Chapitre 20

381 55 19
                                    

EDEN

— T'es sûr que ça va ?

Je m'efforce d'esquisser un sourire pour rassurer Sacha, qui ne me quitte pas des yeux avec son air inquiet que je déteste.

— Ça va, Sach', je ne suis pas en sucre, lâché-je, las.

— Ouais, hé ben je trouve que tu vas un peu trop bien pour un mec qui vient de vivre un week-end aussi pénible.

À la mention de notre escapade en Normandie, je me redresse sur un coude et pense automatiquement à Callisto. Si d'habitude j'aurais probablement flippé que son prénom me vienne directement en tête, aujourd'hui j'en suis plus qu'heureux. Je préfère avoir sa peau métisse et ses cheveux bouclés dans la tête plutôt que Gabin qui tente de me coller son poing dans ma figure.

— C'était il y a deux semaines et oui, je vais très bien. En fait, pour une fois, j'ai l'impression que tout roule.

Ça ne semble pas suffire à Sacha, qui garde son air pincé en arrachant des petites touffes d'herbe, les paupières closes à cause du soleil qui tape sur nos visages. Malgré le froid de canard qui nous assomme depuis plusieurs jours, il a fermement insisté pour qu'on vienne « bronzer » dans le parc près de chez lui au lieu de rester enfermés dans mon appartement à jouer à la Playstation. Il n'a pas mis longtemps à me convaincre puisqu'il a rapidement brandi un paquet de caramels, ce traître.

Et s'il faut bien savoir une chose sur moi, c'est que je ne dis jamais non aux caramels.

— T'as « l'impression » que tout roule ? répète Sacha. Eden, putain... Ton père témoignera contre toi au procès, ton avocat coûte une putain de blinde, tu n'as aucune nouvelle de tes potes du basket, Gabin s'est incrusté en Normandie et a failli te foutre une raclée et...

— Je l'aurais démonté, répliqué-je avec fierté.

Sacha ricane.

— Bien sûr, bien sûr.

Un léger silence s'installe tandis que je me rallonge sur le dos avec un soupir. J'adore Sacha, mais on dirait qu'il ne peut pas s'empêcher de jouer les grands frères avec moi. Mais ce qu'il ne comprend pas c'est que je n'ai pas eu l'habitude qu'on me protège et que maintenant, j'ai beaucoup de mal avec les instincts protecteurs qu'on peut avoir envers moi.

— Tout ce que je veux te dire c'est que si tu ne vas pas bien, tu peux me le dire.

— Ça allait très bien avant que tu m'envoies en pleine gueule tous les évènements de ma misérable existence que j'apprécie moyen, répliqué-je pour lui clouer le bec.

Cela semble fonctionner puisqu'il rigole dans sa barbe en roulant sur le côté.

— Hé, tu sais quoi ?

— Quoi ?

— Je sais ce qu'il te faut pour aller mieux.

Je pousse un long soupir en me redressant sur les avant-bras, les yeux plissés. Je ne pensais pas qu'il ferait aussi beau et pour être honnête, je regrette presque de ne pas avoir pris mes lunettes de soleil.

— Je vais très bien, rétorqué-je un peu plus sèchement que ne l'aurais voulu.

Heureusement, mon pote ne s'en formalise pas et claque des doigts en disant d'une voix excitée :

— Ce qu'il te faut, c'est un putain de projet. Tu vis constamment dans la peur de perdre ton procès et de finir en tôle et du coup, tu n'as jamais pris le temps de penser à l'après alors que pourtant, tu devrais.

ForelsketOù les histoires vivent. Découvrez maintenant