☁ MERCREDI 19 H 12 / JOUR 68
Trois. Trois jours que je ne l'ai pas vu. Et c'est pire que cela. Je ne l'ai pas vu et je n'ai aucunes nouvelles. Pas d'appels. Pas de messages. Il ne dit rien. Il se tait. Je m'inquiète. Il n'est pas venu en cours. Cela ne lui arrive jamais de sécher trois jours d'affilée. Des demi-journées oui, mais pas trois jours complets. Il n'est pas venu en salle de tutorat, il n'a donné aucun cours alors que je sais qu'il aime ça. Même malade, il s'y rend d'ordinaire. Il n'y a que son silence. Son absence. Depuis trois longues journées. Et ce qui m'inquiète le plus c'est cette absence dans les messages. Il m'en envoie au moins un chaque matin, toujours plus ridicule que le précédent et j'en ris à chaque fois. Cependant depuis trois jours, il n'a rien envoyé, rien dit. Il n'a pas répondu à mes messages. Il ne répond pas à mes appels le soir. Et ma colère prend le dessus sur l'impatience et l'inquiétude. Je n'aime pas cela.
Comment va-t-il ? Est-il malade ? S'est-il passé quelque chose ? Est-il au Bestial Club ? Je m'y suis rendu plusieurs fois, aucunes lumières, aucunes présences. Pas même celle de Cadavre. Il n'y avait personne à chaque fois. Où est-il ? Je suis si inquiet pour lui que je m'en suis pris à ma mère, hier soir. Nous n'avons pas reparlé depuis. Heureusement pour moi, je sais qu'elle me connaît et que j'ai parfois quelques problèmes pour maîtriser mes émotions. Mon plus gros souci, lorsque je prends sur moi, c'est que le mélange de mes incertitudes, mes doutes, mes regrets, mon chagrin, mes peines, mes inquiétudes, forme une bombe à retardement qui porte le nom de colère. Elle a explosé hier, contre ma mère.
Je doute. Est-ce qu'il m'évite ? Est-ce qu'il ne veut plus de moi ? Est-ce que je l'ai blessé sans le savoir ? Suis-je assez con pour faire ça ? Je m'inquiète. Est-il malade ? Est-il seul confronté à un défi trop compliqué ? Je repense à ce jeudi soir là, lorsqu'il était poursuivi par des connards sous une pluie battante. Je regrette. Des mots que je n'aurais pas dû lui dire, même s'il semble me les pardonner, je sens qu'à chaque fois qu'il me révèle quelque chose de lui, de son passé, il prend une certaine distance avec moi parce qu'il n'aime pas ça. Et il n'a jamais voulu me parler de lui. A chaque fois je l'ai forcé parce que je suis trop aveugle pour voir les choses par moi-même. Je repense souvent à cette phrase : «Tu crois réellement que j'habite seul dans un gymnase parce que c'est c'que j'veux ?!». Qu'a-t-il vécu ? Comment sa mère est-elle morte ?
La mienne pour le coup a encore du mal à avaler ce que je lui ai dit hier soir. Elle sait que ma colère est parfois injuste et que lorsque j'explose de cette manière je ne réfléchis à rien. J'ai mis du temps à contrôler ça. Néanmoins, il existe encore des moments rares, où j'oublie tout de ce que j'ai appris pour me contrôler et je laisse la bombe s'exprimer pour moi. Elle explose violemment. Je sens la colère qui monte, comme si l'on remplissait une bouteille d'eau. Le niveau de cette rage que je ressens augmente. Je la sens m'envahir dans mon corps entier, sans contraintes aucune. Elle prend possession de moi. Et lorsqu'elle entre en contact avec mon cœur : boum. Je dis des choses que je ne veux pas dire. Je fais des choses que je ne veux pas faire. L'eau déborde de la bouteille. L'être que je suis n'est plus un récipient assez volumineux pour supporter ce trop. Je hais le monde dans ces moments là. Je hais ce que je vois, ce que j'entends et ce que je ressens. J'ai haï ma mère. Et je déteste ce sentiment. Sunflower ne sait pas ce qu'il me fait ressentir.
Lorsque j'ai vidé mon sac sur les épaules de ma pauvre mère, il était trop tard. Elle était choquée. Elle me regardait avec stupeur, avec peur. J'ai eu honte de moi. Honte de ma colère. J'ai fui. Ce n'est malheureusement pas une première. J'ai récidivé. Néanmoins, ma mère a beau savoir que ce que je dis et fais dans ces moments là n'est pas moi, cela en reste toujours très blessant. Je ne me souviens jamais de ce que j'ai dit. Comme si cette eau tumultueuse qui débordait n'était pas moi. Elle prend possession de mon corps. Ma voix, mes mains, mes gestes, mes yeux, difficile de penser qu'il ne s'agisse pas de moi. Pourtant je ne me souviens jamais de ce que je dis. Ainsi, comme à chaque fois, j'ai détourné les yeux et je lui ai soufflé un faible désolé misérable avant de courir en dehors de la maison.
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SUNFLOWER
FanfictionQuel sentiment étrange. Croiser le regard de l'inconnu qui change tout. Il plante son regard dans le mien comme une graine dans le sol. Une petite tige croît. Les battements de mon coeur s'affolent. Le sentiment étrange se métamorphose et s'enracine...