau de la prof et le caler contre la porte fermée, se fichant bien des affaires qu'elle avait posé dessus un peu plus tôt. En fait, rien que ce bureau aurait pu suffire à bloquer la porte tellement qu'il a l'air lourd !

Après, on a pris plusieurs longues tables de la classe pour les coller contre le bureau. Puis... on s'est bien amusés avec les chaises. On a sûrement pris les trois quarts de la salle pour les empiler les unes sur les autres, sur les tables et le bureau.

Et sérieusement, c'est beau ce qu'on a fait ! C'est un peu comme un château de cartes, le genre de trucs qu'on fait quand on s'ennuie ( et qu'on a un paquet de cartes près de soi ).

Ça fait œuvre moderne, exposée dans un musée, et que tout le monde admire et veut acheter à des millions d'euros, en disant "Oh, c'est si profond et si beau, le créateur est un pur génie !" ; alors que bon, c'est juste une forteresse de chaises quoi.

Si je devenais artiste d'œuvres modernes de chaises dans un musée :

Déjà, je porterai un béret rouge, parce que j'ai toujours trouvé que ce chapeau était fait pour les artistes. Cliché, je sais, mais en vrai je trouve ça classe. Ensuite, sur la pancarte correspondant à mon œuvre, je marquerai : "Œuvre inspirée par Vendelin, démon qui reste toujours à mes côtés, mais que personne ne peut voir ou entendre à part moi. Merci à toi Vendelin, d'avoir rendu mon heure de colle de début décembre de mon année de seconde moins ennuyeuse que prévu.". Puis les gens penseront que je serais une artiste qui se drogue pour trouver de l'inspiration, ce qui expliquerait au passage mon choix de carrière d'artiste de chaises, et je me ferai sûrement arrêter par la police, qui voudra trouver où je la cache illégalement.

Conclusion : Ne pas devenir artiste d'œuvres modernes de chaises dans un musée. Trop risqué.

12H50 :

Je me tiens debout à côté de Vendelin, qui affiche un grand sourire enjoué depuis qu'on a commencé notre bêtise, contemplant notre œuvre à présent achevée. Simon est lui aussi debout, près du tableau de la salle, faisant comme moi. Le garçon dont je ne connais pas le nom est assis sur une des tables du deuxième rang, pendant que l'autre fille est assise sur une des chaises restantes, et se remaquille.

Je la regarde en train de se mettre de l'eyeliner sans difficulté. Personnellement, je n'en met jamais. Je trouve que ça ne me va pas et j'ai du mal à m'en mettre seule.

Niveau maquillage, j'avoue que je ne m'y connais pas tant que ça finalement. Je me maquille assez rarement ; je met parfois un peu de mascara, ou du fond de teint, mais seulement quand j'en ai vraiment besoin ( comme quand j'ai un cocard à l'œil par exemple... ). Sinon non, c'est pas mon truc.

12H52 :

La prof : LAISSEZ-MOI RENTRER OU JE VOUS EXPULSE TOUS DE CETTE ÉCOLE !!

La prof d'espagnol est revenue et tente depuis une minute ou deux de forcer la porte en beuglant.

Simon se lâche dans un fou rire avec le garçon inconnu, qui rassure en même temps l'autre fille en lui disant qu'en tant que simple professeure, elle n'a pas le pouvoir de faire ça. À mes côtés, Vendelin se plie de rire, come si il était lui aussi un ado qui aurait participé à cette connerie. Je rigole avec eux, mais je me retiens un peu.

Journal d'une démonisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant