SUNFLOWER

[30] Etrange Intervalle.

FLASHBACK /
14 MOIS PLUS TÔT :
☾ JEUDI / 23 H 41

Le silence est rare dans ces rues. Le noir est souvent effrayant mais parfois confortable. La Lune ne brille pas ce soir. Il ne fait pas froid et l'air irrespirable devient un peu plus léger. Isabel sautille joyeusement. Ce soir est une bonne soirée. Farlan a réussi à s'en sortir. Il peut même quitter le groupe de cinglé pour lequel il travaille depuis déjà quatre ans. Durant ces quatre années, les risques ont été beaucoup trop nombreux. Je ne compte plus le nombre de fois où il est rentré gravement blessé, plein de sang. Je ne compte plus les larmes d'Isa ni le nombre de mes interventions pour sauver la peau de son grand-frère quand il s'attirait des problèmes mortels. Elles ont été dures ces quatre dernières années. Je l'avais mis en garde contre ce genre de pratique. Lorsqu'un groupe de cinglé te demandent de vendre de la drogue, ce n'est que le début. J'avais raison. Farlan a changé ces dernières années. Je l'ai vu tué de sang froid pour gagner cet argent auquel il s'accrochait. Nous nous sommes souvent disputés à ce sujet. Toutefois, j'admets qu'il a réussi. Il a même pu quitter le gang sans avoir de problème. Je n'y croyais pas au début, mais cela fait deux semaines et il ne s'est rien passé. Il l'a vraiment fait.

Je l'ai toujours admiré. Il a fait beaucoup d'erreurs mais il a toujours été là pour elle, je le concède. Il pourra partir dans quelques semaines. Depuis le temps qu'ils en rêvent tous les deux, cela va enfin devenir plus qu'une promesse. Nous avons le sourire aux lèvres. J'ai le cœur léger. Je sais que je les rejoindrai bientôt. Ma mère et mon oncle seront avec moi et je pourrai les voir tous les jours, vivre avec eux. Je ne peux pas m'enlever cette idée de la tête, encore moins le sourire qui va avec. C'est une belle soirée et nous pouvons en profiter. Même dans ces rues pavées noires, nauséabondes et terrifiantes, on peut se sentir bien parfois. Mes deux frangins ont hâte de rentrer chez eux et de réunir leurs affaires. De se préparer pour enfin s'évader. Chacun de nos pas nous amène jusque chez eux. D'ordinaire, chaque pas est un danger mais ce soir est différent. Les rues sont calmes, nous sommes seuls et nous pouvons rire et chanter. Isa sautille de joie, légère d'une jolie soirée. L'air habituellement irrespirable est bien plus gracile ce soir.

(Farlan) Ca va l'faire, p'tit-frère. Sourit-il grandement. Il me donne un coup dans l'épaule. Tu verras, Isa deviendra médecin, comme elle le voulait et toi et moi on pourra être fière d'elle, de nous.

Je sourit légèrement en la regardant sautiller. Il a raison. Elle a un avenir radieux devant elle. Elle pourra faire de ses rêves une réalité et elle pourra être quelqu'un. Farlan a tout sacrifié pour cela. C'est comme un poids qui se retire. Je me sens comme libéré. Je sais qu'il ne risque plus sa vie, je ne passerai plus mes journées à flipper pour lui. Je sais qu'elle pourra enfin sourire et rire comme elle le souhaite. Elle est si jolie quand elle semble vivante. C'était dangereux, mais il a vraiment réussi. C'est simplement incroyable. Je ne me suis jamais senti aussi bien que ce soir. Je ne les ai jamais vu aussi souriants, tous les deux.

Isa continue de sautiller. Elle se retourne.

(Isabel) Livai ! Elle rit de bon cœur.

(Farlan) Arrête de courir ! Tu vas tomber ! Il la sermonne sans même avoir l'intention d'y mettre le ton. Il sourit et rien ne pourrait lui retirer sa bonne humeur.

(Isabel) On est enfin-

SAMEDI 17H02 / JOUR 113

Je n'ai jamais su ce qu'elle voulait me dire. Ce sont les trois derniers mots qu'elle m'a adressés.