Chapitre 14

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EDEN

Un an et demi plus tôt.

— Alors ? Tu peux rester ?

Je prends mon air déçu le plus convainquant mais honnêtement, c'est une torture de le garder plus de deux secondes devant l'air plein d'espoir de Lilia. Agenouillée sur le bord du lit, elle me regarde approcher et semble attendre ma réponse avec impatience.

Puis, je souris lentement histoire de faire durer un peu le plaisir et répond :

— Bien sûr, que je peux rester !

Lilia me frappe alors le torse pendant que j'éclate de rire, un éclat de peur dans les yeux.

— T'es con, j'ai cru que t'allais déjà devoir rentrer chez toi, râle-t-elle en se détournant avec un air boudeur.

Tout sourire, j'emploie ma technique ultime pour l'empêcher de faire la gueule : la chatouiller. Très vite, elle décroise les bras et se met à rire avec moi.

J'adore ces moments-là, quand le monde entier arrête de tourner pendant quelques heures pour ne laisser vivre que nous deux. Au bout d'un an de relation, l'étincelle entre Lilia et moi n'a pas disparu ; bien au contraire. J'ai l'impression de penser à elle constamment, comme un drogué qui attend sa dose. Et quand elle est près de moi, je n'en ai jamais assez.

Je crois que c'est l'effet que fait l'amour sur les gens : on devient dépendant. Et même si j'ai toujours cru que je détesterai ça, je me prends à adorer cette douce et lente agonie qui me tue un peu plus chaque fois que sa peau effleure la mienne.

— Tu leur a dit que tu étais avec Sacha ? demande-t-elle en s'asseyant en tailleur, ses longs cheveux blonds encadrant son visage diaphane.

On dirait un ange. Mon ange.

— Non. Avec toi.

Ses traits se déforment soudain, comme si je venais de lui annoncer que j'avais tué quelqu'un dans la nuit. Elle est à moitié sous le choc, à moitié en colère.

Ses yeux me lancent des éclairs quand elle demande d'une voix tremblante :

— C'est une blague ?

Ses mots me piquent comme un million d'aiguilles. Mais après tout, je m'y attendais. C'est comme ça depuis le début, avec elle.

— Oui, c'est une blague.

— Attends ; tu me testes, là ?

Je vois dans son regard qu'elle est vexée, mais surtout énervée que j'ai osé faire semblant de ne pas me plier une fois de plus à ses exigences.

J'ai très vite compris que Lilia était une maniaque du contrôle. Dans sa vie, il y avait très peu de place à la folie et tout était parfaitement maîtrisé. Que ce soit ses études dans lesquelles elle excellait, ses relations avec sa famille ou l'image qu'elle renvoie au monde extérieur : tout devait toujours être parfait. J'ai souvent eu peur de ne pas pouvoir m'entendre très longtemps avec une personne aussi contrôlée et contrôlante, mais j'ai vite compris que je pouvais faire tous les efforts du monde pour Lilia.

Même si ça signifiait me taire très souvent lors de nos désaccords pour ne pas graver de fausse note sur la partition parfaite qu'elle joue d'une main experte depuis le début de sa vie.

— Carrément, répliqué-je. Je voulais voir ta réaction à l'idée qu'une seule putain de personne sur cette planète puisse savoir pour nous deux, tiens !

Elle a un léger mouvement de recul et elle semble me tirer dessus rien qu'en me regardant. Je suis persuadé que s'il se cachait de réels fusils dans ses yeux, je ne serais déjà plus de ce monde.

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