Chapitre 18

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Chapitre 18 : « Implosion. Explosion. »

|Et j'étais au centre. L'endroit qui, lui, n'évolue pas.|

-Qu'est-ce que t'as fait ?

Je soupirais, comme tombée des nues. Mes yeux pleuraient, évacuant ma colère, ma rage, ma tristesse, mon désespoir. Chaque nouvelle larme me libérait, puis me rappelait ce que je vivais et pleurer ramenait les souvenirs dans mon esprit. Et ces souvenirs me brisaient. Alors, je pleurai à nouveau.

-JE TE FAISAIS CONFIANCE !

Chaque mot était empreint de tous les sentiments que je ressentais, et ils étaient impossibles à décrire. Je ne savais pas moi-même ce qui se passait dans mon cœur.

-Mais qu'est-ce qui t'as pris... Tu te rends compte ? Tu sais à quel point Ethan me manque. Tu sais à quel point je veux le voir, pour me dire qu'il va bien, qu'il vit mieux sans moi. Tu sais que ça m'a coûté de lui effacer la mémoire, et que lui parler, un, deux mots, ça m'aurait suffi pour être rassurée. J'en avais besoin, putain, j'en avais besoin ! Tu te rends compte de ce que tu me fais vivre, parce que oui, c'est de ta faute. Pas tout, oh non, pas toute ma tristesse. Un jour, l'Univers a décidé de me voler mon bonheur, et j'attends encore que la roue tourne. Qu'il me le rende, tu vois, pour que je puisse être heureuse. Mais l'Univers, il persiste. Il insiste, il est capricieux et entêté. La chance, il ne me la donne pas souvent et c'est de ta faute si je n'ai pas saisi celle qu'il m'a présenté aujourd'hui. Qu'est-ce que t'as fait, putain.

-Charlie...

-Non, tais-toi. Luke, tais-toi, ferme-la ! Tu n'as aucune excuse valable, du moins, je n'en vois pas. Tu sais, j'ai fini par comprendre. Ce baiser, à Poudlard, ces insinuations sur ma cécité. Tu m'aimes, c'est ça ? Je me sens si prétentieuse de dire ça... Est-ce que c'est ça ? Contredit-moi si j'ai tort. Ai au moins le courage de me laisser croire la vérité, et de m'ouvrir les yeux si je me trompe. Dis-moi. Dis-moi que j'ai tort.

Et aucun mot ne répondit aux miens. Il restait muet comme il n'avait jamais été. Il était fait d'un silence froid, d'une bouche fermée, close à jamais.

-Alors quoi, tu es jaloux ? Tu veux me garder pour toi, tu ne supportes pas le besoin de lui qui vit en moi ? Ou peut-être voulais-tu m'empêcher de le revoir, parce que tu pensais qu'après un sourire, un salut, je n'aurais pas le courage de continuer, que j'aurais tout révéler, ou que j'en serais ressortie plus détruite encore. Et tu sais quoi, Luke ? Tu avais peut-être raison. Ou peut-être pas. Le fait est qu'on ne saura jamais. C'est une chance que tu as gâché la mienne. Tu aurais pu me laisser essayer, et être là pour m'extirper de la spirale infernale qui m'aurait aspiré. Mais tu n'as pas eu assez confiance en moi pour ça. Tu n'as pas cru en moi et moi, je ne crois plus en toi.

Luke ne bougea pas. Je reculai, il resta immobile. Je le fixai, il baissa les yeux. Etait-ce un adieu ? Après toute cette aventure, cette fuite, cette complicité hors la loi ? Il pouvait encore me dénoncer, et je me ferai enfermer parce que le ministère me cherchait. D'ailleurs, je n'étais pas une si grande menace, j'avais simplement défié leur jugement, leur punition.

Je me mis à courir. Je voulais le fuir, ne plus le voir.

Je ne voulais plus jamais le voir, alors oui, c'était un adieu.

« Au revoir, Luke. »

-Un phare ? s'exclama June.

Elle et Ethan avaient roulé en voiture jusqu'à un phare dont l'histoire était pour le moins étrange. En entrant, Ethan salua un ami à lui qu'il appela Jerk. June fit un simple signe de la tête et le suivit. Son demi-frère était parfois trop impulsif.

-Ethan, qu'est-ce qu'on fait dans un phare ?

-Il y a un lac derrière. Le terrain appartenait à un vieux fou qui voulait absolument se faire construire un phare. Ce qu'il a fait avant de mourir alors que le phare n'était pas terminé.

June sourit et passa devant lui, montant quelques marches avant de s'arrêter brusquement. Ethan la retint par le bras.

-Ai-je oublié de préciser qu'à sa mort, sa femme a arrêté cette construction qu'elle trouvait stupide, et qu'ainsi, quelques anomalies sont à déclarer dans ce bâtiment ?

June restait bouche-bée devant l'escalier qui s'arrêtait, et elle dut marcher sur un petit rebord afin d'atteindre un autre escalier qui continuait plus haut. Quelques secondes plus tard, elle fit face à une fenêtre murée, et enfin, Ethan lui montra une porte bleue qu'elle ouvrit.

-C'est un... pont ?

-Au-dessus du vide sur trois mètres de long, confirma Ethan.

June n'en revint pas, et elle soupira de surprise. Elle s'avança, écartant les bras telle un équilibriste, et s'amusa à marcher lentement jusqu'au bord. Ethan était venu maintes fois auparavant, mais aujourd'hui, il avait eu la sensation qu'il devait venir. Pour une fois, il n'était pas venu seul.

-Ethan ! appela June.

Le jeune blond s'était arrêté, et il rejoignit sa sœur.

-Est-ce que tu as déjà sauté ? demanda-t-elle en désignant l'eau du lac en contrebas.

Il savait que non, pourtant la première réponse qui lui vint à l'esprit fut « oui ». Il hésita.

-Non.

June sourit. Elle le prit par la main, et chuchota :

-Alors, allons-y.

Il sembla sortir de ses pensées et pensa que ce n'était pas une si mauvaise idée. Ils posèrent leur sac sur le pont, et s'approchèrent du bord.

-Près ? A trois, dit June.

Et son frère la connaissait si bien qu'il sut exactement ce qu'elle allait faire. Alors, quand elle prononça le mot, il le prononça avec elle :

-Trois !

Et ils sautèrent.

June se sentit si libre, et la chute lui sembla trop courte. Trop rapide. Elle sentit le vent soulever ses cheveux, sa frange et l'eau dessous l'effraya une seconde. Mais avec la vitesse, elle n'eut pas le temps de regretter, de faire face à cet obstacle : elle l'avait déjà dépassé, et l'eau la glaça. L'air lui manqua, elle agita ses membres, lâchant la main d'Ethan pour remonter à la surface.

Ethan eut, à l'instant où ses pieds quittèrent le pont, le visage inconnu devant ses yeux. Il la vit tomber avec lui. Il la vit sourire, il la vit vivre. Il se sentit incroyablement soulagé, et la chute sembla durer une éternité. Toutes sortes d'images incompréhensibles lui traversèrent l'esprit. L'air affronta sa peau, l'eau agressa la température de son corps. Il faisait si froid, soudain, et il lâcha la main de June alors que le lac envahissait ses vêtements et l'enfermait dans un autre monde. Le visage disparut, faisant apparaitre un manque soudain chez le jeune homme. Il resta confus. Perdu. L'eau tournait, ou bien était-ce lui ? Ou bien la planète, il ne savait plus très bien. Il ne se rendait pas compte que l'air lui manquait. Ses poumons expiraient.

Alors, c'était ça, l'arrière-pensée qu'il n'avait pas discernée plus tôt ? C'était ça, la véritable raison de leur présence au phare ?

Ce n'était pas un besoin incompréhensible de venir, il avait été guidé ici par ses sentiments noirs qui avaient sauté à sa place. Qui ne comptaient pas remonter à la surface.

Et tandis que Luke perdait Charlie, June perdait Ethan.

CHARLIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant