SUNFLOWER

[4] Satan, Binocle & Sunflower.

☀ SAMEDI 19 H 15 / JOUR 26

Lorsque j'explique les choses à ma mère, voilà comment ça se passe : je parle mais trop peu à son goût, elle me pose des questions agaçantes auxquelles je réponds souvent. Et c'est à partir de là, que ça devient encore plus embêtant. Ma mère pose les bonnes questions. Des questions qui me tortureront. Celles qui feront réfléchir. Celles qui m'ouvriront les yeux. Cependant, si parfois l'illusion est là, c'est que l'esprit et/ou le coeur ne sont pas prêts pour la réalité. Suis-je prêt pour la réalité ? Quelle serait-elle ? Les trois milliards de questions qui me pleuvront dessus, ne seront pas des gouttes de pluies mais une pluie d'étoiles. Violente et alarmante. Je ne veux pas cela. Je ne suis pas près à entendre sa morale de femme de trente-huit ans. Son expérience de vie, n'est pas la mienne, je ne veux pas l'entendre.

Elle trouve du bon partout et dans tous les cœurs. C'est parfois apaisant, c'est parfois agaçant. Si je lui parle de Sunflower, elle me parlera des cent possibilités qui expliqueraient sont comportement. Si je lui parle de son insolence, elle me parlera de ce qu'elle cache, cette insolence. Et malgré le fait que je veuille le détester pour ce qu'il a dit, je ne suis pas un idiot complet. J'ai conscience que son comportement cache bien des cicatrices. La méfiance, la paranoïa, la distance, l'insolence, le fait de blesser toute personne qui s'approche de soi. Tout cela ce sont des conséquences. Des conséquences d'une confiance piétiné, d'une absence difficile à accepter, d'une présence qui fait mal, d'une ou plusieurs personnes qui détruisent une part de soi. J'en ai payé les frais. Ceux de la trahison, ceux d'une confiance aveugle, ceux de la perte subite de proches, ceux d'une vie de méfiance. Sunflower a vécu quelque chose de difficile et je ne peux pas lui en vouloir pour cela, en revanche, je peux me sentir blesser de ses insultes. Je veux encore l'insulter de connard le temps que ses mots me blesseront encore.

Néanmoins, s'il y a une chose que je sais dont lui ne semble pas être au courant, c'est que la vie peut-être aussi bonne qu'elle en est mauvaise. Depuis que ma mère et moi sommes partis de la Ville Souterraine, nous avons avancé. J'apprends, doucement, difficilement à devenir celui que je voulais être. Pas un gamin de cet endroit horrible, mais bel et bien quelqu'un, ici. J'ai accepté la binocle. Une amie, la première, ici. Elle m'apprend à être moins froid, elle m'apprend à faire confiance, elle m'apprend qu'il n'y a pas que des mauvaises personnes. Elle m'a dit que la plupart des gens ont même des bonnes intentions. C'est difficile à croire pour moi. Et la méfiance est toujours là. C'est un bouclier qui m'empêche d'être touché profondément. Un mélange de froideur et d'indifférence pour dire «Stop» aux émotions.

J'accepte donc qu'il a ses raisons d'être ainsi. Toutefois, je sais aussi que ça me fait mal de faire des efforts pour qu'il puisse tolérer ma présence, alors qu'il ne croit même pas en moi. Qu'il se fiche de moi. Et si j'explique cela à ma mère, elle me dira de demander à Hanji, comment j'étais avec elle il y a plus de deux semaines. La binocle me répondra : insolent, blessant, méfiant, terriblement emmerdant. Comme Sunflower. Je n'ai pas besoin de l'entendre, je le sais mais je suis en colère.

- C'est sans réelle importance. Juste la fatigue et le lycée. Un prof m'a pris la tête, rien de plus.

Elle me regarde inquiète. Je voulais éviter ça.

(Kuchel) Tu es sûr ? Tu veux qu'on prenne un rendez-vous ou changer de lycée ? Le niveau est peut-être trop élevé, tu peux aller dans un ly-

- Non, maman, c'est bon. Ne t'inquiète vraiment pas. Mes résultats augmentent et puis je prends mes marques. C'est juste un rythme à prendre et c'est fatigant.

Je tente une léger sourire qui fait son effet. Elle sourit à son tour, me passe sa main dans les cheveux et me regarde avec ses jolis yeux.

(Kuchel) D'accord. N'hésite pas à me parler si besoin.