Il avait toujours entendu dire qu'après la pluie, venait le beau temp. Et c'était peut-être vrai. Mais en rentrant ce soir-là, il ne voyait pas le beau temps. Il ne voyait qu'un appartement vide, froid et morne. Par les fenêtres, il pouvait voir la rue. Il pouvait l'entendre aussi, malgré le vitrage épais. Il se sentait incroyablement seul. Sa journée avait été épuisante, comme d'habitude, en fait. Il n'avait pas passé une minute sans courir.
Morgan posa ses affaires dans l'entrée, ne se souciant pas de s'il devait les ranger ou non. De toute façon, personne ne l'attendait pour lui faire la morale. Le temps d'une seconde, il revit l'air effaré de sa mère, lorsqu'ils rentraient des cours ou du sport, lui et ses frères. Il se revoyait rejeter la faute les uns sur les autres, en riant comme des andouilles.
— J'espère que ceux avec qui vous serez vous feront la misère ! tonnait sa mère.
Et les garçons riaient.
S'affairant en cuisine, l'homme réchauffait un plat qui attendait dans le frigidaire depuis quelques jours. Ses parents et ses frères lui manquaient. Etant a plus d'une heure de route d'eux, il ne pouvait pas se permettre le luxe d'aller les voir, lorsque ses heures libres se résumaient qu'à quelques-unes. En se rendant compte de ses pensées, il secoua la tête et se gifla mentalement. Ce n'était pas le moment de flancher. Il les verrait durant les fêtes, comme tous les ans.
Dehors, la pluie battait les fenêtres. Il pleuvait depuis le début d'après-midi, si bien qu'il avait dû prendre le parapluie d'un de ses collègues, pour venir chez lui. Pendant que son repas chauffait, il s'accouda à la vitre et paria sur une goutte d'eau pour qu'elle arrive la première en bas. Même à trente-et-un an, il se divertissait d'un rien.
La sonnerie de son téléphone le coupa dans son observation. Il ne prit même pas la peine de regarder l'émetteur. Le brun pressa le bouton vert en bas à droite avant de porter son téléphone à son oreille. Il y eu un grésillement, un grand bruit et un juron.
— Qu'est-ce que tu es encore en train de casser, Milo ? demanda Morgan.
— Quoi ? Rien ! s'exclama l'autre, sa voix paraissant lointaine.
— Pourquoi tu m'appelles ? Ta fille a encore chopé une merde dans la nuit ?
— Je ne te parle pas que pour les intérêts ! Je pensais à toi, et j'ai voulu t'entendre, vu qu'on ne s'est pas vu depuis longtemps, frangin, rétorqua Milo, bougon.
Morgan esquissa un sourire. La voix cassée de son frère était reconnaissable entre milles. Grave et fragile à la fois, il aimait l'écouter parler pendant des heures. Il reçu une notification qu'il entendit durant l'appel. Quelques secondes après, Milo subit le même sort. Sur messenger, Marius venait d'entamer un face time avec eux. Dans un même mouvement, les deux frères coupèrent l'appel avant d'accepter celui qu'ils recevaient.
— Hey les gars ! Comment ça va ? s'exclama joyeusement le troisième.
Dans la petite fenêtre pixelisée, Morgan observa quelques secondes ses frères. Il n'avait jamais douté de la connexion entre des jumeaux, ou des triplés, dans leur cas. Sans même se dire un mot, ils avaient pensé aux autres. Cette envie de les voir n'était pas la première, et à chaque fois, cela se terminait par une discussion à plusieurs.
— Morgan... ! La Terre appelle Morgan ! Avons-nous perdu un astronaute ?
L'interpellé cligna des yeux, tiré de ses pensées. La note du micro-onde retentit dans l'appartement vide. C'était comme s'il reprenait vie. Sur l'écran, ses frères le fixaient.
— Pardon, j'étais... ailleurs, s'excusa rapidement le médecin.
— On a remarqué, oui, s'amusa Marius. On se demandait comment tu vas ?
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Caméléon
Romance[Premier tome de la saga À travers le monde] S'il fallait décrire Andy, il serait probablement ce jeune homme bizarre, décalé et carrément flippé. Il avait toujours vécu avec ces qualificatifs. S'il fallait décrire Morgan, il serait certainement l'...