[7] Sous les nuages.

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LUNDI 21 H 36 / JOUR 44

Après plus de deux heures de cours dispensés par la Binocle, je peux enfin rentrer chez moi. Ma mère m'y attend pour dîner et cela faisait un long moment que nous n'avions pas pu dîner ensemble, l'idée me semble alors fabuleuse. Nous n'avions pas passé de temps ensemble depuis de longues semaines. Chacun à travailler sur ce qu'il devait faire. Ma mère et moi sommes proches. Les épreuves obligent, j'imagine. Tous ce que l'on a vécu dans notre ancienne ville n'a fait que nous souder. Elle a toujours été, pour moi, ce qui était pour beaucoup d'autres enfants un héros. Elle était en quelque sorte, mon héroïne et je dois bien admettre qu'elle l'est peut-être encore un peu. Juste un peu. Ma mère a vécu tant de difficultés. Tant d'épreuves et de misères. Elle a vécu dans la pauvreté, la violence et même si elle n'a pas toujours pris les meilleures décisions, tous ces choix étaient fait en me considérant, moi, en premier. J'étais toujours son petit garçon qu'elle tentait de protéger à tous prix.

Ainsi, elle me disait souvent que son premier choix, lorsqu'elle m'a tenu dans ses bras pour la première fois à ma naissance, était celui de partir un jour. S'installer à Stohess. Ici-même. Je ne savais pas pourquoi cette ville et elle ne me l'a jamais dit, mais c'était son choix qui s'est métamorphosé en notre rêve. Alors je l'admets, je voue une admiration particulière à ma propre mère, cette héroïne qui m'a sauvé d'une vie de violence et de crimes en tous genres. Ma mère savait qu'un jour, si je restais là-bas, je commettrais des interdits irréversibles. Nous sommes partis bien avant cela. Aujourd'hui, elle s'est trouvée un vrai travail, une vie stable, des amis et des collègues avec qui elle s'entend merveilleusement bien. Et même un homme assez proche d'elle pour qu'elle puisse penser à entretenir une réelle relation.

J'ouvre la porte et dépose mes affaires dans l'entrée avant de me diriger rapidement vers la cuisine en sentant une bonne odeur de dîner. En arrivant dans la pièce : personne. Je pensais la trouver ici. J'avance vers le dîner qui se trouve encore sur les plaques à induction, éteintes. Je retire le couvercle de l'une des casseroles et plonge le bout de mon doigt dans ce qui me semble être remarquablement délicieux. Et je ne me trompe pas. Je repose le couvercle et me retourne subitement en entendant un bruit étrange. C'était un cri. Léger mais qui semblait douloureux. C'était elle. Je me précipite dans le couloir d'où provenait le cri. Il ne serait pas étonnant qu'elle se soit prise dans des vêtements qui traînaient encore au sol. Et je lui avais demandé d'arrêter de foutre le bordel, je l'avais prévenu qu'un jour elle se ferait mal en tombant. Jusqu'à aujourd'hui elle avait eu de la chance.

Jusqu'à aujourd'hui.

Devant la porte de sa chambre, je souffle d'avance afin de me préparer à la scène qui se trouve derrière. Pensant devoir l'aider à se dépêtrer d'une montagne de linge sale qu'elle est incapable de mettre dans la panière. Ma mère est une bordélique. Elle me demande souvent d'où me vient ce qu'elle nomme «l'allèle de propreté». Il ne me semble pas que ce genre de chose soit héréditaire. J'imagine qu'il ne m'a fallu qu'un contre-exemple que je nomme habituellement «Maman». J'ouvre la porte en grand.

- Je t'avais dit de-

J'écarquille les yeux et reste bouche bée face à la scène qui se trouve sous mes yeux. Ma mère et un homme se trouvent ensemble et je me fiche bien de ce côté-là de la situation. Cela ne serait pas la première fois que ça m'arrive. Ma mère était une prostituée, je me suis retrouvé dans cette situation à de nombreuses reprises et dès un âge où l'on ne se rappelle de rien. Ils me regardent choqués et je pose mes yeux sur le chevet de sa chambre, près de son lit. Un réflexe maudit. Un réflexe qui pourrait lui faire croire que je n'ai pas confiance en elle, mais c'est faux. C'est un réflexe que j'ai adopté pour savoir quand est-ce qu'elle était dans un lit pour le travail ou parce qu'elle avait un petit-ami. Un réflexe qui ne devrait plus me servir aujourd'hui.

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