CHAPITRE 5

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Morgan se retourna une dernière fois, cherchant du regard le blond qu'il avait croisé par deux fois. Seule la porte vitrée du café lui répondait. L'inconnu avait continué son chemin vers son collègue au comptoir, la tête baissée et les épaules rentrées, sans se préoccuper des regards prédateurs sur lui.

– Hé, mais qu'est-ce que tu nous as fait là ? C'était quoi cet arrêt sur image ?

– Laisse tomber. C'est rien, grogna le brun en fourrant ses mains dans ses poches.

– Tu rigoles ?

Cependant, Elijah se confrontait à un mur haut de plusieurs mètres et aussi épais qu'une muraille. Il ne voulait pas en parler, et encore moins s'étendre sur ses sentiments. Enfin, sentiments. La conception abstraite de ce que l'on ressentait lorsque notre cœur battait plus fort. Morgan n'en avait jamais vraiment eu. De l'amitié, oui. De la fraternité, aussi. De l'affection, certainement. Mais de l'amour, jamais.

Sauf que ce jour-là, son cœur avait battu si fort qu'il en avait eu le souffle coupé. Comme il y avait deux mois. Comme aujourd'hui. Comme lorsque le regard pareil a un félin se posait sur lui. Les pépites d'or tiraient vers le jaune. Comme si un soleil se couchait à même les yeux. Pouvait-on tomber sous le charme d'une couleur ?

– D'accord, t'as gagné, grogna Morgan. Tu gagnes toujours, soupira-t-il.

Le temps qu'il eût mis pour parler, était le temps exact qu'ils avaient mis pour se rendre à l'appartement d'Elijah. L'homme ouvrit la porte avec un grand coup de pied, comme sa son habitude, car elle bloquait à un certain moment. Le bois avait travaillé avec les années. Le salon ouvert sur une cuisine fonctionnelle les accueilli.

– Dis-moi tout, je t'écoute, déclara le bouclé en enlevant son manteau.

Pendu à côté d'autres, il tenait compagnie a celui de Morgan. Une pile d'écharpes manquait de tomber lorsque le châtain rajouta la sienne. Morgan s'assit sur l'accoudoir du canapé, à côté de son meilleur ami. Une jambe se balançant dans le vide, il pesait encore le pour et le contre de lui avouer ce qui le tracassait.

– Je veux juste que tu ne fasses pas ton psy, d'accord ?

Eli hocha simplement la tête, les sourcils froncés, concentré.

– Il y a deux mois, en rentrant du boulot, on est passé par le parc qui est entre l'hôpital et l'appartement de Luna. Tu sais, il y a souvent des gosses. Et puis, il y avait une personne. Blonde avec de magnifiques yeux verts et un appareil photo. Au départ, je pensais que c'était une femme, mais c'était un homme.

– Donc, la personne qu'on a croisé en sortant du café. J'ai bon ? s'intéressa Eli.

– Oui... lui, du coup, répliqua Morgan. Mais tu sais, je ne suis pas vraiment attiré par les autres, d'habitude, et là... dit-il timidement en passant une main dans ses cheveux.

– Non ? Tu as ressenti quelque chose ? Une attirance ? s'écria le bouclé.

– Je ne sais pas si c'est de l'attirance, mais il y a eu quelque chose... mon cœur a loupé un battement, au moins, murmura Morgan. Ce n'est qu'une expression, mais c'est ce que j'ai ressenti. Tu penses que je suis malade ?

– Alors tu as la plus belle maladie au monde, mon gars.

Il y eut un silence confortable. Ni l'un ni l'autre voulait parler, même si les mots tournaient dans la bouche d'Elijah, sans vouloir sortir pour autant. Il voulait rassurer son meilleur ami, l'aiguiller et l'aider. Mais il ne savait pas par où commencer. Lui poser milles et unes questions ? Non, il connaissait suffisamment Morgan pour savoir que c'était une très mauvaise idée. Il risquerait de se refermer sur lui-même. Lui montrer le chemin pour ne pas qu'il panique car c'était la première fois ? Non, il dirait encore qu'il jouait au psy. Essayer de dénouer le problème, point par point ? Cela pouvait peut-être marcher.

CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant