SUNFLOWER

[27] Mon Refuge.

☔MERCREDI 21 H 04 / JOUR 110

Si seulement il avait souri, heureux de me dévoiler ce qu'il ressent. La tristesse dans son regard vide ne s'accordait en rien aux paroles qui m'ont rendu heureux. Ses sentiments ne lui donnent pas autant de joie que ceux qui fleurissent en moi, pour lui. J'étais partagé : soulagé, charmé, comblé ; mais quelque peu amer de sa peine. Les mots d'affections sonnent désespérés lorsqu'ils sont exprimés avec mélancolie. Je sais qu'il est sérieux et qu'il pense ce qu'il me dit. Je sais qu'il ne me ment pas. Il en est incapable.

Je me suis assis à côté de lui. J'ai posé chaleureusement ma main sur son visage afin qu'il me regarde. Je l'ai embrassé, il a posé son front contre le mien, j'ai reconnu sa tendresse qui m'a ému. Elle m'a tant manqué. Il a fermé les yeux si fort pour ne pas pleurer que même sans le voir, j'ai senti ses traits de visages se froisser. Et après une mûre réflexion, bien que je ne souhaitais pas réitérer mes erreurs, je lui ai fait une nouvelle promesse.

- Un jour tu seras heureux de m'le dire, Sunflower.

A cet instant, ses doigts se sont engouffrés dans mes cheveux de jais et j'ai senti à sa force qu'il avait besoin d'entendre cette promesse. Il avait besoin de savoir que j'étais de retour près de lui.

(Sunflower) J'te crois.

Je suis resté avec lui un long moment. Allongé dans son lit, il s'est endormi contre moi et je le regardais, désireux de pouvoir, un jour, réellement faire disparaître toutes ses angoisses. Même dans mes bras, ses démons sortaient et le hantaient.

☁ JEUDI 07 H 39 / JOUR 111

Je suis rentré tard, hier soir. Ma mère m'a questionné et je lui ai expliqué. Ce qu'elle ne sait pas à propos de Sunflower ? C'est ce que je ne sais pas moi-même. Elle a toujours été ma plus grande amie, ma confidente la plus proche, la personne en qui j'ai une confiance aveugle. Je lui ai fait part de mes doutes, de mes questionnements et de mes peurs. Désormais, ce sont les interrogations autour du passé de Sunflower qui sont encore plus présentes. Dans quelles circonstances son père et son frère sont-ils morts ? Qui était donc cette petite fille sur la photographie qu'il m'a montré ? Il m'a bien parlé de son frère manquant sur cette image mais pas de cette jeune fille qui semblait être de son âge. Par ailleurs, je me demande ce que voulait dire la Binocle lorsqu'elle m'a dit qu'il avait disparu pendant deux ans sans donner une seule nouvelle et revenir comme si de rien n'était. Que fait-il lors de ses fameuses disparitions ? Sont-elles liées à sa drogue ? Pour autant, de toutes mes interrogations, l'une d'elles me tourmente tout particulièrement : Que veut-il dire lorsqu'il parle d'une douleur ? Il a, à plusieurs reprises, évoqué une douleur. Principalement lorsqu'il parle de la drogue. Il dit en consommer pour ne plus sentir la douleur. Est-ce métaphorique ? Psychologique ?

Je lui ai dit : j'ai des milliards de questions à lui poser. Il a décidé qu'il les écouterait toutes dès qu'il se sentirait près.

J'arrive devant le lycée. Première constatation : il y a du grabuge. Un regroupement d'albinos pubères perturbe la mini-sieste de ceux qui aiment profiter du matin pour grappiller quelques minutes de sommeil. Certains trouvent soudainement plus d'intérêt à ce qu'il s'y trouve plutôt qu'à leur clope qui se consume dans leur main. J'avance doucement. J'établis un plan rapide pour éviter le grabuge. Toutefois, plus j'avance, plus je comprends qu'il s'agit d'une bagarre que je ne pourrai pas éluder. Sunflower est au centre de l'attention. Que se passe-t-il ? Contre qui se bat-il ? Peut-être que je pourrais enfin avoir l'opportunité de foutre des visages sur ceux qui ont harcelé Satan. J'active le pas et arrive rapidement près du troupeau. Je me faufile difficilement, poussant quelques uns, donnant des coups de coude à d'autres pour me frayer un chemin et enfin arriver devant le spectacle qui éveille tant de curiosité.