Nature Humaine

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            La grande place se vide, laissant Alya seule face au cadavre de son agresseur, le regard dans le vide et la bouche tombante. Plus aucune expression se lit sur son visage.

- Les corbeaux ne tarderont pas à venir se nourrir, dit Ivar appuyé sur son bâton de métal. Je pense qu'il va rester ici un moment, je ne suis pas sûr que cette image plaira aux Saxons. Je te parie que certains d'entre eux partirons en courant.

Mais la première à partir en courant, c'est elle. Elle court comme si elle fuyait un cauchemar, mais c'est elle même qu'elle fuit. Appuyée sur ses genoux, une crampe fulgurante dans le ventre, l'empêche de se redresser. Vomissant ses tripes, elle réalise la scène horrifique qui s'est déroulé devant ses yeux. Knut, le dos ouvert, les poumons ensanglantés sur ses épaules, les yeux grands ouverts. Elle n'a pas détourné le regard une seule seconde, et n'a pas ressentit la moindre pitié. Plus le sang coulait, plus elle en était satisfaite. Il n'y avait rien d'autre autour d'elle que la mort qu'elle avait apporté dans leur clan. Elle avait la sensation d'avoir été comme possédée. Jamais elle n'aurait pu résister à une telle vision, pourtant c'est ce qu'elle a fait. Pour elle c'est peut être Ubbe qui tenait la hache, mais c'est elle qui a mené cet homme à la mort. Elle qui était victime se retrouve aujourd'hui à la place du bourreau.

Elle regarde ses mains tremblantes tâchées de goutes rouges, lui rappelant tout ce sang qui a giclé sur elle et sur sa robe. Elle se précipite vers un tonneaux rempli d'eau de pluie et en déverse sur ses vêtements et ses mains, frottant le plus fort possible comme si elle pouvait effacer ce qu'il vient de se produire. Mais rien ne l'effacera jamais

Se laissant tomber par terre, sur le sol humide et froid, elle hurle. Un hurlement de désespoir, de haine, de peur. Comme si tout ce qui toute les souffrances accumulées jusqu'ici avaient pris la place qu'il restait dans son cœur jusqu'à le faire exploser.

Alertés par les hurlements, Ubbe et Hvitserk arrivent en courant vers la jeune femme.

- Alya, tout va bien maintenant dit Ubbe en essayant de la relever.

- Non, au contraire, répond-t-elle d'une voix éteinte, je viens d'entrer dans un monde où je ne contrôle rien, je ne me contrôle même pas moi. Et jamais je ne pourrai faire marche arrière...

- Je pense que tu te trompe, dit Hvitserk, jusque là, tu étais la jeune femme que tes parents voulaient que tu sois, une jeune femme vouée à un mariage et une vie aussi banale que des milliers d'autres. Mais tu as eu la preuve que tu es bien plus que ça.

Adossée contre le mur de pierre derrière elle, elle l'observe comme s'il disait quelque chose de complètement absurde.

- Alors tu pense que je suis quelqu'un qui aime voir les autres mourir ? Parce que c'est ce qu'il s'est passé Hvitserk. Maintenant j'ai l'impression que le mal s'est installé en moi et essaie de réduire à néant le peu de bien qu'il me reste.

- Et c'est ce qui fait que nous sommes des êtres humain Alya ! Dit-il en haussant le ton. C'est parce que tu as vécu des choses difficiles que tu as fais ces choses, tu te crée une armure pour te protéger et c'est ce qu'il y a de plus humain.

- Mais jamais ça ne détruira ce que tu es véritablement, ajoute Ubbe en posant une main réconfortante sur son épaule.

La pluie se remet à tomber sur le sol, effaçant toute trace de sang et nettoyant le cadavre de Knut dont la peau est devenue d'une extrême pâleur.

Après avoir retrouvé ses esprit, Alya souhaite une bonne nuit aux garçon et part en direction de ce qui lui fait office de maison. Cet étrange bâtiment de pierres dont les propriétaires ont été massacrés pour nous y laisser la place. Cette maison ne sera jamais la sienne.

VIKINGS - Le sang des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant