Sanji se releva, commençant à descendre de son petit nuage de plaisir en éteignant sa cigarette contre le cendrier sur la table de chevet. Il supposa qu’il était temps de parler de son dilemme à l’épéiste, et il avait l’air intéresse. Sanji sentit les yeux sombres de Zoro se poser sur son visage, faisant chauffer son corps sans même qu’ils ne se touchent.
« Crache le morceau, insista Zoro, s’asseyant en croisant les jambes, s’approchant assez pour que ses pieds frôlent ceux de Zoro. La chaleur était rassurante ; le contact mettait Sanji en confiance. Il rencontra les yeux de l’épéiste ; il devrait simplement tout lui dire. Zoro comprendrait ; bien sur que oui, mais…
N’était-ce pas le problème ? Et si Zoro comprenait, et qu’il cessait d’essayer de le persuader à venir avec lui ? Cette simple pensée brisa le coeur de Sanji de mille façons différentes. Il ne devrait pas vouloir partir ; la culpabilité lui rongeait les entrailles.
–Quand j’étais gosse…, commença Sanji, sentant sa bouche s’assécher alors qu’il révélait à Zoro des choses qu’il n’avait jamais dites à personne, des choses que seuls Zeff et lui-même connaissaient. Je me suis fait prendre dans une tempête et j’ai été sauvé par un vieux ; je me suis réveillé sur une île et on était bloqués là… avec très peu de nourriture… pendant trois mois. La voix de Sanji se fit plus rauque quand il se remémora la chaleur, la famine insupportable, et la soif.
Il avala difficilement, réalisant qu’il tremblait nerveusement. Il avait probablement l’air pathétique. Sanji leva les yeux vers Zoro, s’attendant à croiser des yeux noirs, pleins de pitié, mais ce ne fut pas le cas. Les yeux et la bouche de Zoro étaient fermés, et il avait l’air d’écouter attentivement.
–Continue, encouragea Zoro, les yeux toujours fermés et les épaules détendues. Peu importe la raison, Sanji appréciait le geste. C’était probablement une sorte de code pirate, de fermer les yeux et d’autorier un homme à avoir un instant de faiblesse. Zeff faisait toujours ça ; quand il posait la question enfant, il répondait toujours, « Quand un homme partage ses sentiments, donne lui de l’attention, pas de la pitié. »
–Le vieux est presque mort pour moi, et quand on s’est fait secourir, il m’a gardé avec lui et on a ouvert un restaurant de mer, le Baratie.
Zoro souffla quelque chose, les sourcils légèrement levés.
–J’y suis déjà allé. Des chefs bruyants, pas de serveurs, et un vieil homme avec une moustache tressée.
–C’est le vieux croûton, sourit Sanji joyeusement, sentant la tension quitter son corps quand il reprit son récit. C’était un pirate, et un bon ; il est revenu de Grand Line parce qu’il le voulait ; il n’en a pas été chassé comme tous les autres. Par contre, il ne pouvait plus se battre ; il a fait une croix sur sa jambe pour me sauver.
–Il ressemblait pas trop à un pirate, même avec sa jambe de bois. Il avait une sorte d’immense toque, ajouta Zoro, les yeux toujours fermés, et il fit signe à Sanji de continuer.
–Les hommes qui bossaient au Baratié étaient des connards, mais des bons connards. Sanji s’alluma une autre cigarette avec le bout agonisant de la dernière. J’allais rester avec le vieux jusqu’à sa mort, pour m’assurer qu’il puisse vivre son rêve.
Il y eut un doux silence pendant qu’une question planait dans l’air. Sanji avala ; il ne voulait pas en parler. Peut-être que s’il ne le mentionnait pas, il pourrait se contenter de parler des bons moments de son passé. Il y eut une touche encourageante contre son pied.
Sanji baissa les yeux, voyant la cheville abîmée de Zoro reposer sur la sienne. Il ne savait pas si c’était intentionnel ou non, mais ça le faisait se sentir un peu mieux. C’était dur d’imaginer Zoro aussi prévenant, il conclut donc qu’il s’agissait d’une coïncidence et continua.
–Un jour, un putain de Marine est sorti de nulle part. Sanji serra les dents, se rappelant du poing américain et du costume. Il a commencé à parler de vin et quand je l’ai corrigé, il a glissé un insecte dans la soupe que j’avais mis trois jours à préparer. Sanji souffla un peu de fumée dans l’air, fixant le plafond pendant que son esprit se remémorait la scène comme il l’avait déjà fait maintes fois.
–Il a fini par renverser la table et jeter la soupe, dérangeant sa compagne par la même occasion. Donc je l’ai viré du Bartie. Les lèvres de Zoro s’étirèrent en un sourire silencieux, croisant les bras en écoutant attentivement. Sanji secoua la tête à l’évocation de ce souvenir. Tu y crois toi ? Il a commencé à cirer et à menacer de revenir avec des renforts pour faire fermer le Baratie !
Zoro hocha la tête silencieusement, comme pour confirmer le fait que ce Marine était un idiot.
–Mais il y avait aussi ce type, qui s’était échappé du bateau amarré plus loin. Ll s’appelait Gin ou un truc dans le genre, et il était en train de mourir de faim.
Les sourcils de Zoro se froncèrent, et ses lèvres s’ourlèrent en une moue discrète. Sanji observa l’expression sur le visage de l’épéiste et secoua la tête ; Zoro n’approuverait pas ce qu’il allait dire.
–Il s’est fait expulser, et je l’ai nourri, même si on m’avait ordonné de ne pas le faire. Je ne pouvais pas le laisser mourir. Sanji s’arrêta pour fixer le visage de Zoro. Tu penses que c’était stupide ?, demanda-t-il, se convaincant que le tremblement dans sa voix venait de la fraîcheur de la pièce.
–Non. L’expression de Zoro ne changea pas d’un iota, restant très sérieuse. Tu as fait ce que tu voulais, tu ne devrais pas avoir de regrets. Sanji serra les dents ; il se souvenait de l’ombre qui était tombée sur le Baratie ce jour-là, l’ombre d’un immense bateau pirate, une épave flottant à peine.
–Il est revenu avec ce bâtard de Don Krieg.
Les sourcils de Zoro se froncèrent.
–Celui qui disait être le plus grand pirate d’East Blue ?
–Ouais. Son bateau était détruit et son équipage mourrait de faim… En tant que cuistots, on ne pivuait pas les laisser mourir, donc le vieux a préparé à manger pour une centaine d’hommes. Le venin dans le ton de Sanji laissait penser ce qui c’était passé après, mais l’épéiste attendait, immobile comme une statue. Il disait qu’il voulait le bateau, ce connard a même menacé de tuer le vieux.
Sanji ne prit pas la peine de s’éterniser sur les détails de la bataille, les chefs s’étant défendus honorablement lors d’un combat futile, envoyant la plupart des hommes de Don Krieg dans l’océan. C’était presque perdu d’avance ; il y avait des combattants robustes dans son armée. Et là, cet homme est apparu et a tranché l’immense navire en deux.
L’intérêt de Zoro eut l’air d’être piqué, et pour la première fois depuis un moment, il leva les yeux pour regarder le cuistot. Sanji sourit un peu, inclinant sa tête et frottant l’arrière de sa nuque.
–C’était ce grand corsaire, Mihawk.
Le visage de Zoro était livide l’espace d’un instant ; il y eut un léger tremblement dans sa main. Sanji s’attendait à ce que l’épéiste le bombarde de questions, mais Zoro se calma sans un bruit, hochant la tête une fois avant de fermer les yeux à nouveau.
–Continue.
–Oh… Et bien, il a tranché le bateau comme du papier. Il s’est avéré que c’était lui qui avait fait fuir Don Krieg de Grand Line, parce qu’il s’ennuyait. Sanji regardait les poings serrés de Zoro. Il est incroyable, ce grand corsaire.
Zoro hocha la tête.
–Naturellement ; c’est le meilleur. Continue ton histoire, cuistot.
Sanji remarqua que les doigts de Zoro glissaient instinctivement sur le bas de son immense cicatrice. Il laissa ce détail de côté, faisant tomber des cendres de sa cigarette.
–Il a dit qu’il s’ennuyait et a découpé la plupart des membres de l’équipage de Don Krieg avant de repartir, en parlant de quelque chose au sujet de quelqu’un qui serait capable de tuer son ennui. Sanji observait le visage de Zoro attentivement ; parler de Mihawk rendait Zoro un peu nerveux ; c’était adorable.
–Il avait salement amoché Don Krieg, mais ce bâtard n’était pas complètement mort. Apparemment, il y avait quelqu’un d’indemne dans son équipage, un certain Pearl. Je l’ai repoussé avant que Gin ne menace de tuer le vieux. Je ne pouvais rien faire.
L’expression de Zoro s’assombrit.
Sanji laissa sa dernière phrase s’éterniser dans l’air un moment, essayant de trouver la meilleure façon d’expliquer ce qui était arrivé après. Il décida enfin de ravaler sa fierté et d’être brutalement honnête. Je ne pouvais rien faire sans risquer de faire tuer le vieux, donc je me suis laissé faire, grimaça Sanji, détournant légèrement le regard de honte. Gin ne pouvait pas laisser quelqu’un d’autre me tuer, il voulait m’achever de ses propres mains. Sanji inspira une grosse quantité de fumée, s’autorisant à la laisser passer entre ses lèvres en fermant les yeux.
–Il ne pouvait pas le faire non plus. Sanji serra les dents, cachant son visage de honte. Il a eut pitié de moi.
–N’importe quoi. Zoro grogna de mécontentement, croisant les bras sur son torse avant de souffler. T’as sauvé sa vie, et celles de son équipage. C’est pas de la pitié ; c’est de l’admiration. Il avait une dette envers toi.
–Mais je- Sanji commença à répondre, levant les mains avec appréhension.
Zoro le fit taire d’un regard.
–Je n’ai pas pitié de toi, cuistot.
Le poids de ces mots pesait dans l’air. Sanji détourna le regard pour cacher ses joues légèrement rouges ; comment l’épéiste pouvait dire quelque chose d’aussi simple, mais qui avait autant d’importance ?
–Donc. Qu’est-ce qui s’est passé, insista Zoro, fermant à nouveau les yeux pour écouter attentivement.
–Ah… Don Krieg s’est énervé parce que Gin n’avait pas la force de m’achever. Il nous a envoyé u nuage de gaz empoisonné. Gin m’a donné son masque et s’est évanoui. Sanji termina sa cigarette dans le cendrier, faisant courir un doigt sur la cicatrice de la cheville de Zoro. Il a eut pitié-Je veux dire… il s’est acquitté de sa dette.
Sanji caressait nonchalamment les cicatrices de Zoro, sentant leurs bords contre ses doigts sensibles. Il sentit les yeux de Zoro sur son visage mais ne pouvait pas lever la tête. Il avait passé des jours entiers à essayer de trouver la force de regretter d’avoir sauvé Gin ce jour-là, mais il n’y parvenait pas.
Il s’était secrètement haï pour s’être laissé épargner par Gin deux fois dans le même combat. Mais Zoro lui donnait l’impression que ce n’était pas de la pitié. Il lui donnait l’impression que c’était la solution la plus logique et rationnelle, comme il l’avait fait dans le désert.
Était-il le seul responsable de ses souffrances mentales ?
–Ça doit être agréable d’avoir de la mousse à la place du cerveau, soupira Sanji, un peu envieux, sentant Zoro se tendre sous ses doigts à ces mots.
–C’est toi l’idiot, rétorqua Zoro, incitant Sanji à continuer avec son pied. Tu m’as toujours pas dit pourquoi t’es là.
–J’allais y venir, espèce de brute insensible, grogna Sanji, s’allumant une énième cigarette. Une fois le gaz disparu, il y eut un moment pendant lequel personne ne pouvait bouger. Gin était au sol, tout comme ce Pearl. Don Krieg avança dans le Baratie. Enfin, il rampait ; Mihawk ferait un excellent boucher.
Zoro rit silencieusement, secouant doucement la tête à cette idée.
–J’ai réussi à m’éloigner de Gin et à fracasser Don Krieg contre un mur. Il y eut un boulet de canon qui heurta le Baratie. Le visage de Sanji se crispa un peu. C’était ce connard de Marine ; il était revenu avec des hommes pour essayer de faire fermer le Baratie. Il s’est attribué le mérite pour la capture de Don Krieg.
Zoro grogna.
–Les Marines lui auraient sûrement attribué moins de crédit s’il leur avait dit que c’était l’œuvre de Mihawk.
–Ouais, mais il m’a arrêté aussi, siffla Sanji, irrité. Il a dit que nous avions « aidé » les pirates ou une connerie du genre. Il a menacé de faire fermer le Baratie pour avoir secouru des fugitifs. Je- je ne pouvais pas le laisser-
–Tu t’es sacrifié, n’est-ce pas ? Zoro leva les yeux pour fixer Sanji, qui remua un peu.
–Il le fallait : le vieux est toujours recherché. S’ils l’avaient trouvé, ils l’auraient fait enfermer pour le reste de sa vie, répondit Sanji en évitant le contact visuel avec l’autre homme. Je lui ai dit que j’étais le seul qui les avait nourri et j’ai été accusé d’assistance aux pirates et d’offense envers un officier de la Marine.
–T’es un putain d’hypocrite, souffla Zoro, irrité, mais nullement en colère. T’es mal placé pour m’ordonner de ne pas me sacrifier.
Sanji grimaça, frappant doucement Zoro dans le tibia.
–C’est pas pareil, souffla-t-il, ignorant le regard exaspéré que lui envoya Zoro. Don Krieg avait fait d’énormes dégâts au restaurant, je n’ai été condamné que pour offense envers un officier.
