Chapitre 13 - Ariel

188 35 91
                                    

Eli avait la même tête qu'un poisson rouge qui aurait sauté hors de son bocal. Malgré la belle assurance avec laquelle Ariel avait parlé, elle non plus n'en menait pas large. C'était Eli dont il était question tout de même. Son meilleur ami des cinq dernières années et même, son unique ami, à certaines périodes. Eli avec qui elle avait fait ses devoirs de philo, Eli qui arrivait toujours à la faire rire, Eli qui l'avait laissé pleurer sur son épaule à la mort de Jean. On n'embrassait pas un ami sans qu'il y ait de conséquences sur ladite amitié, non? Elle espérait qu'ils seraient l'exception à la règle.

— Dépêchons-nous avant que je change d'idée. Tu es prêt?

— Une petite minute, l'arrêta Eli en levant une main devant lui bien qu'Ariel n'ait pas bougé d'un pouce. On pourrait pas se tourner vers une solution moins extrême?

— Eli, soupira Ariel, on a essayé les solutions faciles et ta mère nous a percé à jour en moins de 24h. Ma théorie c'est que le premier baiser sera le plus difficile, mais après avoir passé ce stade, le reste coulera de source et on arrivera à avoir l'air d'un couple normal.

— Techniquement, on s'est déjà embrassé il y a cinq ans, alors ça sera pas notre premier baiser.

— J'ai aucun souvenir de ce que tout le monde m'a raconté! Tu t'en rappelles, toi?

— Pas vraiment.

— Dans ce cas, ça compte pas. Ce qui s'apprête à se produire va être... (Elle déglutit péniblement.) Notre premier.

Le long regard que lui lança Eli la mit mal à l'aise. Ariel ne savait pas ce qu'elle craignait le plus : qu'il accepte – risquant ainsi de détruire une précieuse amitié pour un stupide baiser – ou qu'il refuse – la laissant morte de honte d'avoir même fait cette proposition.

La perspective de devoir l'embrasser lui fit voir son ami à travers un regard neuf. Eli était beau avec ses yeux sombres, ses épais cheveux ondulés qui ne cessaient de lui retomber sur le front et sa mâchoire découpée. Elle eut la bouche sèche en se demandant comment elle se sentirait en l'embrassant. Aurait-elle l'impression de commettre un geste incestueux? Serait-ce le baiser le plus platonique et le plus malaisant de l'histoire des baisers?

— Ok, dit Eli, mettant fin aux débats intérieurs d'Ariel. Tu as le droit de m'embrasser.

— Bien, répondit-elle même si « bien » ne pouvait pas être plus à l'opposé de son état actuel.

Eli se redressa et lâcha la poignée de porte sur laquelle il avait gardé une main depuis son arrivée catastrophée dans la chambre. Il passa nerveusement ses doigts dans ses cheveux.

— C'est toi qui prends l'initiative de m'embrasser, on est d'accord là-dessus.

— Hein? Mais pas du tout! On se rencontre dans le milieu et...

— Ah non, la coupa Eli. C'est ton idée, donc c'est à toi de m'embrasser.

Ariel sentit son appréhension se transformer en anxiété qui lui tordit le ventre.

— Oui, bon. Laisse-moi une minute pour me préparer mentalement.

Eli hocha la tête mécaniquement et s'avança vers Ariel jusqu'à être assez près pour passer à l'acte s'il inclinait la tête. La jeune femme regardait fixement le lobe de son oreille, incapable de rencontrer le regard de son ami alors qu'ils étaient aussi proches.

— On a déjà fait des tas de choses plus bizarres que ça ensemble, dit Eli l'air d'essayer de se convaincre lui-même. Comme... comme... Enfin, des tas de choses. J'ai rien qui me vient à l'esprit, là, maintenant, tout de suite, mais tu vois...

Les anges de neige n'aiment pas volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant