Impel Down

Chapitre 1 - Impel Down

La chaleur était insupportable. Sanji tirait sur son uniforme de chef d'Impel Down d'un doigt fin, en évitant habilement d'être repéré par les escargophones de surveillance. Il attendit que l'escargot détourne le regard avant de foncer, traînant un énorme sac sur son épaule. L'éternel soleil tapait sur son chapeau, tandis que quelques gouttes de sueur coulaient le long de sa nuque. Ce n'était pourtant pas aussi horrible que le niveau 4, l'Enfer des Flammes. C'est là ou il passait le plus clair de son temps. Le bureau du Directeur Magellan ainsi que la cuisine étaient ici.

En tant que membre des chefs d'Impel Down, il était de son devoir de nourrir l'intégralité des gardes et tous les prisonniers. Enfin, tous les prisonniers sauf ceux enfermés au Niveau 3, l'Enfer de la Faim.

C'était immoral. Dégoûtant. Sanji ne connaissait rien de pire que la famine et tout un étage de la prison était destiné à laisser des centaines d'hommes et de femmes mourir de faim. Peut-être étaient-ils de terribles criminels; mais à ses yeux, personne ne méritait un tel supplice.

Son pied s'enfonça dans le sable du désert. Bien sur, ce n'était pas du sable. Pire encore, ce n'était pas un désert.

Le blond regardait les os d'un prisonnier mort depuis longtemps partir en poussière, rejoignant des milliers d'autres anciens détenus dans le sable. Sanji sentait quelques os desséchés et un peu de chair poussiéreuse glisser dans ses chaussures, et souffla dans le haut de sa chemise. Des morts tout autour de lui, s'agrippant désespérément à sa peau, comme dans une futile tentative de se venger de leur longue et douloureuse agonie. Le chef grinça des dents. Impel Down était le pire lieu de travail au monde.

Évitant le troisième escargophone sur son chemin, il sauta sur le plafond d'une cellule, observant avec dégoût le vent créer des nuages de poussière faits de restes humains tout autour de lui. Les gémissements des affamés rongeaient sa santé mentale. Les images de son enfance martelaient son esprit, faisant surgir une violente migraine. Les souvenirs de l'horrible douleur qu'il ressentait en pourrissant sur cette foutue île. Les souvenirs de son estomac criant famine lorsqu'il attendait désespérément qu'on vienne le sauver.

Sanji souleva une brique du plafond de la cellule où il se trouvait. La pierre taillée heurta ses doigts tandis qu'il la posait silencieusement derrière lui. L'espace d'un instant, une terrible pensée lui traversa l'esprit: cette brique pouvait être faite de la même matière que le reste de ce désert. Il l'écarta rapidement; il n'avait pas besoin de faire empirer ses cauchemars avec de telles idées.

Il ouvrit le sac à ses côtés, observant prudemment les alentours avant de laisser tomber quelques restes dans la cellule. Les gémissements désespérés et les cris incrédules des détenus se transformèrent en pleurs lorsqu'ils touchèrent la nourriture, s'entre-tuant pour en récupérer. Les yeux de Sanji s'alourdirent sous le poids de la culpabilité lorsqu'il vit les prisonniers enfoncer les restes dans leurs bouches, avec un peu de sable du sol en-dessous.

Ceux qui étaient trop faibles pour se mouvoir eurent leur part, Sanji faisait de son mieux pour lancer les morceaux les plus consistants-de la viande, des fruits et des légumes- assez près d'eux pour qu'ils puissent les saisir. Enfin, il lâcha quelques bouteilles d'eau dans la cage. Les pleurs devinrent alors des soupirs pleins de gratitude. Même les pires criminels ressentent la douleur de la faim.

Replaçant la brique, Sanji sauta de cage en cage, tel un Robin des Bois de la nourriture. Ce n'était que des restes, après tout: il avait pour mission de les jeter. Techniquement, ce qu'il faisait revenait à les jeter. Avec pour seule différence que ça n'était pas du gaspillage. Il était du devoir d'un chef de nourrir les affamés; malheureusement; il y en avait trop. Déjà, il ne restait plus rien; il aurait besoin de revenir sustenter la seconde moitié de l'étage le lendemain.