–Je n’ai pas été envoyé en prison ; j’ai été condamné au « service communautaire » ou quelque chose comme ça. Ils ont remarqué mes talents culinaires et ont décidé d’en tirer profit, et j’ai malheureusement envoyé ici pour me débarrasser de ma sanction.
Zoro grimaça.
–C’est tout ? Il se pencha en avant, faisant courir ses doigts dans les cheveux de Sanji. purgFais pas l’idiot ; tu n’as pas à purger une peine pour quelque chose qui n’est pas mauvais.
–C’est pas pour ça- Est-ce que tu m’écoutes ? Sanji se débattait un peu ; Zoro ne lâchait pas ses cheveux, et le peu de distance entre leurs visages l’empêchait de penser correctement. J’ai déjà purgé ma peine depuis longtemps !
Les yeux de Zoro se durcirent immédiatement et il s’arrêta, son nez à quelques centimètres de celui de Sanji. Le cuistot avala nerveusement ; et si Zoro abandonnait ? Est-ce qu’il se contenterait de partir quand Luffy viendra le chercher ? Est-ce qu’il se souviendra de lui quand il prendra la mer ?
–Pourquoi tu ne peux pas partir, cuistot ?
–Parce que je suis venu ici en tant que prisonnier, ils n’ont pas fait de vérifications. Sanji se sentait piégé ; il voulait tellement partir avec Zoro. Il détestait Impel Down du plus profond de son cœur. Mais Zeff passait en premier. Le Baratie. Le vieux était presque mort pour lui ; il pouvait bien souffrir quelques dizaines d’années en retour.
–Ils m’ont autorisé à le rejoindre sans faire de vérification d’identité. Impel Down ne fait pas ça, puisqu’ils ont besoin de l’autorisation de la Marine pour ça, mais si je demandais à partir ou à être transféré, ils le découvriraient- Sanji secoua la tête, sentant une violente pique de déception quand la main de Zoro se détacha de ses cheveux.
–Tu comprends, Zoro ?
L’expression de Zoro était grave, en réflexion. Comment pouvait-il être si expressif sans bouger le moindre muscle ? Sanji supposa que tout passait par les yeux.
–Il n’y a pas de lien de sang entre moi et le vieux, il ne devrait pas apparaître pendant une recherche sur moi. Megellan serait seulement capable de creuser dans mon dossier criminel pour trouver que je bossais au Baratie, mais les Marine sont une autre histoire, continua Sanji, fixant ses mains, exaspéré, pendant que sa voix se faisait plus aiguë et désespérée qu’il ne voudrait l’admettre. Le vieux a toujours une prime active ! Il perdrait tout ! Sa liberté, son rêve, son restaurant. Le restaurant que je l’ai aidé à construire avec CES mains ! Il leva les mains pour insister sur ses propos.
–Je veux partir, chuchota Sanji entre ses mains tremblantes. Mais je lui dois la vie. Il se sentait mal ; il était le pire. J’ai volé ses rêves. Je ne peux pas partir. Sanji souffla de douleur, mordant sa lèvre inférieure assez fort pour se faire saigner. Je… ne peux pas les laisser l’enfermer à cet étage. Je ne peux pas le laisser mourir de faim à nouveau, juste pour que je puisse vivre.
Il y eut un long moment de silence. Le cœur de Sanji s’alourdissait à chaque seconde. Zoro abandonnait. Il n’y avait pas de « bonne » réponse, peu importe ce que Zoro pensait. Il avait passé des mois à essayer de trouver une faille, mais il ne pourrait pas partir d’ici libre.
–Hé, cuistot. La voix de Zoro se fit rauque quand il saisit les chevilles de Sanji, le poussant contre le lit. Sanji restait éberlué pendant que Zoro se penchait au-dessus de lui, les yeux encore plus déterminé qu’avant. Viens avec moi. 》-
Et voilà pour ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu ! On attaque la dernière ligne droite, il doit rester une dizaine de chapitres 👀
Je ne sais pas trop ce que je ferais après cette fanfic, je risque d'ouvrir un livre d'os comme j'ai de moins en moins de temps libre ( la vie ) je risque de ne pas pouvoir m'investir dans une nouvelle fic aussi longue 🤔
L'occasion pour vous de découvrir mes pairings obscurs ( Ike/Soren, Phoenix Wright/Benjamin Hunter...)
À la prochaine!

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Impel Down
FanfictionSanji, cuisinier d'Impel Down, se retrouve malgré lui en charge de la torture de Roronoa Zoro! Tous deux se virent piégés, pendant que Zoro restait persuadé que Luffy viendrait le chercher. Sanji prendra-t-il le risque de trahir ses supérieurs et d...