[23] Son 𝑁𝑜𝑤𝘩𝑒𝑟𝑒 Personnel.

228 51 16
                                    

☂ DIMANCHE / JOUR 86 + 10 H 12

J'ai ouvert les yeux lentement. Je ne ressens rien. Ni un poids lourd sur mon corps, ni ses bras derrière moi et encore moins sa chaleur qui a déjà disparu lorsque je me suis retourné pour m'assurer que je me trompe. Je ne me trompe pas. Il n'est pas là. Et alors que la déception se fait passagère, un mal de crâne me persécute sauvagement en me ramenant les pieds sur terre. Un flash de ce qu'il s'est passé ces dernières vingt-quatre heures me fait pencher par-dessus le lit, une nausée si forte et violente qu'elle me tord les organes dans tous les sens. Ce n'est pas le réveil que j'espérais, je l'admets. Quelques heures avant, en m'endormant dans ses bras je me voyais me réveiller contre lui, sans avoir une seule pensée pour ce qu'il s'est passé et dans l'idée d'avoir un dimanche un peu plus long que la moyenne, une escapade qui me permettrait de tout oublier. Et tandis que mes espoirs se condensent formant une boule douloureuse et gênante dans ma poitrine, je réalise que ce qui me déçoit le plus est l'absence de ses bras autour de moi.

Je me redresse. Mal au crâne, mal au ventre. Le corps lourd de tout. Les pensées sombres et la fatigue me tirent vers le sol, aggravant la puissance de la gravité, chaque pas est difficile et j'ai l'impression de tomber dès que j'avance. Je pèse une tonne, le même poids depuis la soirée. J'arrive finalement à la porte de sa chambre et je l'ouvre discrètement. Il est là. Debout. La poignée de la porte du Bestial Club dans la main. Le froid de l'hiver approchant pénètre dans la pièce déjà peu chauffée. Cette poignée résiste à la force de ses doigts. Ses phalanges ressortent assez pour que je sache qu'il est en colère. La raison ? Elle se tient debout, face à lui, dehors, de l'autre côté de la porte. Cette femme qui est venue plus tôt. Madame B. D'ici, je distingue vaguement les choses, mais je peux définitivement entendre leur conversation et elle n'est pas amusante. Madame B n'est pas là pour rien. Sunflower fronce de plus en plus les sourcils et sa patience a été puisée dans les précédentes heures alors qu'il prenait sur lui pour me venir en aide de la meilleure façon qu'il le pouvait. Si j'ai vite remarqué une chose chez lui, c'est qu'il ne faut jamais croire que le calme qu'il montre est un signe de patience parce qu'au fond de lui, il bout comme un volcan actif.

(Madame B) Tu te rends compte de l'état dans lequel il est ? Eren ! Tu m'écoutes au moins ? Ce gamin est à l'hôpital, le nez et les côtes cassées ! N'as-tu pas honte ?

Il ne m'en faut pas davantage pour comprendre le sujet de la conversation. Erd. Ce monstre qui m'a agressé. Le connard de la soirée. Tandis que Sunflower m'est venu en aide, bien que tardivement, il se fait remonter les bretelles pour avoir frappé ce type. La Binocle m'a envoyé un long pavé par sms afin de me tenir au courant de la situation, où du moins, de ce qu'elle en sait. Le type a été accepté aux urgences, quelques minutes après que l'on soit parti de la maison, lorsque Sunflower m'a pris sur son dos et m'a sorti de cet enfer. Je dormais contre son épaule alors que les urgences prenaient soin de ce salopard, lui administrant les soins requis. Ainsi, pendant que Sunflower prenait soin de moi, et je n'en ai pas un seul souvenir, l'autre con était à l'hôpital. La Binocle m'a dit qu'il avait été assommé et qu'il était parti dans un sale état. Je ne sais pas à quel point. Je me souviens seulement du sang de ce connard qui giclait sur le visage de Sunflower. Se mélangeant à ses larmes de rage et de violence. Je ne me souviens que de ses quelques poings qui le frappaient avec une violence que je ne lui donnais pas avant et pourtant je l'aide à s'entraîner chaque semaine.

(Sunflower) Honte... souffle-t-il durement.

Un rictus passager prend possession de ses lèvres. Il reproche quelque chose à madame B. Je ne sais pas ce qu'il lui reproche mais j'en suis certain, il a quelque chose contre elle. Quelque chose qu'il ne lui dit pas, qu'il garde pour lui comme il le fait pour tout. Je sais qu'un jour, il tombera encore plus bas. A cause de cela. Parce qu'il ne parle pas. Parce qu'il ne s'ouvre pas. Je le sais, parce que je suis passé par là. Et lorsque je me suis ouvert à mon oncle, à ma mère, les choses ont été soudainement plus facile. Ils ne m'ont pas jugé. Ils m'ont soutenu. Ils m'ont aidé à prendre des décisions, à faire des choix. Parfois difficiles, leur soutien était alors ce que j'avais de plus cher et c'est toujours le cas. Je ne me vois plus, désormais, leur cacher la moindre chose à propos de moi, même si je ne leur parle pas de suite. C'est connu, il faut toujours un certain temps d'acceptation de soi-même avant de pouvoir parler. Une confiance en soi et surtout envers l'autre demande un effort humain compliqué pour beaucoup si ce n'est tout le monde. Et pour certains, comme Sunflower, cela paraît inimaginable.

SUNFLOWEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant