☾ MERCREDI 02 H 12 / JOUR 110
«Dis-moi ce que tu ressens.»
Je projette mes propres mots sur le plafond sombre dans la nuit. Les yeux rivés dans le vide. Le silence autour de moi. Je n'entends que cette phrase qui se percute à mes pensées sans cesse depuis plus de trois heures.
«Dis-moi ce que tu ressens.»
Je réalise combien j'ai été égoïste. Alors que je lui ai foutu mes exigences sous le nez, je ne lui ai même pas parlé de ce que moi je ressentais. Il a ses torts. Mais je dois reconnaître que j'ai les miens aussi. Ils sont nombreux et non négligeables. Comment cela pourrait-il être le cas alors que j'ai vu combien je l'ai blessé. Il a raison. Je lui ai dis qu'on irait bien tous les deux. Je lui ai promis que rien ne pourrait faire obstacle entre lui et moi. Je lui ai fait croire en Nous parce que j'y ai vraiment cru. Il m'a pourtant supplié à plusieurs reprises de ne pas commencer une relation périlleuse. Et finalement, il m'a fait confiance. Et je ne l'ai pas vu. Il s'est laissé aller vers moi. Il est devenu mon presque-petit-ami. Il a pris la décision de s'ouvrir doucement à moi et je ne lui ai pas laissé le temps de s'habituer à cette situation. J'étais pourtant le premier à lui dire que je saurai m'adapter à son rythme.
Cependant, je ne m'attendais pas à ce qu'un jour il choisisse sa drogue plutôt que moi. Et même si j'ai déjà vu pire qu'un homme drogué, je ne savais pas combien cela pouvait être difficile et blessant de faire partie des proches d'un dépendant. Je me suis lancé, sans lui demander son avis, dans une lutte contre sa dépendance. Cherchant des solutions pour qu'il cesse de se droguer. Je pensais que c'était la seule façon de l'aider. Je pensais que c'était son plus gros problème. Je me trompais. La drogue n'est que le retentissement à tout ce qu'il garde pour lui. Je ne vais certainement pas l'encourager à continuer mais je ne peux pas l'aider de cette manière. Ce n'est pas dans mes compétences. Cela dit, je ne sais plus comment m'y prendre avec lui. Je ne sais plus ce que je dois faire pour lui.
D'une certaine manière, je l'ai trahi autant qu'il l'a fait envers moi. Mes mots étaient naïfs et je n'ai pas su mesurer mes propos. Aveuglé par Hanahaki et toutes ces nouvelles sensations, toutes ces nouvelles choses qu'il m'a fait ressentir, j'ai pensé qu'à deux, tout irait bien. J'ai pensé que j'étais suffisant pour lui et lui pour moi. Ce que je ressens pour lui, je le ressens pour la première fois. Il a été la première personne à m'attirer à ce point. Les étoiles dans les yeux et le cœur illuminé de sornettes amoureuses, j'ai cru que Hanahaki était ce qui pouvait y avoir de plus fort. Je sais désormais que c'est faux. Si Hanahaki était imbattable, je serai dans ses bras. Or, je suis seul, face au vide et entouré de silence. Mes pensées dansent.
«Dis-moi ce que tu ressens.»
Je ne peux pas lui demander cela sans même lui dire ce que je ressens et ce que je veux de lui. Peut-être ne comprend-t-il pas ce que je veux. Il y a quatre jours, au soir, en rentrant alors qu'il a refusé, une fois de plus, de me parler de lui, je me suis effondré dans les bras de ma mère et je lui ai expliqué ce qu'il se passait. J'étais déçu. J'étais en colère. Tellement triste. Je lui ai clairement dit que je ne voulais pas le revoir. J'étais blessé. J'avais l'impression que tout ça ne signifiait rien pour lui. Je savais dans quel état il se trouvait, mais à cet instant-là, je n'étais pas lucide. Mon esprit était en feu et la fumée me brouillait la vision. Je suis parti sans me retourner. Les poings fermés en réalisant qu'il ne me faisait pas confiance. Du moins, c'est ce que je pensais à ce moment-là. Et pendant que je pleurais dans les bras de ma mère, je me rendais compte que malgré tout, je regrettais de rompre. Je l'aime et je ne veux pas faire une croix sur lui.
Ma mère m'a écouté. Et elle m'a alors demandé : «Est-ce que tu lui as dis ce que tu ressens ?»
Je ne l'ai pas fait. Je ne lui ai pas dit tout ce que j'ai ressenti concernant le viol. Je ne lui ai pas parlé de ce sentiment de trahison qui persiste en moi alors qu'il a choisi sa drogue. Je ne lui ai pas parlé de la douleur de notre dispute. Je ne lui ai rien dit ces derniers temps. Pas même de comment s'est passée ma déposition de plainte. J'étais à l'étroit dans mes nombreuses pensées. J'étais au plus bas, me pensant seul et trahi par un type qui préfère sa drogue à moi. Ces dernières semaines ont été difficiles et je voulais qu'il soit à mes côtés. Je voulais qu'il me soutienne. Je voulais son attention mais il ne pouvait pas me la donner. Il ne le pouvait pas puisqu'il était dans le même état que moi. Au cœur d'une tempête d'émotions vives et cruelles, profondément blessé et marqué par des personnes absentes, des mots en trop et des actes regrettés. Et alors que le seul moyen aurait été de se parler l'un à l'autre, nous nous sommes recroquevillés sur nous-mêmes cachant nos sentiments par honte. Se blessant mutuellement avec l'intention de camoufler nos peurs et de croire qu'on pouvait se soutenir alors même que nous étions aveuglés par cette tempête.
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SUNFLOWER
FanficQuel sentiment étrange. Croiser le regard de l'inconnu qui change tout. Il plante son regard dans le mien comme une graine dans le sol. Une petite tige croît. Les battements de mon coeur s'affolent. Le sentiment étrange se métamorphose et s'enracine...