Chapitre 3 - Ariel

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-J'ai prévenu ma mère que tu venais souper, dit Ariel en jetant un coup à son cell. Elle dit que tu es le bienvenu.

La nuit était tombée depuis près d'une heure quand ils arrivèrent à Québec. Ariel avait hâte de sortir de la voiture pour se dégourdir les jambes. Elle avait vidé son chocolat chaud depuis longtemps et avait bu toute sa bouteille d'eau. Elle savait qu'elle se jetterait dans la salle de bain dès son arrivée chez sa mère. Eli circulait à travers les petites rues paisibles de Ste-Foy, suivant les indications d'Ariel.

-On y est! Chantonna-t-elle ravie en reconnaissant la façade familière.

Des guirlandes de lumières jaunes avaient été accrochées autour de la porte et une couronne de Noël agrémentée de baies rouges et de petites cocottes y trônait. La décoration surpris Ariel qui ne se rappelait pas avoir déjà vu ses parents mettre des lumières pour décorer la façade. Mais la vue de ces dernières la fit sourire.

Eli et elle quittèrent l'habitacle douillet de la voiture pour affronter la nuit froide. Ariel enfila ses mitaines pendant que son ami ouvrait le coffre. La jeune femme prit un de ses sacs sur son épaule et tendit la main pour attraper le deuxième pendant qu'Eli extirpait son violoncelle. Il lui avait un jour expliqué que les chocs thermiques étaient très mauvais pour le bois de l'instrument et qu'il ne pouvait pas laisser son violoncelle dans le froid.

Ariel traversa la cour d'un pas prudent pour éviter les plaques de glace et cogna à la porte. Sans attendre que sa mère vienne lui ouvrir, elle entra dans la maison, Eli sur ses talons. La cloche suspendue à la couronne de Noël sonna.

-Allo maman! Lança-t-elle une fois dans le hall d'entrée.

Carole sortit de la cuisine, essuyant ses mains enfarinées sur un linge.

-Allo, ma grande, salua-t-elle avec un sourire chaleureux.

Elle embrassa sa fille sur chaque joue et la serra dans ses bras. L'odeur familière et l'étreinte maternelle aidèrent Ariel à se sentir mieux. Puis, Carole se tourna vers Eli et lui servit le même accueil.

-Vous avez fait bonne route? J'étais en train de terminer mes pâtés au poulet, on devrait pouvoir manger dans trois quarts d'heure. Je peux réchauffer un pain au four, si vous avez déjà faim.

-Je prendrais bien du pain, dit Ariel en suspendant son manteau dans la garde-robe prévu à cet effet. Est-ce que Myriam est là?

-Elle est à la bibliothèque. Elle devait terminer un travail de fin de session aujourd'hui.

-Où est la salle de bain, déjà? Glissa Eli à Ariel. J'aimerais me changer.

Ariel avisa qu'il portait toujours ses vêtements d'audition : chemise blanche et pantalon noir.

-C'est au fond du couloir. À gauche.

Ariel rejoignit sa mère à la cuisine et prit place sur une chaise haute de l'îlot. Elle regarda sa mère rouler la pâte, ajouter un peu de farine sur le plan de travail, rouler de nouveau.

-Comment tu vas? Demanda-t-elle à Carole après un court moment de silence.

Sa mère releva la tête et repoussa l'une de ses mèches brunes de son front. Elle lui fit un sourire rassurant.

-Je vais bien.

Ariel, dont le radar à supercherie était beaucoup trop développé pour son propre bien, regarda Carole avec une suspicion fortement teintée d'inquiétude.

-Qu'est-ce qui se passe? Il est arrivé quelque chose à Myriam, c'est ça? Ou c'est Evelyne? Sa grossesse a des complications, c'est ça?

-Ariel, calme-toi, l'interrompit Carole d'une voix ferme. Tout le monde va bien.

Carole prit une profonde inspiration et lâcha son rouleau à pâte pour faire face à sa fille.

-J'ai rencontré quelqu'un.

Souffle coupé. Comme un coup de poing dans la cage thoracique qui lui aurait fait expirer tout son air. Ou un coup de poignard.

Rencontrer quelqu'un. Qu'est-ce que ça voulait dire? Peut-être que maman s'était juste fait un nouvel ami. Une relation platonique. Elle ne pouvait pas fréquenter quelqu'un alors que les filles s'apprêtaient à vivre le deuxième anniversaire de décès de leur père dans quelques jous. Il était trop tôt. Vraiment trop tôt.

-Ça fait longtemps? Demanda Ariel malgré elle.

-On se fréquente depuis deux mois.

Deux mois. DEUX MOIS. Deux mois.

-J'aurais voulu te le dire avant, poursuivit Carole, mais j'étais pas certaine que ça passerait bien par téléphone. Les filles l'ont rencontré dimanche dernier et elles l'ont beaucoup apprécié.

Plus de voix, elle n'avait plus de voix.

-Ariel, dit Carole sur le ton patient et empathique d'un médecin qui annonce à son patient qu'il a un cancer. Je l'ai invité à fêter le Réveillon avec nous.







Trahison.

Les anges de neige n'aiment pas volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant