Lose Me To Find You

Chapitre 40

Keep the car running - Arcade Fire
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Kristen

Après la matinée passée à la plage, ma peau me démange à cause du sel. Bon sang que ce n'est pas agréable... ! J'ai envie de prendre une bonne douche pour apaiser les démangeaisons mais ça me paraît impossible étant donné que nous nous trouvons dans le self du lycée, entourés de pleins de monde. Car oui, nous sommes revenus à temps pour le déjeuner. Installés à table en face d'Isaiah et de Scott, je n'ose pas parler de peur de dire quelque chose de blessant et mange en silence. Surtout que Scott ne sait toujours pas que je peux user de ma voix... En parlant du loup, il est si pâle et si frêle qu'un simple coup de vent suffirait à le faire vaciller. Il me fait de la peine, vraiment. Peut-être que le raisonner serait la meilleure solution ?

— Ton frérot m'a enfin lâché la veste, bredouille-t-il en plongeant son regard fatigué dans le mien.

Dean...

Je voudrais le revoir rien que pour me rendre compte qu'il est pourri jusqu'à la moelle depuis qu'il est né.

Sa voix morne, tremblante et lente me fait frissonner. Isaiah lui fait des gros yeux afin de le réprimander. Ses poings se serrent sur la table et sa mâchoire tressaute. Je m'efforce de poser une main timide sur une des siennes et le sens se détendre petit à petit. Le cœur en vrac, je déglutis, perturbée. Isaiah, toujours un peu crispé, soupire bruyamment.

— Scott, putain.

L'intéressé hausse les épaules et aborde une mine blasée. Il n'a presque pas touché à son assiette qui demeure remplie. Les aliments doivent avoir refroidis mais il ne semble pas s'en préoccuper. D'une main tremblante, Scott prend son verre d'eau et l'apporte à ses lèvres craquelées. Il boit quelques gorgées qui m'ont l'air de lui faire mal. Isaiah et moi l'observons, inquiets. Mon acolyte reste immobile et tendu comme une crampe.

— Quoi ? Tes vieux ont payé les gars, je suis tranquille. D'ailleurs, tu pourrais leur dire merci de ma part ?

Isaiah ricane froidement, nerveux.

— Tu leur diras merci toi-même quand ils payeront la cure, crache-t-il avec amertume.

Le regard de son ami s'assombrit puis, il pose violemment le verre sur la table et me fait sursauter. Sa respiration erratique résonne dans mes tympans alors que j'ose orienter mon regard vers lui. Il est hors de lui et tremble de partout. Il est misérable, mon Dieu.

— Mec, je t'ai déjà dit que...

— Rien à foutre, le coupe aussitôt Isaiah en haussant le ton. T'es mon meilleur pote et depuis que t'as commencé à prendre cette merde, je te reconnais plus.

Plusieurs lycéens tournent la tête vers nous, intrigués. Scott se lève, titube et fixe son meilleur ami, blessé. La douleur qui traverse ses iris me touche profondément. J'ai l'impression de me voir en lui, en son âme brisée.

— Vraiment ? rit-il, perdu. Tu ne me reconnais plus ? Je suis un putain de junkie, Isaiah. Rien ni personne ne peut me sauver.

Au tour d'Isaiah de se lever. Il vient prendre Scott par les épaules et secoue vivement la tête, énervé. Il déclare d'une voix chevrotante, éraillée par l'émotion :

— Arrête ça. Bordel, je... je peux te sauver. Juste... crois-moi Scotty, s'il te plaît.

Les quelques élèves qui assistent à la scène filment et réagissent en direct. Ça m'agace tellement : de nos jours, tout se passe via les réseaux sociaux et c'est dommage. Nous vivons dans un monde numérique où chaque instant doit être partagé pour être vu et revu des milliers, voire des millions de fois. C'est triste, très triste. Je me mords les lèvres et scrute les deux amis échanger leurs larmes et peines, impuissante. Scott éclate en sanglots et agrippe les manches du pull d'Isaiah entre ses poings.