Chapitre 22

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Chapitre 22 : « Renversement. »

|Mes forces s'épuisaient, mon cœur saignait, et le seul témoin que je constatai, c'était cette peau qui rougissait.|

Le froid et la douleur qui m'avaient fait souffrir en quelques secondes furent bientôt le cadet de mes soucis. Un autre, plus grand, plus fort, plus puissant, et plus terrible surtout, venait de m'atteindre. Je le savais sans même le voir. J'étais à peine consciente mais je sentais qu'on me saisissait. Je sentais le flux de sortilège qui m'entourait. C'était eux.

Ma poitrine saignait encore, mais la douleur rétrécissait petit à petit. C'était incompréhensible et hors de raison. Mais la raison était très relative. Chacun a sa raison que l'autre ignore, chacun a ses lois et ses mondes. Pire, c'était soulageant sans l'être. Physiquement, c'était incomparable. Mentalement, je savais que la cause de la douleur était grave et toujours en vigueur.

Mais alors que je me sentais soulevée dans les airs, la douleur disparut de mes pensées et de ma poitrine. Quelque chose m'enlevait, quelque chose m'attirait. C'était eux.

Oui, eux.

Ce mot se répétait dans ma tête.

« Eux. Eux. Eux. »

Mais bientôt, je fus assez reposée pour introduire un autre mot. Moins idyllique, qui acheva de m'épuiser.

« Ministère. »

Puis ce fut un grand silence éternel.

Froid, eau, vagues, souvenirs.

Froid, eau, vagues, souvenirs.

Souvenirs.

Souvenirs.

Charlie Malefoy.

« Charlie Malefoy-Granger. N'oublie pas le Granger. »

Ce fut comme un déclic, une étincelle. Ethan battit des pieds. Il ne voulait juste plus.

Plus mourir. Il la voulait elle.

Elle.

Ses pensées hachées l'amenaient à se ressaisir. Tout n'avait duré qu'une minute. Une seule petite minute pendant laquelle sa vie avait été bouleversée. Son passé n'était pas son passé. Sa vie n'était pas sa vie. Et ses sentiments n'étaient pas si moindres.

Et pour comprendre, pour vraiment se rappeler de tout, il fallait qu'il remonte. Les dernières images lui venaient en tête. Charlie, un bout de bois en main, prononçant un mot étrange ressemblant à « oublier ».

Il atteindrait bientôt la surface. Quelques battements encore. Ceux de son cœur, d'ailleurs, s'affolaient, mais Ethan remontait.

Il reprenait vie. June n'avait pas cessé de chercher. Quand elle le vit, elle était à plusieurs dizaines de mètres, mais quelques secondes lui suffirent pour le rejoindre.

Sur la rive, aucun ne parlait. La brune avait compris qu'Ethan n'était pas venu ici pour s'amuser, mais pour abandonner la partie.

La partie, ce jeu qui nous détruit tous un jour ou l'autre, mais certains jouent plus longtemps que d'autres.

-Charlie, dit Ethan.

June le fixa sans comprendre.

-Elle s'appelle Charlie, cette fille. Elle est blonde. Elle a des yeux bleus et un caractère fort. Elle a deux noms de famille, et en oublier un est synonyme de danger.

Aux dernières paroles, Ethan sourit. Charlie n'aimait pas qu'on la nomme Malefoy, ou Granger. C'était les deux ou aucun. C'était ensemble ou ce n'était rien.

-Ethan...

-Je sais que c'est vrai. Cette sensation d'oubli était réelle. On avait oublié les moments passés avec elle.

-Ce que tu dis...

-N'as aucun sens ? Ne te voile pas la face, June. Je sais que tu me croies, mais que tu ne veux pas me croire. Ces moments, il y en avait des joyeux. Il y en avait des moins joyeux. Mais c'était de réels moments. Tu ne peux pas renier ce que tu as vécu.

-Je refuse...

-Ouvre les yeux !

Ethan, de colère, s'était levé. June fit de même en haussant la voix :

-Toi, ouvre-les ! Tu dis n'importe quoi ! Tu viens de te noyer, ou presque, ce que tu dis n'est que le fruit de ton imagination. C'est un traumatisme.

-Non.

-Ethan !

-JE SAIS QUE C'EST REEL ! Et je sais, continua-t-il d'une voix plus calme, que ce que je ressens, elle le ressent aussi.

-Ce qui est réel ? Regarde autour de toi ! Si cette fille est capable de te faire oublier ces moments, alors elle est où ? Si elle t'aime comme tu le dis, pourquoi est-ce qu'elle n'est pas là ? Si elle est réellement existante, alors qu'est-ce qu'elle foutait quand t'étais en train de te noyer ? Je vais te dire une chose, Ethan. Si ce que tu dis est vrai malgré tout, si cette fille est en vie, alors c'est une belle garce. T'aimer, s'en aller, te faire oublier tes sentiments, te laisser seul sans elle...

-Je n'ai jamais dit qu'elle s'en était allée.

-Quoi ?

-Je n'ai jamais parlé de son départ.

-Si ! Tu...

Ethan s'approcha vivement de sa demi-sœur, les yeux en feu.

-Je. N'ai. Jamais. Parlé. De. Ça.

-Si, Ethan. Comment le saurais-je sinon ?

-Tu le sais, June. Tu le sais. Regarde à l'intérieur.

-A l'intérieur de quoi ?

-De toi-même. Et ose renier ce que, au fond, tu sais très bien.

June ferma les yeux. Son problème n'était pas la foi. Elle croyait Ethan. Elle l'avait cru, rien qu'un instant. Mais désormais, sa raison la poussait à se renfermer. C'était impossible, pensait-elle.

Mais qui pensait cela, d'elle ou de sa raison ?

Il y eut un silence qui prit de plus en plus de place entre eux. Ethan suffoquait presque, en espérant une réponse qui se faisait désirer.

-Ouvre les yeux, Ethan.

Et June tourna les talons, laissant Ethan désarmé et empli de doutes. Mais une chose était sûre : Charlie existait. C'était un soleil rayonnant au milieu de la noirceur de sa vie. Un soleil, un Soleil. Qui avait vécu et avait été dévasté, parsemé de milliers d'explosions, d'implosions. Une vraie sphère en fusion au centre d'un monde dont la roue tourne. Ethan, lui aussi, pensa alors à l'équilibre de l'Univers. Mais sans esprit de vengeance. Sans penser lui rendre la pareille.

C'était impossible, hors de raison, pour lui, de faire oublier à Charlie comme elle avait fait oublier à Ethan leurs moments passés.

Mais chacun sa raison, pensa-t-il. Chacun vit en lui, et les autres ? Au diable. La garce, ce n'était pas Charlie. C'était la vie.

Mais Ethan aussi vivait en lui. Pour lui. Et c'est ainsi que Charlie entrait dans l'équation : elle était une partie de lui. Il vivrait pour elle.

Et tandis qu'il pensait à vivre pour elle, elle pensait à lui. Mais alors qu'il l'accueillait à nouveau, elle faisait ses adieux.

CHARLIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant