Chapitre 35

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CALLISTO

Je n'avais jamais perdu un proche et tout ce que je peux vous dire, c'est que ça fait un mal de chien.

Heureusement, plus le temps passe et moins ça fait mal. Je n'y croyais pas au début mais chaque jour, j'apprends à vivre sans Bassem. J'essaie de ne pas penser à tout ce que j'aurais pu dire ou faire avec lui et me concentre sur nos souvenirs, sur son incroyable sourire.

Et puis, je ne suis pas à plaindre : sa mère, elle, l'est. Elle est dévastée et pourtant, elle semble tenir le coup mieux que moi. Parfois, je me sens vraiment illégitime et coupable d'avoir aussi mal d'avoir perdu Bassem ; je n'étais même pas un membre de sa famille.

Puis je me rappelle que pour lui je l'étais, et c'est tout ce qui compte.

— Ça va ?

La voix d'Eden me remet les pieds sur terre, douce comme une plume. Il emploie ce ton sans arrêt avec moi en ce moment, comme si j'étais sur le point de me briser à tout instant. C'est con, mais ça me fait du bien qu'il fasse attention à moi. Je n'arrive pas à croire que c'est notre dernière soirée ensemble et que demain, il s'envolera direction Singapour.

Je n'ai plus la force de lui en vouloir pour ce voyage et de toute façon, j'ai compris qu'il en avait vraiment besoin. Je sais maintenant qu'au fond de lui, il avait toujours voulu voir le monde et que c'était une occasion à ne pas manquer. Je ne veux pas qu'il regrette toute sa vie de ne pas y être allé à cause de moi et puis, au final, je veux juste qu'il soit heureux.

Et s'il est heureux là-bas, alors qu'il y aille.

— Oui, réponds-je.

Sa main se pose sur la mienne par-dessus la table et il m'adresse un petit sourire. Les choses sont étranges entre nous depuis ce matin mais nous faisons comme si de rien était, et ça me va plutôt bien pour l'instant. Je ne veux pas parler de son départ imminent, ni du fait que je serais seule pour affronter la réalité. Je veux juste faire l'autruche pendant encore quelques heures.

Après ça, nous décidons de quitter le restaurant. En bon gentleman, Eden refuse que je paie ma part et entrelace ses doigts aux miens pour m'entraîner dehors. Il fait encore jour dehors bien qu'il soit déjà tard, sûrement parce que nous sommes début juillet. Il fait d'ailleurs une température étonnamment élevée et je n'ai pas froid du tout, même en petite robe d'été.

— Je t'ai déjà dit que tu étais magnifique ? me glisse-t-il.

Je rougis légèrement.

— Au moins mille fois.

Il me sourit, dévoilant une rangée de dents blanches affolement brillantes et alignées. Il m'énerve, à être aussi beau du matin au soir.

— Hé bien, ça fera mille-et-une.

Au moment où je m'apprête à répliquer, son regard s'illumine et il pointe quelque chose du menton derrière moi en disant :

— Tu montes ?

Il me faut une bonne minute pour comprendre qu'il parle du muret, quasiment le même que lors de notre rendez-vous au restaurant italien. Amusée, je me hisse dessus avec l'aide d'Eden et il me serre fermement la main tandis que je joue les équilibristes sur le rebord en pierre.

Une brise agréable vient faire voleter mes cheveux et, les yeux fermés, je fais une petite pause pour profiter du moment. Il fait chaud, j'ai bien mangé et Eden est à mes côtés, doux et aimant. 

Si seulement ça pouvait durer pour toujours.

Quand je redescends sur les pavés, je dois avoir l'air un peu nostalgique puisque Eden prend mon visage en coupe entre ses mains et me chuchote :

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