Chapitre 6

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Le soleil commence à peine à apparaître, et la voilà déjà dans sa voiture de fonction. Yumiko aimait beaucoup son travail, bien que ça famille ne cesse de lui répéter à chaque réunion de famille qu'il ne lui permettrait pas de s'assurer une vie paisible. Ses parents sont très conventionnels. Pour eux, une vie heureuse résonne comme une vie simple : des enfants, une maison, un mari aimant. Mais voilà, Yumiko n'a aucun des trois. Célibataire endurcie, elle n'a pas eu de petit ami depuis ses années lycées, et n'a pas envie d'avoir de relations amoureuses.

— C'est pourquoi cette fois ? demande t-elle à son partenaire.

Kenta, son collègue depuis maintenant plusieurs années, claque vivement la portière de la camionnette après s'être installé. Il place sa ceinture sur son gros ventre avant de démarrer le véhicule.

— Des coups de feu dans le parc forestier. Les voisins soupçonnent de la chasse.

— Et c'est reparti.

Ces chasseurs étaient bien les dernières personnes qu'elle avait envie de croiser de bon matin. Son boulot, c'est de protéger cette faune, cette flore. Voir que des personnes s'amusent à la détruire illégalement lui laisse un goût atrocement aigre dans la bouche.

— Enfoiré de chasseurs, ajoute-elle.

— Tu l'as dit.

Kenta démarre la voiture, et les voilà parti. La radio s'allume, diffusant les dernières informations. On y parle de la pluie et du beau temps, littéralement. Puis, on y parle également de l'actualité. Dans le grésillement de la radio, Yumiko entend la voix de la présentatrice rabâcher encore et toujours les mêmes paroles depuis des semaines.

« ... et la police n'a toujours pas de piste en ce qui concerne l'adolescent disparu, élève au lycée héroïque U.A. Nous vous rappelons que pour toute information susceptible d'aider les forces de l'ordre, veuillez vous rendre au commissariat le plus proche. Actualité politique maintenant... »

— Pauvre gamin, marmonne t-elle en regardant la fenêtre.

Le pouce près de la bouche, elle se ronge l'ongle. Même si en apparence elle a l'air totalement apathique, son coeur n'est pas de pierre. Elle ne peut s'empêcher de penser à cette mère qui doit pleurer la disparition de cet enfant. Instinctivement, la main se porte vers le crucifix qu'elle garde discrètement autour du cou. Dans sa tête, elle prononce une prière pour ce gamin qui s'est soudainement évaporé en pleine nature.

— Quand on aura fini ça, commence Kenta, il faudra qu'on se rende vers l'ouest. Un animal mort gêne sur la route.

— Des chasseurs clandestins, un cadavre sur la route. On a touché le gros lot ce matin.

— Ne me le fais pas dire.

Un soupir bruyant s'échappe de ses lèvres. Elle aime son travail, elle déteste les inconvénients qu'il entraîne. Au moins, dans cette forêt, elle est au calme, loin de sa famille, loin de la pression de la ville, loin de tout.

— On arrive.

La camionnette emprunte un chemin qu'elle connaît bien désormais. Bientôt, ils sont secoués par les irrégularités du terrain, ballotés de gauche à droite. Les arbres défilent, l'obscurité se fait plus présente ici.

Sa main continue de tripoter la croix autour de son cou tandis que la camionnette continue son chemin. Ce simple geste suffit à l'apaiser, à ne plus penser à toutes ces choses qui lui font tant peur dans ce monde.

— Terminus, clame son voisin.

Lorsque le véhicule s'immobilise, elle se détache et se rue à l'extérieur. Il fait encore frais en ce début de matinée et le soleil peine à passer à travers l'épais feuillage.

Ce qu'il reste (Tododeku) (Kiribaku)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant