Chapitre 5 - Ariel

217 33 30
                                    

-HA HA HA C'EST TELLEMENT LAID!

Myriam dut s'asseoir sur le divan quand son accès d'hilarité ne lui permit plus de rester debout. Ariel tendit la main vers la table basse pour examiner de plus près le responsable de la situation. Il s'agissait d'un petit ange fabriqué avec des pâtes sèches. Sa tête était une bille de bois sur lequel un visage avait été dessiné avec une maladresse enfantine, lui donnant davantage les traits d'un démon que d'un chérubin.

-Mym, c'est toi qui as fait ça, se défendit Ariel qui sentait un gloussement lui monter à la gorge.

-Non, je me souviens, c'était de toi!

Avec un effort visible, Myriam reprit contrôle d'elle-même et rejeta de son visage une longue mèche brune qui s'était échappé de sa tresse. Elle regarda l'ange en nouilles qu'Ariel tenait par la cordelette, puis elle leva les yeux sur sa soeur. Un son étranglé lui échappa, à mi-chemin entre le rire et le sanglot.

-J'arrive pas à croire que tu sois devenue peintre.

Les deux sœurs firent prise d'un nouveau fou rire qui reprenait de plus belle chaque fois que l'une d'elle posait les yeux sur l'ange en pâtes. Elles mirent une bonne minute avant de reprendre leur sérieux, puis de se laisser aller contre le canapé, épuisées par cet effort.

-Ça fait une demi-heure qu'on est là et on a encore rien fait, gémit Ariel.

Elle eut un geste de la main vers le sapin planté dans le salon. Myriam et elle avaient sortis les décorations, mais s'étaient laissé distraire par la vieille boîte Simons dans laquelle leur mère avait gardé les bricolages que les filles avaient fait à l'école primaire, à l'occasion de Noël. Aucune de ces créations n'avait bien vieilli et les deux sœurs s'étaient fait un plaisir de toutes les examiner.

-On va s'y mettre dans une minute, protesta Myriam d'un ton apaisant.

Elle s'étira pour saisir sa tasse de Noël kitsch posée sur la table basse, à côté de celle d'Ariel. Elle sirota tranquillement une gorgée de thé noir et observa le sapin, sans faire aucun mouvement pour prendre la décoration en main. Ariel prit un des biscuits aux épices que Carole avait cuisinés et en croqua une bouchée.

-On va commencer par les lumières, décida-t-elle la bouche pleine. On a toujours les bleues? Je les avais achetées avec papa, lors de son dernier...

La voix d'Ariel avait baissé à mesure qu'elle se rendait compte de ce qu'elle disait. Le mot « Noël » ne sortit jamais de sa gorge. Ce souvenir l'avait échappé. Il était trop tard pour ravaler ses paroles, même si elle ne savait plus comment continuer.

-Enfin, pas à son dernier Noël, puisqu'il a eu son accident le 24, reprit maladroitement Ariel. Je voulais dire l'année où il est mort.

Myriam resta silencieuse, en faisant tourner le chérubin de pâtes entre ses doigts. Elle ne quittait pas Ariel des yeux, un air sérieux sur le visage.

-On les a jetées il y a une semaine, l'informa Myriam. Les lumières fonctionnaient plus.

-Oh.

-En deux ans, c'est bien la première fois que je t'entends mentionner spontanément papa.

Sa sœur avait parlé calmement, mais Ariel perçut l'étincelle de reproche dans sa voix. La brûlure de la honte lui donnait l'impression que son visage était en feu.

-Tu peux vraiment pas être à la maison le soir du 24?

La culpabilité et le remords s'ajoutèrent à la honte. Ariel songea à lui dire la vérité. Elle avait envie de lui dire la vérité. Mais elle avait peur que Myriam lui en veuille encore plus, elle avait peur que Myriam ne comprenne pas, elle avait peur de passer pour l'imbécile qu'elle était.

Les anges de neige n'aiment pas volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant