Chapitre 4 - Eli

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Eli déposa son sac de vêtements dans l'entrée à côté de son violoncelle. Ça faisait du bien d'être en jeans et en chandail à nouveau.

-... pas le 24, disait Ariel. Je vais dans la famille d'Eli.

Ce dernier fut heureux de voir qu'elle acceptait son invitation. Il aurait été peiné de la savoir se morfondre dans sa chambre le soir du Réveillon.

Eli entra dans la cuisine au moment où Ariel dit :

-On sort ensemble, Eli et moi.

Eli resta figé derrière Carole, regardant Ariel l'air interdit. Il avait l'impression d'avoir raté une marche. Comment était-on passé de zéro à cent aussi rapidement?

-Oh, c'est vrai? Dit Carole, le visage s'illuminant alors qu'elle faisait la navette entre Eli et Ariel. Je suis tellement contente! Je m'attendais à ce que ça arrive depuis des années.

Le masque de fausse joie polie qu'affichait Ariel glissa soudainement de son visage pour ne laisser qu'une franche hébétude.

-Hein?

La porte de l'entrée s'ouvrit au son de la cloche de la couronne et se referma, accompagnée d'un bruit sourd. Comme un sac qu'on aurait lancé par terre. Cela détourna l'attention de Carole et Eli en profita pour gesticuler subtilement à l'intention d'Ariel qui fit signe qu'elle ne comprenait pas.

-LIBÉRÉÉÉÉÉE, DÉLIVRÉÉÉÉÉE!

Myriam certainement. Comme de fait, la petite sœur d'Ariel arriva dans la cuisine, déchaussée mais avec son manteau sur le dos et son bonnet bleu sur la tête. Une longue tresse de cheveux bouclés pendait sur son épaule. Son visage s'éclaira d'un grand sourire quand elle vit sa sœur.

-J'avais trop hâte de voir! Dit-elle en serrant Ariel dans ses bras. Tu es arrivée depuis longtemps? Oh, salut Eli, ça va? Tu restes pour le souper?

-Tu lui dis pas? Demanda Carole à Ariel avec un sourire entendu.

-Quoi? Me dire quoi?

-Humm... Eli et moi... on sort ensemble, dit Ariel comme si elle répugnait à dire cette phrase à voix haute.

Mais qu'est-ce qui se passe?

-Noooooooon! Fit Myriam en ouvrant de grands yeux. Oh my God, je suis trop contente pour vous! C'est la magie de Noël qui opère, c'est sûr!

Elle se jeta au cou d'Eli sans prévenir et ce dernier se pencha pour lui rendre son accolade de koala enthousiaste.

-Je t'ai toujours vu comme mon frère, en plus! J'étais certaine que ça arriverait un jour!

-Ah, euh... Je t'ai toujours vu comme ma petite sœur aussi, répondit maladroitement Eli.

MAIS QU'EST-CE QUI SE PASSE TABARNAK?

-Ariel, tu veux que je t'aide à défaire tes bagages? Demanda Eli de sa voix la plus neutre lorsque Myriam l'eut relâché.

-Ça peut attendre après le repas, dit-elle en détournant le regard.

Eli eut un sourire crispé.

-J'insiste.

. . .

-Pourquoi as-tu été dire à ta mère qu'on sortait ensemble? S'exclama Eli à mi-voix avec colère.

La chambre d'Ariel était la pièce la plus proche de l'escalier et il se doutait bien qu'on les entendrait au rez-de-chaussée s'il haussait la voix.

-J'ai dit la première chose qui m'ait passé par la tête! Se défendit Ariel sur le même ton.

-Mais pourquoi?

-Parce que ma mère va nous présenter son nouveau chum le soir du 24 et que je ne veux pas assister à ça!

Les yeux verts d'Ariel étaient humides de larmes. Eli n'aurait pas su dire si c'était du chagrin ou de la colère. Peut-être un peu des deux. Il sentit sa propre colère se dégonfler en la voyant.

-C'est avec ta mère que tu dois en parler, pas avec moi! En même temps, tu pourrais lui dire que tu as inventé toute cette histoire et...

-Pour que j'ai l'air d'une tarte désespérée? Hors de question! De toute façon, c'est toi qui disais que tu voulais trouver une fille pour passer pour ta blonde durant les réunions de famille.

-C'était pas sérieux!

-Ah ouais? Fit Ariel en croisant ses bras sur sa poitrine. Il y avait aucune once de vérité là-dedans?

Elle le défia du regard et Eli détourna les yeux en premier. Effectivement, Ariel n'avait pas complètement tort. Eli s'était demandé si la nouvelle de son échec à l'audition passerait mieux s'il pouvait présenter à ses parents « sa nouvelle copine ». Sa mère ne lui demanderait pas à nouveau s'il fréquentait quelqu'un. Son père n'oserait sûrement pas critiquer son choix de carrière devant Ariel. Et même s'il le faisait, son amie serait là pour être de son côté, pas vrai?

Pas vrai?

-Qu'est-ce qu'on fait, alors? Demanda-t-il d'une voix normale.

-On joue le couple d'amoureux pour une dizaine de jours, c'est pas la mer à boire. Quelques semaines plus tard, on a qu'à dire à nos familles qu'on a cassé et voilà. Méfait accompli.

Ariel signa sa dernière phrase d'un grand geste théâtral de la main qui arracha un sourire à Eli. Qu'est-ce que c'était dix jours? Rien du tout. Puis, il y avait pire que de passer ses vacances dans un chalet avec Ariel.

-Bon, ok. Faisons ça.

-Avant, j'aimerais vérifier que tout est bien clair et platonique entre nous.

-Très platonique. Il faudrait éviter de s'embrasser, en passant, parce qu'on aurait sûrement pas l'air naturel.

-Tout à fait d'accord. De toute façon, qui embrasse son partenaire en pleine réunion de famille?

-Tu oublies un petit détail : je pars après-demain au chalet de mes parents. On va être le 20 et donc, calcula Eli, on va devoir jouer au couple amoureux pendant cinq jours.

L'expression d'Ariel se figea.

-Évidemment, tu pourrais arriver plus tard dans la semaine, si tu veux.

-Voyons Eli, j'ai pas d'auto.

Eli eut un sourire moqueur.

-Si j'étais toi, je déferais pas mes bagagestout de suite.

Les anges de neige n'aiment pas volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant