J'y croyais

42. Alan

Mon poing.
Mon poing me fait atrocement mal. Je me tiens le poignet et regarde mes veines se mouvoir, laissant égarer leur chemin vers l'extérieur. Il me faut peu de temps pour réaliser que ma main devient rouge écarlate, couverte de sang. J'essuie son dos puis ma paume sur mon pantalon avant de laisser un oeil sur Jake.

Il relève la tête, lui aussi en sang. Est-ce qu'on y est aller un peu fort ? Difficile à jauger. Il se relève entièrement et titube vers moi. Je le sens venir à des kilomètres. Il s'approche, faiblard et tente de me mettre un coup poing que j'évite assez facilement. Je n'ai pas le temps de savourer ma petite victoire qu'il me prend en revers.

Sa paume contre ma nuque, c'est comme s'il déversait en moi toute sa rage et sa haine. L'impression d'avoir un courant qui traverse ma moelle épinière. Je tombe comme une mouche, en avant et ne manque pas de m'exploser le nez contre le sol en pierre de la pièce. Je n'ai pas eu la force d'utiliser mes avant-bras ou même mes mains pour me retenir. Je me sens comme immobilisé. Pourtant c'est simplement une sensation. Il n'a utilisé aucune magie. Pour une fois, il a joué fair-play.

Il finit par trébucher sur lui-même, et, vacillant d'avant en arrière, il finit par tomber sur le sol, près de moi. Je trouve la force de tourner ma tête pour le regarder, mon nez n'étant plus qu'un amas de sang. J'essaie d'articuler.

- Pourquoi t'es con comme ça, Jake.

- Je te retourne la question, Alan.

Il est dos contre le sol et peine visiblement à respirer. On a l'air d'une fine équipe, à terre, sans princesse.
Je le regarde un instant et mes yeux suivent le flot de sang qui s'écoule le long de sa tempe. Son visage fin et sa gueule d'ange me donne envie de vomir. C'est un homme, ça ? Pas capable de supporter la moindre provocation vis-à-vis de son égo, pas capable de se battre à la loyale. Du plus profond de mon être, je l'ai toujours su, Jake, que nous ne pourrions jamais devenir ami. Et j'en suis dorénavant convaincu depuis que j'ai compris ton petit jeu.

Peut-être qu'Emilyne fait semblant ou est naïve, mais cela ne prend pas avec moi.

- Jake, où est-ce que tu te vois dans 10 ans ?

- Au côté de la princesse

- En tant que son mari ?

- En tant que ce qu'elle voudra

Ce qu'il peut être stupide. Bête et stupide.

- Et si la princesse venait à mourir ? Non.. Disparaitre ? Qu'est-ce que tu ferais ?

- Cela n'arrivera pas, je suis là.

- Pourtant t'es à côté de moi, mais je ne vois pas de princesse.

Il ne répond plus. Et toc.

- Tu sais ce que c'est ton problème Jake ?

- Dis-moi, que je rigole.

Oh, pour rire, c'est plutôt moi qui vais rire mon ami. Tout ce que je renfermais en moi, tout ce que je sais que je cache, toute cette haine, gratuite si je puis dire, que j'ai à ton égard. Tu ne te relèveras jamais de la vérité, car elle est bien trop difficile à avouer.

- Tu n'as pas d'avenir.

- Tu es mal placé avec ta perte de pouvoir

- C'est la que tu te trompes.

Je me redresse difficilement, l'adrénaline ne fait plus vraiment effet et j'ai mal aux poignets. Et surtout au nez. Je souffre atrocement. Mais je sais que lui dire ce que je pense me fera le plus grand bien. J'efface comme je peux le sang qui s'écoule sur ma bouche.