Chapitre 24

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Chapitre 24 : « Equipe »

|Et c'est ainsi qu'Ethan devint Luke.|

Luke était sceptique, mais ne partageait pas ses ressentis avec Ethan. Ce dernier venait d'avaler la boisson la plus infâme qu'il n'avait jamais goûtée. Il se laissa porter par la transformation qui s'opéra ensuite en lui. Il sentait comme un liquide chaud passer à travers ses veines et pouvait le suivre à la trace dans la moindre parcelle de son corps. L'arrière-goût s'estompa vite mais Ethan faillit tomber alors que l'étourdissement le prenait. Il ferma les yeux en respirant très lentement. Le choc était d'une grande ampleur : on ne change pas de corps facilement.

Lorsque la douleur, la chaleur, le mal-être et l'étourdissement furent passés, la transformation était achevée, et Ethan se montra à nouveau à Luke. Ils se trouvaient à l'écart de la ville, dans un endroit où les maisons semblaient lointaines et où seule la chaussée pourrait les dérangeait.

Luke se retrouva face à lui-même. Il détailla son corps avec un sourire arrogant. Même la voix était reproduite à l'identique.

-Je te hais, marmonna Ethan avec une voix différente et d'une bouche plus sévère que la sienne.

-Se haïr soi-même est très mauvais pour la santé, Collins, ironisa Luke.

Il reçut un regard noir tu-te-crois-drôle-mais-ce-n'est-pas-le-cas de la part d'Ethan et n'ajouta rien de plus. Il s'assura seulement que tous deux étaient prêts.

Lorsqu'ils transplanèrent, Ethan crut qu'il allait vomir. C'était une sensation indescriptible, presque hors du commun, inhumaine.

Ils atterrirent dans un centre commercial bondé mais à l'endroit le plus reculé qu'ils purent trouver. C'était un tour de passe-passe que Luke avait appris en venant en Amérique.

-Ils ne vont pas te chercher ? demanda Ethan.

-Quelle question, bien-sûr que non. Ils ont Charlie, ils me veulent moi. Quand ils t'auront toi, ils penseront qu'ils ont réussi, ce qui me laissera du temps pour trouver un moyen de fuir ce continent.

-Le continent, carrément ?

-Comme les moldus, certains pays n'ont pas d'accord d'extradition avec le ministère anglais. Parmi eux, l'Australie. Ce sera notre destination, mais sans transplanage, c'est quasiment impossible.

-Et s'ils n'ont pas Charlie ?

-Tu sortiras comme prévu, et tu te débrouilleras pour la retrouver. S'ils ne l'ont pas capturée, elle n'a pas pu aller bien loin. Sans magie et sans ressources, elle ne peut pas avancer.

-Et s'ils l'ont attrapée mais qu'ils l'ont déjà ramené en Angleterre ?

-Ils l'utilisent comme appât. Le ministère pense que je vais aller la délivrer.

-Hum ? ajouta Ethan avec un regard sous-entendu.

-Et on va leur donner raison, d'une certaine façon. Et n'oublie pas. S'ils te posent des questions, fait l'entêté qui ne veut pas répondre, parce qu'en réalité, tu ne connais pas les réponses.

Luke lui tendit sa baguette qu'Ethan saisit avec appréhension. Etrange bâton.

-Très bien. On se retrouve ici, tous les trois, dès que possible.

-Tous les trois, répéta Luke avec un sourire.

Ils hochèrent tous deux la tête pour se donner courage, tandis que des bruits de transplanage simultanés retentissaient. Luke partit à pied et Ethan se retourna brusquement. Ils étaient bien camouflés : habillés tels des moldus, coiffés comme eux, seul un détail rompait le charme. Détail que les aurors s'empressèrent de brandir discrètement sur Ethan.

