Chapitre 34

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EDEN

Ça y'est, je l'ai dit.

Je n'ai suivi aucun mot du foutu texte que j'avais préparé sur le trajet pour lui annoncer correctement la nouvelle, mais je l'ai fait.

Sauf que maintenant que je l'ai dit à haute voix tout me semble plus réel, et je ne pensais pas que ça ferait si mal.

— Quoi ?

La voix de Callisto n'est plus qu'un murmure brisé, murmure qui manque de m'achever sur le coup. Je ne veux pas lui faire ça, je ne veux pas qu'elle souffre. Je veux qu'elle se remette à sourire, qu'elle retourne à cette soirée, qu'elle boive un ou deux verres et qu'elle fasse des blagues idiotes en rougissant comme chaque fois qu'elle boit un peu.

Sauf que le monde ne marche pas comme ça, et que tout est fini.

Plus de sourire, plus de soirée.

Juste son cœur brisé, et moi.

— J'ai dit « quoi ? », Eden ! rugit-elle.

Soudain, je suis sans voix. Aucun mot ne semble être le bon et chaque fois que j'ouvre la bouche, je la referme aussitôt. Je vois dans ses yeux que tout est en train de brûler, que la peine la consume de l'intérieur et qu'elle est sur le point d'exploser.

— Il est... tenté-je.

Je m'arrête avant la fin. C'est trop dur à répéter.

Callisto est tellement sous le choc qu'elle se laisse tomber sur la première marche de l'escalier, haletante.

— Je ne comprends pas, lâche-t-elle, la tête entre les mains. Comment c'est possible ? Il est jeune, en bonne santé et...

Elle s'interrompt d'elle-même, une tempête faisant rage dans ses yeux. Je sais déjà ce qu'elle va me demander.

— Il a fait une crise d'épilepsie ? demande-t-elle alors.

Je la fixe et en silence, j'hoche la tête.

C'est l'élément déclencheur pour Callisto. Elle se met debout et, enragée, me pousse en arrière. Elle est véritablement incontrôlable et ça me surprend tellement que je la laisse faire, sous le choc. Elle a les yeux pleins de larmes quand elle tape des poings sur mon torse, pas assez fort pour me faire mal mais avec vigueur tout de même. Le regard brillant, j'intercepte ses poignets et penche la tête, la gorge nouée.

Ses yeux ne sont plus que deux puits vides, sans âme. Je devine sans peine qu'elle s'en veut terriblement, qu'elle se sent mal et qu'elle regrette de ne pas lui avoir dit tout ce qu'elle aurait voulu lui dire.

— Ce n'est qu'un enfant ! s'écrit-t-elle.

Elle se débat toujours, mes doigts fermement enserrés autour de ses poignets. Je ne l'ai jamais vue dans un tel état.

— Ce n'est qu'un enfant, répète-t-elle d'une voix qui se brise un peu plus à chaque mot.

Puis, lentement, elle arrête de se débattre et laisse la peine l'envahir pour de bon. Elle plaque son front contre mon torse et se met à sangloter, longtemps et douloureusement.

Et c'est terrible, mais quand j'enserre mes bras autour d'elle pour la réconforter, je comprends que rien ne sera plus jamais comme avant.

Callisto est inconsolable.

Après avoir craqué dans mes bras, elle n'a plus prononcé un seul mot. Elle s'est murée dans un silence sans fin, qui s'est étiré jusqu'à l'hôpital. Elle ne m'a pas posé une seule question à propos des circonstances du décès, je crois qu'elle n'a pas envie de m'entendre dire ce genre de choses. Je la laisse prendre son temps.

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