Chapitre 17

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Chapitre 17 : « Equilibre. »

|Un autre homme allait gâcher cette chance.|

Charlie.

Luke.

Ethan.

June.

Quatre personnes. Deux sorciers, deux moldus. Rage, amour, mystère, espoir.

C'était quatre regards perdus dans l'immensité de leur monde, bien trop grand pour eux, bien trop noir pour leur bonheur. Ils avançaient, jetaient des regards autour d'eux, ils tentaient de sourire.

Ils essayaient de profiter de chaque petits moments de la vie parce qu'ils savaient à quel point elle s'échappe vite.

Charlie.

Luke.

Leur magie était mise de côté tandis qu'ils parcouraient ce centre commercial de Portland. Ils étaient en fuite, mais qui l'aurait soupçonné ? Deux adolescents achetant de nouveaux vêtements, à boire, de quoi vivre en somme, en quoi était-ce menaçant ? Peut-être étaient-ils dangereux pour eux-mêmes parce qu'ils se détruisaient en vengeance, et leurs forces s'épuisaient dans leur rage.

Ethan.

June.

Pour eux, la seule magie existante, c'était l'amour et ils s'aimaient, c'était certain. Mais malgré l'espoir qu'incarnait la jeune fille, son demi-frère doutait, cherchait, s'épuisait à détruire un mystère qui le dépassait celui d'un sortilège d'amnésie dont il ne connaissait pas même jusqu'à l'existence. Leur conversation restait futile, et ils tentaient d'oublier, tel était le mot, ce visage qui hantait le jeune homme.

-Luke, qu'est-ce que tu fais ? Dépêche ! Hééééé, lâche-moi ! Non, on ne va pas acheter ça ? Bon... Non, décidemment, c'est hors de question. Mais c'est moche ! D'accord... Alors je prends ça ? C'est magnifique ! Je te déteste. Bon, OK...

-Ethan ! Avance, allez. Non, on ne rentre pas, non, on ne va pas en cours. J'avais deviné ce que tu allais dire. Je te connais, c'est tout. Essaie de t'amuser, au moins pour moi, d'accord ?

-Charlie, attends-moi. Rawwwwr, je suis un tigre ! On prend ça ? Allez, s'il-te-plait ? Merci ! Mais s'il-te-plait ! Ce n'est pas moche ! Merci, ah non, pose ça tout de suite ! Ce n'est pas magnifique, c'est... moche. Moi aussi je t'aime.

-June... Comment tu as deviné ? Mais... Très bien, mais c'est uniquement pour toi, clair ?

Au fond, la joie reprenait vie en eux. Ils ne s'étaient ni vu, ni aperçu, mais ils étaient en face les uns des autres. Charlie, en face de Luke, June, en face d'Ethan, et enfin, Ethan en face de Luke. Les deux filles se tournaient le dos. Quinze mètres les séparaient.

Soudain, Luke s'empara de Charlie.

-Regarde ! s'écria-t-il, et il l'entraîna plus loin.

Ils entrèrent dans un magasin de vêtements, Luke se saisit d'une robe. Il se dirigea vers les cabines d'essayage, et la tendit à Charlie qui le suivait sans comprendre.

Elle le regardait, perdue, sans savoir de quoi l'accuser réellement. Il agissait bizarrement, comme pressé, il bâclait ses gestes.

-Luke, ralentis.

-Mais cette robe est magnifique.

Son regard était ailleurs. Charlie s'aperçut qu'il la regardait sans la voir, et qu'il espérait quelque chose. Qu'elle le croit, ou qu'elle ne regarde pas en arrière, peut-être.

« Dis-moi. »

Elle n'eut pas besoin d'exprimer ses pensées à voix haute, elle le fixait si puissamment... Luke baissa les yeux. Ses bras relâchèrent un peu la robe qui retomba, pliée, entre ses deux mains. Charlie suivait des yeux les bras de Luke, ses gestes, sa lèvre supérieure qui vint pincer l'inférieure.

-Non.

Il releva les yeux et attrapa le regard de la blonde.

-Charlie...

-Ils sont là, c'est ça ? Ils sont ici ?

Sa voix semblait épuisée. Elle avait pris la teinte que les voix prennent lorsqu'on se retient de pleurer.

-Je... Ecoute-moi.

-Tu m'as entraîné ici pour les laisser partir, pour que je ne les voie pas !

-Charlie ! cria-t-il en attrapant son bras.

-Lâche-moi ! Qu'est-ce qui t'as pris ?!

Il savait combien elle aurait voulu les revoir. Le revoir, rien qu'un instant, pour s'assurer qu'il vivait mieux sans elle, pour ne pas regretter son choix, son sortilège.

Et elle se retourna. Et elle courut aussi vite qu'elle le put.

Et une impression de déjà-vu s'empara d'elle. Elle avait couru, un jour, pour les rattraper, parce qu'ils partaient. Et elle avait pleuré, si longtemps.

Elle les perdait une deuxième fois.

Et tout ça, ça la brisait.

Le hall semblait plus vide. Ethan secoua la tête il venait de croiser un regard qui l'avait troublé. Mais la personne avait disparu la seconde d'après, alors il ne s'y attarda pas. Il préféra reconcentrer son attention sur June :

-Viens, j'ai une idée pour passer le temps. Ce sera plus vivant, plus revigorant que n'importe quel centre commercial.

La brune pencha la tête avec un sourire intrigué. Elle passa son bras autour de celui d'Ethan, et il lui chuchota :

-Merci, sœurette.

Et ce dernier mot fit plus plaisir à June que tous les moments passés depuis le matin.

Mon regard affolé parcourait le grand hall. Ethan était quelque part, June avec lui, je le savais. Ils étaient là, devant moi, ou derrière, peut-être à ma gauche. Je tournai sur moi-même, le monde sembla tourner avec moi, le sol bougeait anormalement. Je ne voulais pas ouvrir les yeux et comprendre qu'ils n'étaient plus là. J'y croyais encore, et parfois, cela suffit, non ?

Mais l'espoir a des limites, et je m'en rendais compte.

Je les perdais, n'est-ce pas ? Je les perdais encore... Je m'arrêtai de bouger, la Terre continua, les boutiques divaguaient, tremblaient, troubles.

« Charlie, c'est toi qui divague. C'est toi qui tremble. Tes yeux voient trouble, ta voix cisaillée vacille. Charlie, c'est toi qui perds, c'est toi qui divague. C'est toi qui tremble. Et ce sont tes larmes sur tes joues. »

Oui, je divaguais, et mes pensées avec moi.

-Charlie ! Attend.

Luke, enfin je crois, se plaça devant moi, me prit un bras, me regarda. Ce qu'il avait fait me revint. Il était la cause de mes larmes comme il avait été la cause de mon courage.

Je suppose que l'Univers veut préserver l'équilibre du monde.

Alors qu'il me donne mon bonheur ! Qu'il me rende mon sourire ! Si c'était ça, le maître mot, équilibre, alors j'avais assez souffert et assez pleuré.

J'étais une erreur, oui, dans ce monde, et je n'en faisais pas partie.

Parce qu'on dit toujours « La roue tourne », et elle tournait. Oui, elle tournait pour tous, pour le monde entier. Mais elle tournait autour de moi.

Et j'étais au centre. L'endroit qui, lui, n'évolue pas.

CHARLIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant