Chapitre 12 - Eli

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Eli trouva étrange que sa mère reste au chalet avec lui et Ariel alors que le reste de la tribu emmenait les enfants faire de la luge. Ariel avait décidé de passer son tour parce qu'elle était fatiguée. Eli la soupçonnait de vouloir prendre une pause de Béatrice qui s'était entichée d'elle et l'avait entraîné dans ses jeux une partie de l'avant-midi.

Ça n'expliquait pas pourquoi Denise avait réquisitionné l'aide d'Eli pour faire sa soupe. À coup sûr, elle allait lui parler à nouveau de son avenir incertain en temps que musicien. Malheureusement, Ariel était à l'étage et ne serait pas en mesure de lui trouver de nouveaux arguments pour réduire en poussière ceux de sa mère.

— Tout va bien entre Ariel et toi? Demanda soudainement Denise.

Celle-là, il ne l'avait pas vu venir.

Eli continua de couper ses carottes d'un air occupé pour que sa mère ne se rende pas compte de son trouble.

— Oui, pourquoi?

— Je te trouve... différent avec elle. Comparé d'avec Lisa, je veux dire.

— En quoi on est différent?

Denise ne répondit pas tout de suite, l'air de choisir consciencieusement ses mots.

— Ariel et toi agissez exactement comme vous l'avez toujours fait, à passer votre temps à flirter...

— On passe pas notre temps à flirter! Protesta Eli sans y penser.

Denise lança un regard perçant à son fils par-dessus ses lunettes.

— Eli, tu sors avec cette fille. Elle t'attire oui ou non?

Oui.

Il s'entailla la jointure de l'index avec son couteau.

— Osti, jura-t-il entre ses dents en portant son doigt blessé à sa bouche.

D'où ça sortait ce « oui »? Il n'avait même pas eu le temps de réfléchir à la question! Objectivement, oui, Ariel était belle. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. Elle avait les yeux du vert le plus soutenu qu'Eli n'avait jamais vu chez quelqu'un. Quand elle souriait, c'était impossible de détourner le regard. En plus, sa peau avait l'air douce, bien qu'il n'ait jamais vérifié cette hypothèse.

Eli. Ta gueule.

— D'accord, on passe notre temps à flirter, admit Eli de mauvaise foi. Où veux-tu en venir?

— On dirait qu'il y a encore une tension non-résolue entre vous. Comme si... eh bien, comme si vous faisiez semblant d'être en couple.

Seules les années de pratique d'Eli à cacher son trac sur scène lui permirent de garder un visage de marbre. Les paroles de sa mère furent une bombe qui lui explosa à la figure. Comment avait-elle deviné? COMMENT?

— Maman, on fait pas semblant, répondit Eli en essayant de donner à sa voix un ton amusé. Pourquoi Ariel serait-elle venue ici pour les Fêtes plutôt que de rester avec sa famille? Et pourquoi je ferais semblant de sortir avec Ariel? Ça tient pas debout.

Arrête d'en dire autant, tu vas lui faire deviner tes motivations en plus!

— Je faisais seulement remarquer. On sent que vous êtes mal à l'aise de vous toucher. Je t'ai connu plus affectueux et je trouve curieux de ne pas voir ça quand tu es avec Ariel. Surtout que vous êtes un tout jeune couple.

Sa mère était une sorcière et leur avait caché son don de vision toutes ses années. Ou alors, lui et Ariel se prenaient pour les génies qu'ils n'étaient pas.

Eli termina de couper les carottes en petits cubes et, puisque Denise n'avait plus besoin de ses services, il monta l'escalier quatre à quatre. Il trouva Ariel dans leur chambre, le dos appuyé sur les oreillers et un cahier de croquis sur les cuisses. Elle quitta son dessin des yeux, le crayon en suspens au-dessus de la feuille quand il referma la porte.

— Mon Dieu, Eli! Qu'est-ce qui t'arrive?

— Ma mère a tout deviné.

L'effarement qui s'afficha sur le visage d'Ariel aurait pu être comique si Eli n'avait pas été lui-même aussi abasourdi par la situation.

— Elle sait qu'on ment? Demanda Ariel en se levant.

— Elle m'a pas reproché directement de mentir, mais elle a de sérieux soupçons. Est-ce que... tu sens qu'il y a une tension non-résolue entre nous?

Ariel battit des paupières, surprise par la question.

— Pas vraiment. C'est ce que Denise t'a dit? Demanda-t-elle en se levant du lit.

— Elle trouve aussi que c'est bizarre qu'on ait... aucune démonstration affective alors qu'on est un tout nouveau couple.

La surprise d'Ariel laissa place peu à peu à une expression de détermination.

— On a fait l'erreur de croire que notre complicité habituelle tromperait les gens. Il va falloir sortir l'artillerie lourde.

— C'est-à-dire?

— On va devoir s'embrasser.

Les anges de neige n'aiment pas volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant