CALLISTO
Aujourd'hui
Si la semaine dernière avait filé à une vitesse incroyable, cette semaine a été une véritable torture.
Je n'ai pas arrêté de penser au rendez-vous donné – que dis-je, imposé – par Eden ce vendredi. Ça me tournait dans la tête sans arrêt, comme la musique de la pub de serviettes hygiéniques qui a un slogan du genre « le sang, c'est dégoûtant ; le sang, ça disparaît avec les protections Foufounan !».
Pas très vendeur, vachement sexiste et anti-naturel, avec ça. Je déteste.
Tout ça pour dire que j'y ai beaucoup pensé, bien que j'aurais dû avoir autre chose en tête – en commençant par mes partiels. J'ai travaillé comme une tarée chaque soir, et je crois que cette coupure nocturne va me faire du bien. Du moins, je l'espère.
Nerveuse, j'essaie par tous les moyens de me concentrer sur la télévision mais rien n'y fait : je pense trop, comme souvent.
N'en pouvant plus, je quitte le salon et retourne dans ma chambre. Assise sur le bord du lit, j'aperçois mon reflet dans le miroir. Même si j'ai accepté – et je ne comprends toujours pas très bien pourquoi –, une partie de moi qui a encore énormément de doutes quant à la dangerosité d'Eden a décidé de ne pas jouer avec le feu. J'ai donc mis mon pull jaune fluo, celui qui se voit dans le noir. Ajouté au fait que j'ai le don de savoir crier avec une puissance infâme – c'est sûrement l'une des raisons pour lesquelles je ne me suis jamais disputée avec Cam –, je pense que je ne passerai pas inaperçue. Je ne lui conseille pas d'essayer de me kidnapper, du coup.
Lasse, je jette un coup d'oeil à ma montre et jubile en me rendant compte qu'il est presque vingt-et-une heures. Cette fois, je peux y aller.
— Tu vas où ? demande Cam quand j'enfile mes chaussures dans l'entrée.
Je me retourne vers elle tout en bataillant avec la fermeture éclair de ma bottine et l'aperçoit à l'entrée dans sa chambre dans un ensemble de pyjama en flanelle.
— Réviser à la bibliothèque. Tu sais, celle qui est ouverte la nuit.
C'est sorti tout seul, et je me déteste à la seconde pour ce que je viens de faire.
Jusque-là, je n'avais jamais menti à Cam. Jamais. C'est vrai, pourquoi aurais-je eu besoin de lui mentir ? Elle est une véritable partie de moi, la seule qui me connaisse par cœur et avec qui je n'ai même pas besoin de parler pour se comprendre. Alors pourquoi lui mentir, là, maintenant ?
Quand elle hoche la tête d'un air serein, la réponse me tombe dessus comme une tonne de briques.
Parce ce qu'elle n'approuverait pas.
— Tu pourrais réviser ici, propose-t-elle. Je ne ferais pas de bruit, promis ! Et j'ai viré Clem tout à l'heure.
— Pourquoi ?
Je me retourne après avoir posé ma question, les joues rouges de culpabilité. On dirait que je fais quelque chose de grave, et je me déteste pour ça. C'est vrai ; d'après Eden, nous allons juste chercher des solutions pour le Noël de l'association. Alors pourquoi est-ce que je n'arrive pas à le lui dire, merde ?!
— Je croyais que tu en avais marre de le voir traîner ici, rétorque-t-elle simplement.
— Et moi je croyais que c'était toi, qui en avait marre.
Elle a un petit rire adorable qui me serre davantage le cœur. Je sais que d'un point de vue extérieur cela paraît vraiment inutile de se faire du mauvais sang à cause d'un truc aussi bête, mais je vous assure que ça me rend malade de lui cacher ma sortie – et avec qui je sors, surtout. J'ai presque l'impression de me mentir à moi-même.
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Forelsket
Romance[Roman préselectionné aux Wattys 2021 & Wattys 2022] En grec ancien, Callisto signifie "beauté". Eden, lui, aurait plutôt choisi "maladroite" ou "gaffeuse" en ce qui concerne sa nouvelle collègue. En effet, cette fille est une vraie catastrophe : le...