Il régnait un brouhaha de voix enthousiasmes qui enflait à mesure que des gens arrivaient. Marie-Ève, la directrice de l'école de musique, et Charlie s'occupaient de placer les chaises sur ce qui servirait de scène et d'installer les lutrins. Eli s'assurait auprès de chaque élève qu'il avait son cartable de partitions et que ces dernières étaient en ordre. Il venait de terminer quand il aperçut une grande silhouette familière s'avancer dans l'allée centrale.
Ariel s'était maquillée ce soir-là, chose rare. Ses courts cheveux marrons étaient coiffés en boucles souples qui tombaient juste sous son menton. La barrette ornée de perles qu'elle portait sur le côté de la tête lui donnait un air sophistiqué, contrastant avec son éternelle boucle d'oreille de fraise.
Eli songea qu'elle était vraiment jolie. Enfin, elle l'était tout le temps, mais il était si habitué de la voir qu'il ne le remarquait plus. Il ne put s'empêcher de s'enorgueillir stupidement lorsqu'elle passa ses bras autour de ses épaules pour lui faire une accolade. Tout le monde pouvait ainsi voir qu'il sortait avec la plus belle fille de l'assemblée. Tout le monde étant des enfants de 10 à 13 ans et leurs parents. Même si tout ça n'était que de la frime, cela faisait du bien à son ego.
Ils s'écartèrent l'un de l'autre et Eli l'entraîna à part des élèves, de leur bavardage et des bruits discordants de leurs instruments.
— C'est gentil d'être venue, sourit Eli.
— Je suis ta copine, mon gars, as-tu déjà oublié? Il faut bien que je t'encourage.
— Les profs jouent seulement l'accompagnement. Ce sont bien plus les élèves que tu viens encourager.
— As-tu reçu mon texto?
— Non, j'ai fermé mon cellulaire. Pourquoi?
Ariel balança son poids d'une jambe à l'autre, l'air mal à l'aise.
— J'ai raconté à mes sœurs que tu m'avais avoué ton amour pendant qu'on mangeait du mac and cheese, assis par terre dans mon salon. Elle pensent maintenant que tu m'aimais en secret depuis le jour où tu t'es assis à côté de moi en cours de philo il y a cinq ans.
Eli resta bouche bée pendant une seconde. Deux secondes. Ce ne fut qu'à la troisième seconde que son cerveau eut complètement assimilé l'information.
— Sacrament, Ariel! Soupira-t-il sans parvenir à être complètement agacé. Tu pouvais pas me donner un autre rôle que celui de l'amoureux éperdu? Aouch!
Cette dernière lui avait donné une petite tape sur le bras.
— Eli Archambault, on sacre pas dans une église! Le réprimanda-t-elle. Si je suis venue te raconter tout ça avant le concert, c'est parce que Myriam a tenu à venir, elle aussi, pour assister à une dernière rencontre Arieli avant notre départ demain.
— Pour assister à quoi?
— Arieli. C'est le nom de couple qu'elle nous a trouvé.
— Charmant.
Eli repéra Myriam dans l'assistance et la salua. Cette dernière avait les yeux braqués sur les deux amis avec un grand sourire, mais elle était heureusement trop loin pour les entendre. Elle lui renvoya quand même la main avec entrain.
Eli entendit les professeurs demander aux élèves de faire la file pour se faire accorder. Les enfants baissèrent le ton et plusieurs notes de la s'élevèrent dans le plafond voûté, comme si les violons se répondaient.
— Il faut que j'y aille, dit Eli. On se reparle après le concert.
Ariel s'apprêta à le quitter, avant de se raviser et de l'embrasser sur la joue. Eli n'en sentit pas grand-chose avec sa barbe. Ça avait été aussi furtif et rapide qu'un battement d'ailes, comme si Ariel n'avait pas osé appuyer ses lèvres contre sa peau. Il se demanda si ça lui avait paru aussi déplacé de l'embrasser qu'à lui de recevoir ce baiser.
Autant briser la glace tout de suite. Il faudrait bien qu'ils se touchent à un moment donné s'ils voulaient être un couple convaincant, non? Ça serait une soirée de pratique avant les réunions de famille. Sur cette réassurance, Eli retourna auprès des musiciens.
— Est-ce que tu as été accordé? Demanda-t-il à Antoine, un de ses élèves qui se tenait là.
Eli s'assit sur une chaise et prit le violoncelle que l'enfant lui tendait. Charlie, la seule professeure aussi jeune que lui, accordait un violon tout près.
— Charlie, tu me donnes un la?
Cette dernière se tourna vers lui, sans une parole, et fit glisser l'archet sur la corde de la jusqu'à ce qu'Eli lui fasse signe que ça allait.
— Je savais même pas que tu étais en couple, dit-elle en ajustant la clé du ré.
Son accord voyagea entre le trop grave et le trop aigu jusqu'à ce que Charlie tombe sur la note juste.
— C'est assez nouveau, répondit évasivement Eli.
La jeune femme redonna le violon à Valentine et repoussa derrière son oreille une courte mèche de cheveux blonds. Elle tendit la main vers l'instrument de William.
— C'est pas à cause de ton antidérapant que t'as raté ton audition, poursuivit-elle quand Eli remit à Antoine son violoncelle. C'est parce que tu t'es fait une nouvelle blonde et que tu avais trop la tête ailleurs pour bien te préparer.
Eli se pencha au-dessus de l'instrument que Gabrielle lui avait donné, bien plus petit que celui d'Antoine. Une mèche sombre retomba sur son front, devant ses yeux. Il eut quand même une fugace vision du sourire amusé de Charlie.
— Tu peux pas être amoureux et consacrer tout letemps qu'il faut pour te perfectionner dans le violoncelle. L'amour et ladiscipline, ça ne va pas ensemble.
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Les anges de neige n'aiment pas voler
RomantikEli et Ariel retournent à Québec pour les Fêtes. Eli vient de rater une audition pour sa maîtrise en musique et il est inquiet de l'annoncer à ses parents qui espèrent voir leur fils se trouver enfin un vrai travail. Pour Ariel, le temps des Fêtes...