1. Emilyne

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Quelques jours avant la véritable reprise des cours.

Je n'en peux plus de ce stage. J'ai choisi d'être médecin pour aider mon prochain, c'est vrai, mais là je ne fais office que de larbin sur patte. Je plains vraiment les infirmières pour qui ceci est le quotidien. Je finis de prendre la température à mon dix-septième senior de la matinée avant de me reposer dans un fauteuil se trouvant dans une chambre pas encore habitée. Je lâche un râle de fatigue et de désespoir. Il n'est que 9 heures et je ne sens déjà plus mes jambes. Si j'avais su que je commencerai à 6 heures du matin, je me serais passée de faire des soirées tous les soirs de juillet. Ma tête me fait atrocement mal et aucun de mes cours de premières années ne peut m'aider à guérir cela. Si, peut-être que le cours sur les opiacés pourraient être une solution ? Je secoue la tête en rigolant toute seule. Puis dans mon éclat, je relève ma tête, et constate en face de moi mon camarade de torture. Il me sourit et je suis gênée.

- Tu.. tu m'as entendue ?

- Et vue oui.

Mes joues deviennent rouges écarlates de honte avant qu'il n'éclate de rire à son tour. Ce type, je ne le connais pas plus que ça. Il est juste en binôme avec moi et il n'a pas l'air méchant mais il me met un peu la pression. Je grince des dents en le voyant rire ce qui l'arrête immédiatement. Il se penche vers moi, les mains sur les hanches. Il est assez proche pour que je puisse sentir son odeur qui n'est autre que l'odeur de son déodorant. Charmant. Il me sourit puis me fait signe qu'il allait se taire sur ce qu'il avait vu, c'est-à-dire une folle rire sur un fauteuil d'hôpital. Après son départ je décide de me lever, la pause a assez duré et j'ai encore des couches à changer. Un frisson de dégoût parcourt mon corps. Combien de temps vais-je tenir encore..

******

Je plie la blouse blanche qui me donne ce petit côté médecin que j'aime tant avant de dire au revoir au personnel de l'hôpital et de redécouvrir ma vie de jeune. Cette journée, comme toutes les autres, m'a lessivée. Je me dirige vers la bouche du métro 13, un chemin tout droit vers l'enfer. Évidement, mon train n'arrive que dans une dizaine de minutes et il sera encore une fois bien trop bondé pour y entrer. Je réfléchis, mon sac à main dans les mains et non sur mon épaule. Je me balance de droite à gauche comme un métronome. Est-ce que je rentre à pied ou est-ce que je l'attends et je meurs contre la vitre ? Ma flemmardise et mes chevilles douloureuses me font choisir le plus judicieux : la vitre. Après un bon moment d'attente, je réussis à me faufiler entre les aisselles et les sacs des énergumènes qui remplissent le wagon. Celui-ci avance, assez rapidement, pourtant les secondes me paraissent des heures. Le bruit assourdissant des roues qui raclent les rails me fait secouer la tête. Tout d'un coup, dans un bruit sourd, le train s'arrête. Je me sens projetée vers l'avant puis vers l'arrière. Je heurte de dos un jeune homme.  Au moment de vouloir m'excuser, il m'entoure de ses bras au niveau de mes côtes et me colle à lui. Lorsque j'essaie de me débattre, il serre plus fort ses bras contre mon abdomen et je sens ma respiration devenir saccadée. Je n'ose plus rien faire, et tout le monde se demande plutôt qu'est-ce qui s'est passé. L'homme derrière moi pose sa tête sur mon épaule et me chuchote à l'oreille des mots qui me glace le sang.

- C'est de ta faute. Mais ne t'en fais pas, tout va bien se passer, Princesse.

Je m'apprêtais à lui mettre une gifle pour ses dires lorsque le wagon se met à bouger de droite à gauche. Comme si des forces le faisaient tanguer violemment d'un côté à l'autre. Tout le monde dérive et les plus proches des portes hurlent de douleurs à chaque fracas contre les vitres. L'homme me tient toujours dans ses bras et subit les coups que je suis censé me prendre, avec ses bras. Je commence à regarder autour de moi. Qu'est-ce qui ce passe ? Le métro passe en sous-sol, et je n'ai pas entendu parler de mouvement de grève ou de manifestions sociales. Je tourne ma tête comme je peux et tente de regarder par une fenêtre du train. Évidement je ne vois rien, il fait noir à l'extérieur et ce n'est pas le peu de lumière du métro qui pourrait m'éclairer. Au moment où je pense à cette foutue lumière, celle du train s'éteint d'un coup. J'entends hurler et une crise de panique se fait savoir. Je me sens bousculée de partout et je commence à croire que mon agresseur ne me tient plus. Un courant d'air assez violent se faire sentir puis plus rien. Le wagon ne bouge plus et il redémarre en rallumant toutes ses lumières petit à petit. Tout le monde semble assez choqué de ce qui vient de se passer. J'entends jacter tout autour de moi. Mais tout autour de moi je ne recroise pas le regard de l'homme de tout à l'heure. Je me retourne et il n'est pas là non plus. Je laisse mon dos heurter le strapontin derrière moi et souffle un instant. Mon cœur fait des embardées.

*****

Je sors de ce métro de malheur et remets mon sac sur mon épaule. Je me précipite vers la sortie, je n'en peux plus, il me faut de l'air..! Je dévale les escaliers, bousculant tout le monde au passage et prend une bonne bouffée d'air frais. Je suis encore surprise de ce qui s'est passé dans le métro, mais le principal c'est que j'aille bien et que je ne sois pas blessée. Je sors mon téléphone de ma poche pour regarder l'heure. Puis je me dis qu'appeler mon amie de fac Tania pour lui raconter me ferait du bien. Elle aurait sûrement des explications à me donner. Je regarde l'heure de nouveau pour m'assurer qu'elle n'est pas à l'hôpital puis l'appelle.

- Ah ! Emi ! Comment ca va ? 

- Mmh.. bof et toi ?

- Comme un mardi. Qu'est ce qui t'arrive ?

J'éclate de rire. Ses réponses me font toujours du bien au moral tant elles sont bêtes. Je prends une grande inspiration et lui raconte en détail ce qui vient de m'arriver. Je ne l'entends pas répondre au téléphone. Elle respire simplement. Son silence me pèse, est-ce qu'elle pense que c'est une blague ? Est-ce qu'elle me croit..? Je l'entends soupirer.

- Je viens de voir ça aux informations. Et toi tu étais dedans ? Franchement Emi t'as le chic pour te foutre dans de ces situations..

Quand on ne la connaît pas, on penserait que Tania est quelqu'un d'horriblement froid. Mais c'est simplement sa façon de parler. Je lui offre un petit rire nerveux puis après lui avoir dit au revoir, je raccroche. Donc ce n'était pas mon imagination. J'ai pensé que c'était moi qui m'étais peut-être endormie dans le wagon et que la fatigue m'avait fait délirer. Je marche quelques minutes avant de rejoindre enfin mon appartement qui, à mon grand regret, est vide. Je me laisse aller sur mon canapé en lançant mon sac dans un coin de la pièce. Cet appartement me déprime. Les murs sont d'un gris triste. Je n'ai même pas de télévision et la table basse du salon me sert de table à manger. Je m'empare du plaid qui est posé sur l'accoudoir du canapé et m'enroule dedans. Je prends ma tablette et lance Netflix. Je mérite une pause série. Je reprends là où je m'étais arrêtée puis je cale bien ma tête dans l'accoudoir pour être le plus confortable possible. Néanmoins quelque chose me trotte dans la tête encore. Où était le gars qui a osé me toucher ? J'éteins finalement Netflix pour regarder la télévision depuis ma tablette et visionne les informations.

J'y croyaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant