Chapitre 1

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Son téléphone se met à sonner. Allongé sur son futon, le regard rivé vers le plafond, il n'a aucune envie de décrocher. Pour cela, il faudrait qu'il se tourne vers le combiné, qu'il décroche, qu'il tienne une conversation avec la personne à l'autre bout du fil. D'ailleurs, qui peut bien l'appeler ? Sa soeur ? Sa mère ? Son frère ? Ou même pire, son père ? Aucune de ces options ne semblent le ravir, chacune quémandant toujours plus d'énergie, une énergie qu'il n'a plus, qui a quitté son corps dès lors que la nouvelle tragique a surgi de nulle part, l'enfermant dans une morosité toujours plus corrosive.

Les vibrements cessent, rétablissant le silence qui dominait la pièce. Les bras le long du corps, il ne bouge toujours pas. Il ne dort pas, ses yeux ne sont pas fermés. Non, il pense. Dans cette position, il pense à l'avant, comme il aime bien appeler cette période. L'avant, c'est-à-dire la période qui précède le drame, là où il vivait comme un adolescent normal. Allongé dans cette position, il ressasse des souvenirs.

Quelques minutes après les vibrations de son téléphone, quelqu'un frappe à la porte. Même prétexte, il a du mal à trouver la force de répondre. La personne qui se trouve derrière cette porte le fera se lever, quitter son monde de souvenirs. Il devra se confronter à elle, peu importe qui se tient là, sur le pas de la porte.

Ça frappe à nouveau, des bruits timides, comme-ci la personne ne voulait pas le déranger. Pourtant, le simple fait de débarquer comme elle le fait, elle le dérange. Ce monde de songes qu'il retrouve aussi souvent qu'il peut l'apaise, il ne veut pas le quitter. Pourtant, il doit le faire, montrer qu'il peut encore tenir, lever la tête, regarder le monde en face pour lui dire : « je vais bien, je tiens le coup ». C'est pour cette raison qu'il finit par se relever et à enfin briser le silence.

- Oui ?

On enclanche la porte et une silhouette se présente à l'entrée. Sur le pas de la porte se tient Ochako, la mine sûrement aussi fatiguée que lui. D'une petite voix brisée, elle se met à parler.

- Le dîner est presque prêt, Todoroki... Iida m'a demandé de venir te chercher.

- J'arrive, se contente-il de répondre.

Elle ne répond que par un simple hochement de tête. En repartant, elle laisse la porte entre-ouverte. Si elle la ferme, Ochako sait très bien qu'il n'aura pas la force d'aller l'ouvrir pour les rejoindre pour le dîner. Au lieu de ça, il ira se coucher, le ventre vide.

À première vue, la brune semble tenir le coup. La seule chose qui trahit la carapace qu'elle s'est fabriquée, ce sont ces cernes qui ornent le dessous de ses yeux. Son teint éclatant s'est terni, ne laissant qu'une peau pâle et fatiguée. Et ses sourires se sont transformés en d'étranges grimaces. Malgré cela, elle faisait tout pour que tout paraisse normal. Le drame est arrivé, mais elle fait avec, elle apprend à vivre avec.

- J'arrive... murmure le bicolore pour lui même.

Dans un geste qui lui parait être un effort surhumain, il se lève et se dirige vers l'entrée. D'un pas traînant, il vient rejoindre les autres qui sont déjà presque tous dans la salle à vivre, prêts à débuter le repas.

Dans la pièce, différentes discussions se croisent. On parle des contrôles, on parle des examens, des entraînements qui auront bientôt lieu. Puis, on échange aussi des banalités : le dernier film que l'on a vu, la dernière musique qui nous a plu, du dernier manga que l'on a lu. Pour lui, toutes ces discussions ne font que lui donner mal à la tête.

- Bonsoir Todoroki, lâche Momo.

Le bicolore ne l'avait pas vue. Elle lui offre un sourire amical qu'il se sent incapable de lui rendre. Tenya ramène quelques plats qu'il posent sur la table tout en tenant une discussion avec Sero.

- Todoroki, est-ce que tu veux bien nous aider s'il te plaît ? Il reste des plats dans la cuisine, lui demande le délégué.

Il se contente de se diriger vers la cuisine sans rien dire. Chaque soir, le bicolore a le droit à la même chose : tout le monde fait semblant, tout le monde fait mine que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ce qu'il reste (Tododeku) (Kiribaku)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant