SUNFLOWER

[18] Seuls au monde.

☀ FLASHBACK ; SAMEDI 10 H 31 / JOUR 78

Il m'a toujours caché son côté un peu fou. Celui qui apprécie l'adrénaline, l'aventure, les choses qui font battre le cœur aussi vite que Hanahaki puisse le faire. Il ne m'a jamais parlé de son goût pour les folies, pour les interdits. Il a un béguin pour tout ce qui semble posséder un potentiel danger. Il ne m'en avait jamais parlé, mais je savais qu'il avait ça en lui. Je savais qu'il était loin d'être aussi sage qu'il ne le laissait paraître. Et jusque-là, il a su se tenir face à moi. Jusque-là, il ne m'avait jamais montré ce côté-là de lui. Mais il semblerait que ce samedi fut différent de tous les autres. Et il l'a été en bien des points. Le premier ? Le plus important ? Le point essentiel : c'était notre jour de presque-rencard. Jeudi matin, juste avant le cours de biologie, il m'avait envoyé ce message :

💬De Toi, jeu 07:57.
Je sèche ce matin. On se retrouve au B.C. C'est ton jour de deal.

PS : Garde ton samedi. Ce sera notre presque-rencard.

B.C. c'est le Bestial Club. Mon «jour de deal», signifie que c'est à moi de lui apprendre deux ou trois nouvelles techniques de combat, et ce Post Scriptum a eu pour effet de me faire gueuler un «Quoi !» sans aucune réserve devant l'enseignante qui venait d'arriver. Elle s'est sentie agressée et j'ai dû m'expliquer. Elle a rougi quand je lui ai parlé de mon premier vrai rencard. Les autres n'ont fait que jasé dans mon dos en se demandant qui pouvait être ma petite-amie tandis que l'écureuil blondinet et Satan m'ont fixé presque méchamment. Je n'ai pas cherché à comprendre leurs raisons que je ne connais pas. Bref, c'était un samedi des plus attendus. Hâte et angoisse m'ont collé le train pendant les jours qui l'ont précédé. Lequel choisir ? J'avais tellement envie d'être samedi. Je me demandais, depuis qu'il avait envoyé le message, ce que nous allions faire. Cependant, je flippais aussi. Aurais-je dû, moi aussi, préparer quelque chose ? Je ne savais pas. Nous n'en avions pas réellement parlé et il semblait avoir déjà ses idées.

C'est LE point essentiel de ce samedi. LA grande différence par rapport aux autres samedis. Cependant, il y en avait une autre. Il avait décidé d'enfin me montrer son côté aventureux. Celui qui aime braver les interdits. Il m'avait prévenu. «Prends un manteau chaud et mets des chaussures hautes.» Je n'avais vraiment pas pensé à la moto. D'où sort-il cet engin ? Le moteur ronronnait. Noire. Grise. Il éteignait le moteur, descendait et retirait les lunettes rétro et le casque noir qui va avec avant de les poser sur le siège. Il me souriait et avançait vers moi avant de se baisser, de poser sa main sur mon visage et de m'embrasser comme si tout cela était naturel. Comme si tout cela c'était nous deux. Bonne nouvelle : ça l'est. C'est nous deux. Il reculait et me proposait silencieusement le deuxième casque qu'il avait pris pour moi. Je l'acceptai et regardai une fois de plus cet engin.

- Où t'as déniché ça ?

Il haussa les épaules.

(Sunflower) C'est important ?

Je riais légèrement en lui glissant un «Non» dans le creux de l'oreille avant de passer à côté de lui et de mettre mon casque. Il se retournait, me souriait et faisait de même. Je l'observais passer sa jambe droite au-dessus du deux-roues et d'un regard jeté sur moi, il m'indiquait de faire de même. Alors je m'élançais avec enthousiasme et je montais derrière lui. Il m'indiquait où poser mes pieds, mes bras. Il me montrait comment me tenir et me mettait en confiance même si je n'avais pas besoin de cela. De la confiance ? Pour lui, j'en ai à revendre. Dans un futur plus ou moins proche, je le regretterai. Ce jour-là, je m'en fichais. C'était samedi et c'était notre presque-rencard. C'est ce jour-là que j'ai su où il se trouve quand il n'est nulle part dans Stohess. Lorsque je ne le trouve pas, il roule. Lorsque je ne sais pas où il est, il est là-dessus. Sur cet engin. Il n'entend rien. Il ne voit que ce qui se trouve face à lui. Il ne pense à rien et ne fait que ressentir la vitesse.