Jour 7

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Je pousse l'atelier de mon grand-père, soulevant la poussière autour de moi. Retourner dans cette maison est douloureux, les souvenirs qui y courent me prenant aux tripes à chaque parcelle qu'attrapent mes yeux. J'entends le bruit lointain des pas de ma sœur, explorant elle aussi cette maison aux mille vies.

Tout y est encore, exactement comme Mamie l'avait rangé. Les outils, les blocs de marbres qui lui restaient, les modèles en terre cuite, ceux dessinés sur les murs, les visages en bois, et les paysages de pierre... Rien n'a changé. Il manque simplement Papy.

Je n'ose pas inspirer trop fort, de peur de me replonger trop loin dans un torrent sur lequel je n'ai aucune maîtrise, ou plus rationnellement pour ne pas réveiller mon asthme en respirant trop de poussière. Je me contente de déposer de délicats coups d'yeux autour de l'atelier. La statue du fond aussi, est restée fidèle à son poste, solide sur son socle, impénétrable et concentrée sur son lancer de javelot. La plus grande réussite de Papy selon Mamie, dont il était presque aussi fier que de sa famille. Une sculpture d'inspiration greco-romaine en marbre qui lui avait valu l'ouverture d'une exposition temporaire dans un musée de reconstructions historiques, et qui avait rendue Mamie folle : son mari ne sortait plus de l'atelier, il ne dormait vraisemblablement pas, n'avait l'air de toucher aux plateaux repas amoureusement préparés par la femme de sa vie, et ne s'était arrêté qu'une fois la statue enveloppée dans un drap grisâtre que Papy avait refusé de soulever bien trois ans après qu'il eut été achevé. C'était un travail d'orfèvre. Ma petite sœur, qui ne devait pas avoir plus de 7 ans à l'époque s'était exclamée que son mari aurait la même classe plus tard. J'esquisse un sourire au pensant à son mari à la fois rugbyman et boulanger, bien loin de cette finesse greco-romaine. J'hésite, puis me décide finalement à passer une main sur le bout des doigts du lanceur de javelot. Je frémis. Il me semble impensable d'en arriver à un tel niveau d'exactitude. Si j'avais fermé les yeux, j'aurais pu jurer que ce que je venais de toucher était certes un peu frais, mais bien vivant.

Ma sœur finit par me rejoindre. Elle prend mon bras, déposant sa tête sur le haut de mon épaule.

-Papy aurait été content de savoir que c'est toi qui aura fini par tout racheter.

Je hausse les épaules sans répondre.

-Il savait que tu étais le mieux placé pour reprendre son œuvre. Tu as toujours été le seul de toute sa descendance à savoir faire quelque chose de tes idées. A même avoir des idées, renchérit ma sœur. Tu étais le seul qu'il aurait laissé toucher à tout ça. Le seul assez sensible pour comprendre tout ça.

Que mon grand-père soit ou ai pu être fier de moi ne me retire pas du tout cette impression que je ne suis pas à ma place. Cette idée qui me taraude, qui me susurre que je ne suis pas vraiment à ma place dans cet atelier, l'atelier de mon grand-père, qu'il aimait à appeler « la raffinerie de la pierre ».


***

Mot du jour : Raffiné.

Décidemment... Je ne sais pas si c'est mon cerveau qui est au ralenti ou si les mots sont difficiles hahaha !!

J'ai dû appeler mon frère à la rescousse d'une idée, et qui m'a très aimablement rappelé qu'il n'y avait pas que les vivants qui pouvaient être raffinés.

J'espère que l'histoire vous plaît, sur ce je vais piquer un tit roupillon et à demain pour une nouvelle aventure :D !!!


Pentober 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant