☀ SAMEDI 15 H 32 / JOUR 27
Je l'appelle Sunflower. Ce remplaçant de la binocle, le grand châtain à la belle gueule et l'air dépressif. Celui là même qui a les yeux tournesols aux nuances phénix. Ce type du reflet et de la pluie. Le même type qui appelle son clébard Cadavre. Lui. Je le nomme Sunflower.
Et Sunflower ne m'a pas répondu. Ma question devait-être trop déplacée à son goût, elle l'était à mon goût aussi. Je ne m'attendais pas vraiment à une réponse donc je n'ai pas été surpris, mais s'il m'avait répondu, je ne l'aurais pas été non plus. Qu'aurait-il répondu ? C'est un mystère. Quoi qu'il en soit, le soir même, je suis rentré chez moi après le cours avec la binocle. Et je n'ai que très peu révisé contrairement à d'habitude. J'ai passé mon temps à écouter de la musique. Cette musique. La chanson qu'il partageait avec Cadavre, son chien. Je l'ai écouté en boucle en pensant que la réponse à ma question était peut-être cachée dedans. Résultats infructueux, bien évidemment. J'ai tenté autre chose. J'ai cherché d'autres musiques, j'ai découvert des nouveaux groupes, de nouveaux artistes de tous les genres, en appréciant plus que d'autre, j'en ai mis dans mon portable sans trop savoir pourquoi puisque je n'écoute jamais de musique.
La vérité, c'est que je connais bien la raison. J'espère pouvoir le retrouver sur le ring d'hier. J'aimerais écouter ces chansons là. Les écouter avec lui. J'ai fait cette playlist naïve afin de l'écouter avec lui et très franchement, je me fiche bien du chien. C'est à quoi j'en suis réduit en ce moment. Pour être franc, je ne sais pas ce que j'espère réellement, ou je m'en cache en tout cas. Je ne cherche pas à savoir pourquoi ces espoirs d'entendre des musiques avec lui. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il acceptera que je m'allonge à côté de lui sur le ring pour que l'on écoute cette playlist ensemble. De surcroît, utiliser ce mot, «ensemble», pour nous définir lui et moi qui n'avons rien en commun sonne trop étrange. Et au lieu de passer ma matinée à travailler comme je le fais habituellement, je l'ai passé à élaborer un plan pour me retrouver avec lui sur ce ring abandonné depuis des lustres à écouter cette playlist, allongé à côté de lui. Je suis passé par les plans les plus loufoques à ceux les plus fantasques qu'il puisse exister. Dans l'un d'eux, Cadavre parlait.
J'ai laissé tomber.
J'ai nommé la playlist «PAS ensemble».
J'ai lancé mon portable sur mon lit.Gardant une efficacité absolu dans mon programme indéterminé de ma matinée, voilà à présent vingt minutes que je tourne sur ma chaise de bureau avec un crayon en équilibre sur le front et des questions aussi pertinentes qu'une discussion avec un chat. Pourquoi je ne fais rien alors qu'une panoplie de devoirs s'entasse sur mon bureau ? Ils m'appellent, hurlent mon prénom. Les devoirs sont pires qu'une femme en manque d'affection.
"LIVAI !"
Ma mère en l'occurrence.
Le crayon tombe. Les questions sont oubliées, j'ignore tout cela et me lève pour aller voir ma mère qui dormait encore avant de hurler à travers la maison. Je frappe à la porte de sa chambre ouverte et la regarde, à moitié au sol et sur son lit. Elle s'est prise les pieds dans la couverture. La belle affaire. Une gamine cette femme. Retirons lui trente ans de ces trente-huit ans. J'avance dans le bordel qu'est sa chambre et pose ma main sur sa tête. Elle me regarde, me sourit, me salue.
- A quoi tu joues exactement ?
(Kuchel) Tu m'aides ? J'suis tombée.
Je souffle, me redresse et l'ignore. Disparaissant de sa chambre. Ma mère, c'est cette femme chiante que j'adore à contre coeur. J'arrive dans la cuisine afin de lui faire réchauffer le plat que j'ai mangé ce midi. Je lui prépare tout ce qu'il faut, pose les ingrédients sur la table ainsi que le couvert. Elle sort enfin de sa chambre et vient s'asseoir à sa place pendant que je finis ma tâche. J'attrape une tasse de thé et me verse le reste de ce matin que je réchauffe avant de m'installer en face d'elle. Elle mange, fait la moue, mange, fait la moue. C'est une capacité qui me paraîtrait presque hors du commun si ce n'était pas aussi stupide qu'elle. Ou peut-être suis-je le seul qui ne soit pas assez tordu pour trouver cela étrange.
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SUNFLOWER
FanfictionQuel sentiment étrange. Croiser le regard de l'inconnu qui change tout. Il plante son regard dans le mien comme une graine dans le sol. Une petite tige croît. Les battements de mon coeur s'affolent. Le sentiment étrange se métamorphose et s'enracine...