Chapitre 24

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EDEN

Tout ça, c'est ta faute.

Toi,

toi,

et toi seul.

Et bientôt, tu tomberas.

Et tu sais pourquoi ?

Parce que les violeurs tombent toujours.

Essoufflé, je me redresse brutalement en ouvrant les yeux. Je cligne des paupières pendant quelques instants, le cœur battant.

Autour de moi, il n'y a que ma chambre et son mobilier blanc. Aucune trace de Lilia, ni de Gabin ou de mon père, qui étaient en train de me hurler dessus à l'unisson dans ma tête.

Ce n'était qu'un cauchemar.

Je pousse un soupir en tâtonnant dans l'obscurité à la recherche de mon portable. Le halo de lumière qui s'en dégage quand je le trouve enfin me force à refermer les yeux, aveuglé. Quand je les rouvre, je constate qu'il est à peine quatre heures du matin et donc que je n'ai dormi que quelques heures. Pas possible.

Épuisé, j'écrase un bâillement et me rallonge pour écouter le bruit de la pluie qui bat contre le carreau. Dans moins de cinq heures, je serai dans le bureau de Maître Roussel pour l'un de nos derniers rendez-vous avant le procès et ensuite, j'irai probablement errer au hasard dans les rues pour éviter de penser à ce qui pourrait m'arriver si nous ne gagnons pas.

Ces temps-ci, je dors extrêmement mal. Mes vieux démons surgissent dès que je ferme les yeux et je mets toujours plusieurs heures à réussir à m'endormir. Et en général, mon sommeil ne dure jamais bien longtemps.

Soudain, je me demande ce que peut bien faire ma famille en ce moment. J'imagine très bien ma mère en train de faire les cent pas dans la cuisine, incapable de dormir en pensant à ce qui pourrait me tomber dessus dans quelques semaines. Dans la chambre, mon père dort à poings fermés et est même en train de ronfler, tellement fort d'ailleurs que ma mère ne pourrait pas dormir même si elle le voulait. Quant à Jeremy, je suis persuadé qu'il doit être confortablement calé derrière son bureau à terminer je-ne-sais-quel dossier urgent pour le boulot, le visage faiblement éclairé par le faible halo de lumière bleue de l'ordinateur. Quand on était petits, ça lui arrivait de passer des nuits entières à réviser ses cours pour le lendemain alors qu'il les connaissait déjà par cœur. Je crois qu'il avait une peur maladive d'échouer. Il aurait pourtant dû savoir que ça, c'était mon rôle dans la famille, pas le sien.

Je me retourne dans mon lit et réajuste mon oreiller tandis que mes pensées dévient sur Callisto. Est-elle en train de dormir, à l'heure qui l'est ? Probablement. Avec un sourire, je l'imagine s'endormir avant la fin du film qui passe en première partie de soirée, un filet de bave sur le menton.

Je récupère mon téléphone en me mordillant les lèvres. Bien au chaud sous ma couette, je clique sur le contact de Callisto et fixe sa photo de profil un instant, les doigts suspendus au-dessus du clavier.

Je l'ai prise la semaine dernière, quand nous sortions du restaurant et qu'elle s'est mise à marcher sur le muret à l'entrée du parc. J'ai profité de sa concentration pour la prendre en catimini et sur la photo, elle est d'ailleurs tellement concentrée à ne pas tomber qu'elle tire légèrement la langue et garde les yeux rivés sur ses pieds.

Je me promets alors que sur la prochaine photo que je prendrais d'elle, elle sourira de toutes ses dents.

Je me tourne une nouvelle fois dans mon lit et éteins mon téléphone, bien décidé à me rendormir. Seulement au bout d'un bon quart d'heure, ça devient évident : Callisto hante toutes mes pensées et je ne vais jamais réussir à retrouver le sommeil.

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