-Luke James, vous êtes notre à présent. Le ministère se réserve le droit de disposer de votre magie et de vos forces jusqu'au jour de votre jugement. Taisez-vous ou nous vous ferons taire. Posez votre baguette sur le sol ou nous la prendrons de force.

Ethan, qui avait bien observé la façon d'agir de Luke, et qui connaissait les répliques qu'il pouvait servir à travers ses histoires racontées, sourit d'une étrange façon qui n'était pas sans rappeler l'arrogance que l'on affiche lors d'une victoire. Celle qu'il avait pu voir sur Luke, sur Charlie ou sur Monsieur Malefoy, et qu'il se savait capable de produire aisément.

-Qu'est-ce qui m'a trahi ?

Un sortilège lui coupa la parole. Le ministère ne rigolait pas avec les fugitifs, en particulier ceux qui aidaient une prisonnière pour mauvaises actions à s'échapper.

-Votre transfert sera effectué dès que le Ministère aura l'autorisation des Etats-Unis pour vous expatrier en Angleterre. Ne défaites pas vos valises dans la cellule que l'on vous donnera, en somme.

L'ironie de l'auror qui commandait la brigade fit presque rire Ethan. Il haussa les épaules et garda la tête haute. Deux interprétations pouvaient en être tirées : il savait qu'il ne risquait rien ou c'était de la provocation pure. Ethan pensait la première, l'auror la deuxième.

De nouveau, le transplanage eut un mauvais effet sur lui mais il ne pouvait pas risquer de trahir sa couverture maintenant. L'auror haussa les sourcils mais mit son léger mal-être sur le compte de sa capture.

Et c'est là que tout changea. Tout se bouscula dans son esprit. Clarté oubliée, Ethan vacilla. Les aurors durent le rattraper par les bras. La Terre tourna sous ses yeux et sous ses pieds.

Elle tourna pour elle.

« Il faut croire que j'ai abattu toutes mes cartes. »

« Il faut croire que j'ai abattu toutes mes cartes. »

C'était la phrase qui ne cessait d'apparaître dans mon esprit. C'était fini. Je rentrais en Angleterre.

« Tu te rappelles de ce que tu as dit en revenant ici, Charlie ? Oui, bien-sûr : Je suis chez moi. Tu te souviens de la première chose que tu as vue à Portland ? Le soleil. Et la première musique que t'as fait découvrir Léah ? »

Si je me souvenais de cette chanson ? Les paroles me hantaient, c'était notre refuge, notre signal, la première chose qui nous lia.

« Welcome to your life. There's no turning back. Even while we sleep. Everybody wants to rule the world. Nothing ever last forever. Everybody wants to rule the world. »

Rien ne dure à jamais, tout le monde veut être au sommet.

Rien n'a jamais été créé entre qui que ce soit. C'était et ça a toujours été ainsi. Les sentiments sortent de l'antre qu'est le cœur au moment où les regards se croisent. Ils étaient créés et commencent à exister. Mais on ne les voit pas. J'aurais dû le savoir. J'étais l'exemple même de la situation.

Hermione Granger et Drago Malefoy, le synonyme d'un masque qui tombe. Pourquoi les sentiments sont-ils toujours voilés ? On devrait le savoir. Ça devrait être immédiat.

Luke.

Ethan.

J'aurais dû le savoir. J'aurais dû comprendre que le schéma se reproduirait. Que l'illusion disparaitrait sur ce que je ressentais envers une personne qu'au premier abord je pourrais détester.

« Au deuxième abord aussi. »

Ethan.

Luke.

Parfois, il faut attendre longtemps, trop longtemps.

Mais la grande question qui me vint alors ne portait pas sur le temps qu'il fallait attendre avant de savoir, mais sur les illusions envolées.

Au pluriel.

Mais ensuite, je faillis m'écrouler. La réponse ne parvint pas à mon esprit avant que la Terre ne commence à tourner. Elle me fit vaciller, reculer, elle me fit douter.

Elle tournait pour lui.

CHARLIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant